La gestion et la distribution des masques vous posent-elles un problème ?
Oui, même si nous ne sommes pas dans la critique pour la critique. Notre souci c’est bien que des masques de qualité soient accessibles à tous.
Après des semaines de tergiversation, on nous explique maintenant que dans le cadre du déconfinement, le masque est devenu un instrument majeur pour endiguer la circulation du virus. Il est aujourd’hui rendu obligatoire dans les transports publics et dans les écoles. Prenons acte de ce choix. Encore faut-il qu’il n’y ait pas de barrière à l’accès aux masques, notamment sur le plan économique.
C’est-à-dire ?
Si le masque est obligatoire, il nous semble que le Gouvernement aurait dû imposer qu’il soit fourni aux usagers des services publics et ainsi garantir un égal accès de tous au service public. Au lieu de cela c’est le choix de la verbalisation qui a été fait, 135 euros en cas de non port dans les transports publics. L’approche par la sanction financière n’est pas la meilleure façon, ni pour généraliser un bon usage, ni pour responsabiliser.
L’exemple de la vaccination est parlant. Dans un but d’intérêt général, du fait de l’enjeu sanitaire à faire en sorte qu’elle se généralise, celle-ci a été rendue obligatoire. Mais dans le même temps le principe du remboursement par la Sécurité sociale a été posé. Pourquoi ce choix n’a-t-il pas été fait pour les masques ? Il aurait pourtant été cohérent.
La question du coût des masques est un vrai sujet ?
Bien évidemment. Se pose déjà la question du plafonnement des prix. Si nous ne sommes pas nécessairement pour le « tout gratuit », nous constatons que le Gouvernement a fait le choix de confier la distribution des masques au marché plutôt qu’être ordonnateur et coordinateur de la distribution en s’appuyant, par exemple, sur les collectivités locales.
Pour les masques jetables, un prix plafond de 95 centimes a été fixé par le Gouvernement et l’incitation d’aller dans la Grande distribution très forte. C’est doublement critiquable.
D’abord le niveau du plafond. Même si au final le prix semble s’établir autour de 60 centimes, la dépense reste très élevée. Faisons un calcul rapide. Prenons l’exemple d’une famille de 4 personnes. Pour un usage correct et efficace des masques jetables, il faut en compter 2 ou 3 par personne, quotidiennement. Cela fait du 7 €20 par jour et sur un mois on est autour de 200 euros. C’est énorme pour une famille ! Et encore faut-il ajouter également le coût du gel hydroalcoolique.
Ensuite, est-ce encore la bonne solution que d’inciter encore les citoyens à se précipiter dans ces lieux de concentration de consommateurs ?
Pour ce qui est des masques en tissu réutilisables en vente dans les pharmacies et chez les buralistes, les prix n’ont pas été plafonnés. Les prix sont libres et si l’on nous promet de la modération et que l’on nous assure qu’il y aura des contrôles, on se demande contrôler quoi puisque les prix sont libres, et qu’on nous explique qu’on ne peut pas les encadrer ! Permettez-moi d’être dubitatif. C’est alors au consommateur faire jouer la concurrence, et donc de déambuler de buralistes en pharmacies, quel paradoxe…
Compte tenu des prix annoncés pour l’heure, autour de 5 euros, le coût reste encore élevé pour bien des familles, dans les 100 euros par mois. N’oublions pas non plus que le port de ce masque est assorti de contraintes lourdes de nettoyage et de séchage.
Cette affaire de coût pourrait aussi avoir des répercussions sanitaires selon vous ?
Effectivement. Le risque existe que bon nombre finissent par vouloir faire des économies en réutilisant leur masque au-delà des préconisations. Et si les masques ne remplissent plus correctement leur office, la protection devient illusoire, comme elle peut l’être, là encore par souci d’économie, avec des masques bricolés non conformes.
Au final, il m’apparaît que cette gestion ne garantisse pas l’accès de tous aux masques de qualité, elle repose sur une sous-évaluation de la dimension économique comme de celle des risques sanitaires qui en découlent. ■