Avec 56 projets d’investissements industriel ou technologique étrangers annoncés en France pour un montant de 15 milliards d’euros et « la perspective de 10 000 emplois créés », cette 7ème édition de « Choose France » a de quoi rendre le sourire à l’exécutif quelque peu malmené ces derniers temps. « Un record » qui fait de la France « le pays le plus attractif d’Europe » s’est même félicité Emmanuel Macron en clôture de l’événement. Le cru de cette année : Microsoft avec 4 milliards d’euros dont une part importante ira dans la construction d’un data center en Alsace, avec à la clé 300 embauches ; 1 milliard et 300 emplois en CDI pour Amazon. L’Allemand Litium prévoit pour sa part d’assembler son avion électrique en France (400 millions d’euros et possiblement 850 emplois). Le groupe pharmaceutique Sanofi a annoncé un investissement de plus d’un milliard d’euros dans la production de médicaments en France, avec la construction d’une nouvelle usine sur son site de Vitry-sur-Seine (Val-de-Marne), ce qui pourrait représenter 500 emplois. Avec 500 millions sur cinq ans pour Pfizer et 360 millions d’euros pour AstraZeneca, les deux groupes ont annoncé des investissements supplémentaires dans la pharmacie. Le géant canadien des frites surgelées McCain va investir plus de 350 millions d’euros dans ses usines du Pas-de-Calais et de la Marne, créant 20 à 30 postes supplémentaires, etc.
Année après année, « Choose France », l’initiative du président Macron lancée en 2018 engrange les succès et les promesses d’investissements. Calculette en main, le ministre de l’économie Bruno Le Maire s’est empressé de lâcher en amont de la rencontre le chiffre de 31,2 milliards d’euros investis en France depuis cette date, « soit l’équivalent de ce que nous avons déjà mis dans France 2030 ».
Mais derrière les discours triomphants, qu’en est-il de la concrétisation de ces projets ? A l’Elysée, on assure que les projets annoncés depuis 2018 sont « réalisés ou en cours de réalisation ». Il est vrai que les investissements sont parfois étalés sur plusieurs années, ce qui peut rendre leur suivi difficile. « Les temporalités peuvent être très différentes d’un projet à l’autre » a confessé à nos confrères du Parisien, un conseiller du palais présidentiel.
De son côté l’Usine nouvelle s’est intéressée aux sites en extension ou en construction qui restent l’essentiel de la destination des investissements étrangers. Sur les 122 projets annoncés, une petite trentaine concernait des projets d’installation de nouvelles usines ou centres de recherche, soit un peu moins d’un quart, tous ne sont pas encore concrétisés. Toutefois, il est à souligner que seulement deux projets ont été définitivement abandonnés. En 2018, le groupe américain Del Monte projetait l’installation d’une usine de découpe de fruits frais dans la Somme, elle ne verra pas le jour. En Normandie, l’usine de viennoiseries du groupe coréen SC ne sortira finalement jamais de terre. A l’inverse d’autres projets sont finalisés et vivent leur vie comme le centre de recherche parisien sur l’IA de Google ou le centre d’expertise d’Accenture à Brest.
L’autre regret que l’on pourrait avoir en examinant attentivement les résultats de « Choose France », c’est le faible nombre d’emplois finalement créés. Les investissements promis de Choose France 2024 devraient créer en moyenne 179 emplois par projet (10 000 emplois annoncés pour 56 projets). L’an dernier, avec « seulement » 13 milliards d’investissements, la promesse d’emplois était de 8 000 emplois, soit une moyenne de 285 emplois par projet (28). En 2022, une enquête de Business France révélait que seulement 3 % des projets étrangers d’investissement dépassaient les 250 salariés en France. Et les deux tiers des projets en comptaient 20 ou moins. Par rapport à d’autres pays européens, question emplois, le décrochage est manifeste : pour un investissement étranger en France, ce sont 35 emplois créés en moyenne contre 49 en Allemagne ou 61 au Royaume-Uni et même 299 en Espagne (Baromètre EY). Au final et toujours selon EY, les investissements étrangers pèsent pour seulement 0,13 % de l’emploi en France. Un état des lieux qui pourrait s’expliquer par le coût de notre main d’œuvre et par le manque de qualification de cette main d’oeuvre pour des projets industriels.
Ainsi cette année, le bilan en termes d’emplois est maigre : 10 000 emplois créés ou maintenus pour 56 projets d’investissements. Question emplois, ce n’est donc pas grâce à « Choose France » que le taux de chômage va diminuer. ■
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Choose France au-delà de la vitrine - Par Bruno Coquet, Docteur en économie, Président de Uno - Etudes & Conseil