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La liberté de manifester en question

Le rapport de la Commission d’enquête de l’Assemblée sur les « missions et modalités de maintien de l’ordre républicain dans un contexte de respect des libertés publiques et du droit de manifestation » a rendu ses conclusions et fait 23 propositions. Le président de la Commission d’enquête, le député écologiste Noël Mamère a voté contre.

 

Mise en place le 3 décembre dernier, à la suite de la mort du militant écologiste Rémi Fraisse sur le site du barrage de Sivens (Tarn) après l’explosion d’une grenade de la gendarmerie, la commission d’enquête s’est trouvée dans une situation assez rare au moment de rendre son rapport, celle d’un président, à l’origine de la création de la commission votant contre. Si le rapport ne visait pas à enquêter sur la mort d’un jeune « Zadiste », ces commissions n’ont pas vocation à enquêter à la place de la Justice, son objectif était de s’interroger sur le maintien de l’ordre et sur l’encadrement des manifestations.
« Nous n’avions pas vocation à investiguer sur ce qui s’est passé à Sivens, mais à réfléchir aux moyens de mieux articuler liberté de manifester et maintien de l’ordre républicain. Nous n’avons fait ni le procès des forces de l’ordre, ni le procès des manifestants » a d’ailleurs souligné le rapporteur, le député socialiste de Seine-Saint-Denis, Pascal Popelin.
Le rapport, adopté par 13 voix (SRC, Les Républicains, Centristes) contre deux, celles de Noël Mamère, président de la Commission et Marie-George Buffet (GDR) fait 23 propositions parmi lesquelles celle d’une concertation préalable obligatoire entre organisateurs et autorités, une simplification des sommations ou l’interdiction de manifester pour les personnes condamnées (comme cela se fait déjà dans les stades). Le rapport propose également une nouvelle organisation des unités de maintien de l’ordre avec une meilleure formation et le recours systématique à des unités spécialisées. Il recommande aussi de les doter de nouveaux moyens permettant de disperser les foules (canons à eau, dispositifs assourdissants et aveuglants, etc…). Si « globalement le système fonctionne, Pascal Popelin, juge cependant nécessaire de l’adapter aux évolutions liées notamment à la nature des organisateurs, aux phénomènes de violence, aux nouveaux terrains (comme les ZAD, zones à défendre) ». « On n’est plus dans le contexte d’un trajet Bastille-Nation encadré par un service d’ordre rompu aux discussions avec les pouvoirs publics » justifie le rapporteur, il faut ainsi faire face à des manifestations « parfois parasitées par une violence sans lien avec les revendications exprimées, tandis que l’écho médiatique des manifestations est amplifié par l’évolution des nouveaux moyens de communication ».
« Je ne me retrouve pas dans ses conclusions et ses préoccupations » lui a répondu Noël Mamère, « L’idée après la tragédie de Sivens était de formuler des propositions pour que l’ordre public s’adapte au droit de manifester et c’est l’inverse qui se produit ». Le député écologiste est vent debout contre la proposition concernant la concertation préalable obligatoire « qui peut être utile et bénéfique » mais que rien ne justifie de rendre obligatoire ; à l’idée d’une interdiction administrative de manifester qui selon lui, réduirait « la possibilité du droit de manifester » qui est une liberté fondamentale. Il s’oppose également aux contrôles d’identité collectifs, « contraire au principe de contrôle d’identité qui doit être individualisé et doit répondre à des troubles préalables ». Dénonçant par ailleurs « l’obsession des zadistes, qui ne sont pas tous des casseurs », le député écologiste a demandé l’interdiction des lanceurs de balles de défense, « une déclinaison du flashball qui, sous prétexte qu’il est peu létal est très utilisé par les forces de l‘ordre, mais qui peut provoquer de graves blessures et même des décès ». Il est d’ailleurs, pour Marie-George Buffet, tout simplement « inadapté » à la doctrine d'intervention, « on ne peut traiter la foule en un bloc unique, qu'il faut protéger, en ayant la possibilité de viser individuellement un citoyen qui la compose ». Le rapport recommande pour sa part d’en restreindre l’usage aux seules forces mobiles et aux forces dûment formées à son emploi dans le contexte particulier du maintien de l’ordre et de développer de nouveaux moyens intermédiaires visant à disperser les foules.

Démocratie environnementale : débattre et décider

Pour répondre à des situations de blocage sur des dossiers importants et emblématiques comme celui de l’aéroport ND des Landes ou le barrage de Sivens, avec la mort d’un jeune militant, françois Hollande avait exprimé la nécessité de renforcer la transparence et l’efficacité du débat public et l’association des citoyens aux décisions administratives les concernant, sans allonger les délais des procédures, A donc été constituée, au sein du Conseil national de la transition écologique une commission spécialisée dont la présidence a été confiée au sénateur Alain richard. Dans ses conclusions, rendues à Ségolène royal, le sénateur entend renforcer la concertation en amont, lors des déclarations d'intention des projets.
Cette concertation serait organisée d'office pour les plus grands projets.
Pour les projets « moyens ou locaux », ce sont les maîtres d'ouvrage qui décideraient de l’organiser ou pas. En cas de problème, Alain Richard propose « un mécanisme d'alerte » déclenché « par une représentation légitime du public ». Ce « droit d'initiative » devra être validée par une autorité publique, composée d'experts, élus, représentants d'ONG, syndicats et patronat. Le rapport recommande encore « une plus grande transparence des analyses et expertises ». Il faudra aussi mieux « rendre compte des suites données à la participation du public ». La Ministre de l’Ecologie s’est félicitée du caractère « innovant et équilibré de ces recommandations, à même de renforcer l'association des citoyens aux décisions qui les concernent et de sécuriser la conduite des projets ». Les mesures retenues seront intégrées dans le projet de loi sur la biodiversité, en discussion au Sénat en juillet.

 

 

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