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Comment réduire la facture d’électricité ? Les pistes du Sénat

Après 6 mois d’investigations et plus de 130 personnalités entendues, les conclusions des travaux de la commission d’enquête portant sur la production, la consommation et le prix de l’électricité aux horizons 2035 et 2050 ont été rendues publiques début juillet. Parmi la trentaine de propositions, les sénateurs recommandent de réduire le taux de TVA de 20 % à 5,5 % mais uniquement pour « la consommation de base » des ménages.

Prix de l’énergie (et pouvoir d’achat), mode de production. Voilà quelques-uns des sujets qui ont été évoqués lors de cette campagne législative. Dans ce contexte, le rapport de la commission peut apporter sa pierre au débat et pourquoi pas servir de boîte à outils à nos futurs gouvernants. C’est en tout cas ce que souhaitent Franck Montaugé (SER, Gers), président de la commission et le rapporteur Vincent Delahaye (UC, Essonne), même si, ont-ils tenu à préciser, la mission lancée en janvier avait « prévu de faire des recommandations sur le plan de la fiscalité de l’électricité bien avant la campagne électorale et les propositions lancées sur ce thème ».

Jugeant « anormal » que l’électricité soit autant taxée « alors que c’est un produit de première nécessité et que c’est un facteur de compétitivité pour nos entreprises », le rapporteur estime qu’il ne pourra y avoir une baisse du prix de l’électricité qu’en passant par « une baisse ciblée » de la fiscalité. Une préconisation qui va à l’encontre de ce que propose le RN. Dans son programme, le rassemblement national plaide pour une baisse généralisée de la TVA à 5,5 %. Or, selon Vincent Delahaye « une baisse générale et indifférenciée de la TVA serait très coûteuse pour nos finances publiques et particulièrement injuste ». La commission d’enquête propose alors une baisse du taux de TVA de 20 % à 5,5 % mais uniquement pour « la consommation de base » des ménages, soit 4,5 mégawattheures par an (MWh/an) s’il n’y a pas chauffage électrique et 6 MWh/an avec chauffage électrique. « Sous ce volume, la TVA serait abaissée à 5,5 %, l’accise sur l’électricité passerait de 21 euros actuellement à 9,5 euros/MWh, et la contribution d’acheminement (CTA) serait supprimée » précise le rapport. Une mesure qui, selon Vincent Delahaye bénéficierait à « tout le monde sur un certain volume, qu’on pourrait appeler la ’consommation de première nécessité’, pour éclairer, cuisiner... Après, si vous avez une piscine chauffée ou autre, là on ne vous aide pas particulièrement ». Au-dessus de la « consommation de base », le taux de TVA resterait de 20 % et l’accise serait plus élevée en fonction du volume consommé. Calcul fait par la commission, ces mesures coûteraient 3,5 milliards d’euros annuels et permettraient une baisse de 18 % des factures d’électricité estiment les sénateurs.

La commission a également cherché des solutions pour garantir un prix bas et stable pour l’usager.

Alors que, jugent-ils, l’« accord » État/EDF de novembre 2023 ne garantit ni des prix acceptables pour les consommateurs ni des revenus suffisants pour EDF, la commission d’enquête propose de lui substituer un contrat pour différence (CfD) fixé entre 60 et 65 euros le MWh pour éviter les variations erratiques de prix. « Cela permettra de corréler les prix de l’électricité aux coûts de production et les détacher de ceux du gaz » expliquent-ils. Et de préciser : « Cette proposition entrainerait une baisse complémentaire du prix de 22 % ».

Les mesures fiscales qu’ils proposent offrent « donc la perspective d’une baisse significative des factures des Français dès le début de l’année 2025, baisse qui pourrait atteindre plus de 40 % pour la « consommation de base » » se félicitent-ils. Soit près de 7 000 euros sur la facture annuelle d’un boulanger qui consomme en moyenne 99 MWh par an ; plus de 600 euros sur la facture annuelle d’un ménage qui consomme en moyenne 6 MWh par an.

Autre volet de ce rapport, la question sensible de la production électrique alors que l’on sait qu’elle va progresser significativement du fait de l’électrification des usages. Pour la commission d’enquête, le scénario le plus probable est celui à 615 TWh en 2035, soit 38 % d’augmentation, puis environ 700 TWh en 2050, soit 57 % d’augmentation par rapport à la situation actuelle.

Pour une production électrique suffisante à prix compétitif garanti, « à l’horizon 2035, la prolongation optimisée du parc nucléaire devra accompagner un essor raisonnable des moyens de production renouvelables » plaident les sénateurs. Et à l’horizon 2050, « il sera nécessaire de prolonger les centrales actuelles au-delà de 60 ans et de construire 14 nouveaux réacteurs EPR2, projet qui exigera une maîtrise industrielle renforcée et un système de financement optimisé ». « On a pris beaucoup de retard sur le nucléaire, alors que c’est un très gros atout, car c’est le mode de production qui émet le moins de carbone et qui est le moins cher. Il est donc indispensable de réinvestir ce champ » explique Vincent Delahaye. Et en fonction des choix faits, « le mix de production national résultant des scénarios étudiés par la commission d’enquête produirait entre 700 et 850 TWh en 2050. De 52 % à 61 % seraient assurés par des moyens nucléaires » note le rapport.

Enfin, la commission met en garde contre le risque, « trop peu évoqué », de raréfaction de l’uranium naturel « à une échéance assez rapprochée ». Selon les hypothèses de déploiement de l’énergie nucléaire civile dans le monde, qui doit être massif pour permettre la décarbonation, l’uranium peut se raréfier autour des années 2060. Le rapporteur juge alors « impératif » de relancer « au plus vite » la recherche sur les réacteurs à neutrons rapides (RNR), « qui produisent moins de déchets ultimes et permettraient à la France de disposer d’une énergie nucléaire 100 % souveraine pour des centaines d’années en recyclant nos propres déchets ! »

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