“On n’est plus du tout dans la même loi (...) Ce n’est pas l’équilibre de la loi qui a été souhaitée” a déploré à l’issue du vote de la commission spéciale sa présidente, Agnès Firmin Le Bodo qui n’a pu que prendre acte du choix de ses collègues.
Le texte qui sera examiné à l’assemblée à partir du 27 mai a été revu et corrigé par les députés de la commission spéciale en choisissant d’ouvrir plus largement l’accès à l’aide à mourir. Sur les 71 députés, siégeant au prorata de chaque groupe politique, seuls ceux du Rassemblement national (RN) et des Républicains (LR) ne l’ont pas voté. « Le débat a pris un tournant très inquiétant » a vivement réagi Annie Genevard (LR), qui a estimé que « le législateur a ouvert la boîte de pandore au détriment de la protection du patient, de ses proches et des soignants ». Opposé à cette vision du texte, le communiste Pierre Dharréville, n’a pas hésité pour sa part à parler d’un « basculement qui a une dimension anthropologique vertigineuse ».
Les députés ont commencé par introduire dans le code de santé publique l’aide à mourir contre l’avis d’ailleurs de très nombreux soignants qui s’étaient mobilisés pour éviter que l’euthanasie soit reconnue comme un soin.
En commission les esprits se sont également échauffés lorsqu’il a fallu débattre de la notion de « pronostic vital engagé à court ou moyen terme » pour pouvoir bénéficier de l’aide à mourir. Cette idée a été supprimée par les députés pour la remplacer par la notion de « phase avancée ou terminale » de la maladie à la satisfaction de la députée LFI Danielle Simonnet qui estime alors que cette nouvelle définition « place le patient au centre de la décision au lieu de la faire dépendre de son médecin ». Et d’ajouter : « Nous élargissons l’accès de l’aide à mourir ». Satisfait aussi, Olivier Falorni (MoDem), rapporteur général du texte qui s’est toutefois voulu rassurant, en rappelant que cette aide à mourir ne bénéficierait qu’à des personnes atteintes d’une maladie « grave et incurable ». Cette nouvelle définition a été votée contre l’avis du gouvernement qui estime que, contrairement à ce qui est espéré, cela restreindrait restreindre le champ des personnes éligibles aux patients « en extrême fin de vie ». « Supprimer le court et moyen terme, très clairement, on n’est plus du tout dans la même loi. On est dans une loi qui peut permettre à des personnes dont le pronostic vital serait engagé à long terme, qui peuvent avoir des souffrances physiques réfractaires, de demander à mourir. Ce n’est pas l’équilibre de la loi qui a été souhaitée et qui a été présentée » a protesté la présidente de la commission, Agnès Firmin-Le Bodo (Horizons) qui a annoncé qu’elle ferait réintroduire en séance publique le critère du « pronostic vital à court ou moyen terme ». Regrettant également la disparition de la notion de « pronostic vital », le rapporteur Renaissance Didier Martin a fait part de ses craintes, estimant que « l’aide à mourir ne peut s’envisager qu’en fin de vie ». Sans surprise, la société française de soins palliatifs (SFAP) a dénoncé un critère « encore plus large » et « encore plus flou ».
Le choix du terne d’« aide à mourir » proposé par le gouvernement a l’article 5 a été confirmé. Il permet d’envisager cela seulement comme une aide au suicide assisté avec comme principe que l’administration de la substance létale est « effectuée par la personne elle-même ». L’euthanasie, ou l’administration du produit létal alors réalisée par un soignant ou un tierce personne ne devait être qu’une exception proposée au malade n’étant pas « en mesure physiquement d’y procéder ». Mais cela c’était avant le débat en commission car si cette exception existe bien le diable se niche dans les détails. Un amendement supprimant la notion de l’impossibilité physique est venu remettre en cause le principe laissant le libre choix au patient. « Ce choix entre « euthanasie » et « suicide assisté » devrait incomber au malade et non au type de maladie. Ce n’est pas à la présence d’éventuelles paralysies de se substituer à la volonté du patient » a ainsi expliqué l’auteur de l’amendement, la députée Renaissance Cécile Rilhac.
Qu’en est-il du discernement du patient ? La nouvelle mouture du texte précise que la demande d’euthanasie inscrite dans les directives anticipées sera prise en compte au cas où le patient ne serait plus en mesure de réitérer sa demande. Les partisans de cette idée voyaient dans le fait qu’une personne inconsciente à la suite d’un accident ou d’un coma soit privée de cette aide à mourir une forme d’« injustice ».
Ensuite, le délai de 48 heures de réflexion donné au patient avant d’accéder à l’aide à mourir et qui avait été un choix exprimé par le chef de l’Etat a été revu à la baisse. Déjà court, ce délai pourra être réduit sur avis du médecin afin de « préserver la dignité du patient ».
Si la collégialité de la décision médicale ouvrant l’accès à l’aide à mourir a fait l’objet d’un amendement qui prévoit que la procédure d’évaluation de la demande du patient soit effectuée dans le cadre d’une « procédure collégiale pluri-professionnelle », dans les faits, la décision ne sera le résultat que d’un seul médecin. « Vous dites qu’il y a une collégialité mais il n’y en a pas » s’est emporté Philippe Juvin (LR) jugeant que l’on pourrait « tomber sur un médecin qui ne fait que ça ».
Enfin, un délit d’entrave à l’aide à mourir a été adopté par l’adoption d’un amendement de la rapporteur LFI Caroline Fiat tandis que la création d’un délit d’incitation à l’aide active à mourir proposée par Annie Vidal (RE) était repoussé. ■