Les bons points distribués par la Cour des comptes sont rares et pourtant ses magistrats ont apporté un véritable satisfecit aux Maisons France Services dans un rapport sur ce dispositif de guichet de proximité. Né à la suite de la crise des gilets jaunes, il a été pensé comme le moyen d’apporter une réponse au sentiment de relégation et d’éloignement à l’égard des services publics vécu par une partie de la population. Piloté par l’Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT), le dispositif repose sur un réseau de porteurs locaux (collectivités territoriales, La Poste, associations, etc.) et associe onze opérateurs nationaux pour accompagner les usagers, souvent perdus, dans l’accomplissement en ligne de leurs démarches administratives rappelle la Cour. Cinq années après le début de son déploiement, le réseau France services représente plus de 2 840 espaces en France (antennes comprises). Près de 100 % des espaces se situent à moins de 30 minutes de transport pour les usagers. « Le nombre de demandes traitées par les espaces France services a augmenté de manière continue depuis la mise en place du réseau, passant de 1,17 million en 2020 à près de 9 millions à la fin de l’année 2023 » soulignent les magistrats. Les usagers des services ont généralement plus de 55 ans (58 %) et sont majoritairement des femmes (56 %). Les jeunes sont sous-représentés (6 % des usagers ont moins de 26 ans). A noter encore que près de 82 % des demandes sont traitées sur place. Les réponses apportées par les Maisons France services semblent être à la hauteur des attentes avec un taux de satisfaction des usagers qui dépasse les 90 %. « Cela traduit tout autant la capacité du réseau à répondre aux besoins formels des usagers, que son aptitude à les écouter et à les accompagner dans le cadre d’une relation directe et personnalisée » écrit la cour. « Au regard de cette relation singulière, le réseau France services participe incontestablement à la réduction des fractures territoriales » se réjouit-elle.
Mais car il y a toujours un mais avec la Cour des comptes, le dispositif peut encore être affiné. « Le programme doit clarifier ses orientations stratégiques et gagner en lisibilité ». Les sages de la rue Cambon estiment que le réseau gagnerait d’abord « à mieux connaître les publics de chaque territoire ainsi que les évolutions de la présence de l’ensemble des services à la population ». Ils appellent également à revoir sa gouvernance « qui doit davantage coordonner les parties prenantes ». Au niveau national, une meilleure coordination de l’action de l’ANCT serait nécessaire avec les ministères et les opérateurs. Au niveau local, le partenariat est à articuler davantage entre les espaces et les opérateurs de l’offre de services commune à l’ensemble du réseau. « Hétérogènes selon les territoires et les opérateurs, les relations entre les conseillers des espaces France services, au contact des usagers (« front office ») et les services des opérateurs, experts sur leurs procédures (« back office ») restent à clarifier » insiste la Cour.
Les magistrats qui veulent « assurer la pérennité du dispositif et une juste répartition des charges » plaident alors pour une augmentation du budget. Le coût total du programme est évalué à environ 350 Me pour 2024 (dont environ 113 Me au titre du budget général de l’État, représentant moins de 1 % des crédits de paiement de la mission « cohésion des territoires »). En 2023, le financement du programme par l’État et ses opérateurs a progressé, avec un forfait annuel porté de 30 000 e à 35 000 e pour les structures non-postales. L’objectif de la trajectoire de financement du programme est d’atteindre 50 000 e par structure en 2026. « En dépit de cette trajectoire, la charge financière pèse toujours davantage sur les porteurs locaux que sur l’État et ses opérateurs ». « Au surplus, poursuivent les juges, le financement national ne tient pas compte des situations de saturation de certains espaces ». La cour verrait d’un bon œil la distribution d’une « subvention forfaitaire supplémentaire » pour assurer la prise en charge du programme dans les espaces confrontés à une fréquentation supérieure à leurs capacités d’accueil.
Enfin, sur le plan des ressources humaines, la Cour note que les fonctions de conseiller France services « exigent maîtrise technique, capacité d’initiative et savoir-être, face à des situations parfois complexes ». Or, enchaîne-t-elle, « les spécificités de ce métier ne sont pas encore suffisamment valorisées dans les parcours professionnels des conseillers ». Il est suggéré un renforcement de leur formation continue, « le tout dans l’optique de mieux fidéliser les personnels du réseau France services ». ■