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Les choix du PLFSS 2018 : “une pari risqué”

Par Alain Joyandet, Sénateur, rapporteur pour avis de ce PLFSS pour la commission des finances

La commission des finances du Sénat s’est saisie pour avis des articles du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2018 présentant de forts enjeux fiscaux et financiers.

Les projets de loi de finances et de financement de la sécurité sociale pour 2018 présentent un caractère imbriqué, plus encore que les années précédentes, qu’il s’agisse des transferts financiers entre le budget de la sécurité sociale et celui de l’État mais aussi du « poids » des administrations de sécurité sociale dans les finances publiques.

Ce PLFSS que j’ai rapporté pour avis au nom de la commission des finances, constitue ainsi une pièce importante du dispositif mis en place par le Gouvernement pour ramener le déficit effectif à 0,2 % du PIB en 2022, contre 3,4 % du PIB en 2016, conformément à la trajectoire prévue par la loi de programmation des finances publiques.

Compte tenu de la baisse des prélèvements obligatoires prévue au cours de la période, l’effort de redressement des comptes publics reposerait exclusivement sur la maîtrise de la dépense publique.

Or, les administrations de sécurité sociale – régimes obligatoires de sécurité sociale, mais aussi régimes complémentaires de retraite obligatoires et Unédic – représentent en 2016 46,5 % de la dépense publique. Le Gouvernement compte principalement sur les administrations de sécurité sociale pour atteindre son objectif de réduction du déficit public : d’après les estimations de la commission des finances, près de la moitié des économies à réaliser d’ici là reposent sur les administrations de sécurité sociale, soit un montant en ligne avec leur poids dans la dépense publique.

Il s’agit là d’un un pari risqué. Compte tenu des mesures proposées pour 2018, qui reposent sur des leviers traditionnels déjà largement exploités, il est permis de douter de l’objectif que le Gouvernement s’est fixé d’un retour à l’équilibre des comptes de la sécurité sociale à l’horizon 2020.

Lors de la présentation de mon rapport à la commission des finances, j’ai relevé les deux principaux éléments structurants de ce PLFSS : la modification du financement de la sécurité sociale et la suppression du CICE en 2019, transformé en baisse de charges.

La suppression des cotisations salariales d’assurance maladie et de chômage pour les salariés du secteur privé en contrepartie d’une hausse de 1,7 point du taux de CSG modifie le financement de la sécurité sociale. Il élargit son mode de financement, qui repose à l’heure actuelle majoritairement sur les revenus du travail.

Cette mesure est satisfaisante, à l’exception des retraités qui ne bénéficient d’aucune mesure de compensation contrairement aux salariés. Elle s’ajoutera au gel des pensions de retraite en 2018, à savoir une année blanche qui résultera du report de la revalorisation des pensions. Les retraités concernés sont ceux assujettis au taux plein de CSG : cela équivaut à une pension mensuelle de 1 286 euros pour les moins de 65 ans, et 1 392 euros pour les plus de 65 ans. Pour une personne seule de plus de 65 ans percevant 1 440 euros de pension mensuelle, cette augmentation représente une perte de revenus de 27 euros par mois, soit 324 euros par an. Ce sont 60 % des retraités, soit 8,2 millions de personnes qui se verront appliquer dès le 1er janvier 2018 une augmentation de la CSG.

Le Sénat a donc adopté l’amendement de la commission des finances supprimant la hausse de la CSG pour les 60 % de personnes retraitées qui auraient été concernées par la hausse de la CSG.

La transformation proposée du CICE en baisse de cotisations patronales est une avancée positive. La réduction pérenne des charges est plus souhaitable qu’une subvention aléatoire, à laquelle s’apparentait le CICE. Il faut rappeler toutefois que l’État a récupéré 1 % au passage, puisque la compensation sera effectuée sur la base de 6 %, et non de 7 %.

Ce PLFSS traduit aussi des choix du Gouvernement en matière de maîtrise de la dépense sociale, qui conduisent à douter de la trajectoire des comptes sociaux, que j’ai présentée en détails dans mon rapport, avec une analyse par branche de la sécurité sociale.

Alors que la branche maladie concentre les déficits et les inquiétudes, il ne nous est guère proposé de mesures nouvelles. 4,2 milliards d’euros sont attendus pour maîtriser un ONDAM rehaussé à 2,3 %. Mais ces économies proviennent non pas de nouvelles mesures, mais de la poursuite des axes déjà mis en œuvre entre 2015 et 2017, pour des résultats limités – notamment les mesures du plan ONDAM 2015-2017.

En réalité, ce sont les familles et les retraités qui porteront les principales mesures d’économies. Sur ces deux branches, des mesures nouvelles en dépenses sont annoncées par le Gouvernement, mais sont en réalité plus que compensées par de nouvelles mesures d’économies.

Le revalorisation du minimum vieillesse proposée par le PLFSS coûtera 115 millions d’euros en 2018 : « en même temps », pour reprendre l’expression chère au Président de la République, l’alignement des revalorisations des pensions de retraite et du minimum vieillesse au 1er janvier conduit à un gel des pensions de retraite en 2018, qui permet d’économiser 380 millions d’euros en 2018, sur le dos des retraités.

L’augmentation de 30 % du complément de libre choix du mode de garde coûterait 40 millions d’euros en 2022 : « en même temps », le montant et les plafonds d’éligibilité de la prestation d’accueil du jeune enfant, la Paje, sont alignés par le bas sur ceux du complément familial. Un couple d’instituteurs perdrait le droit à près de 2000 euros d’allocations l’année suivant la naissance de son premier enfant. Et voilà une économie de 500 millions par an à compter de 2022, sur le dos des familles.

La commission des finances a donc voté la suppression de l’abaissement du montant et des plafonds de la Paje. Cet amendement sera présenté en séance publique au Sénat au cours de la discussion du PLFSS qui a lieu en ce moment même. 

 

Alain Joyandet est Rapporteur pour avis de ce PLFSS pour la commission des finances, et rapporteur spécial de la mission « Santé » du projet de loi de finances. Il a présenté son rapport à la commission des finances le 7 novembre. Lien vers le rapport pour avis : https://www.senat.fr/rap/a17-068/a17-068.html

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