Lors de son discours de politique générale, le premier ministre déclarait vouloir faire de la santé mentale une grande cause nationale en 2025. Mais alors que les maires jouent un rôle central dans la vie démocratique du pays, qu’ils sont en première ligne pour répondre aux exigences de leurs concitoyens, ils sont souvent les premiers oubliés lorsqu’il s’agit de se soucier de leur bien-être et de leur santé mentale. Souhaitant réparer une forme d’injustice, l’Observatoire Amarok s’est penché sur la question en menant une étude inédite.
Premier constat, 69,3 % des maires affichent une satisfaction en tant qu’élu. « Ce résultat contraste fortement avec la perception générale que l’on pourrait avoir de la satisfaction des élus. En effet, alors que l’on pourrait s’attendre à une insatisfaction plus marquée au vu des débats publics et des défis auxquels les élus sont confrontés, les données révèlent une satisfaction relativement élevée » se félicite Olivier Torres, le président de l’Observatoire Amarok. Toutefois, ce résultat ne doit pas faire oublier l’état d’épuisement général des maires tel qu’il se ressent dans l’enquête. Pour les élus, le burnout n’est pas loin. 31,40 % des maires français éprouvent un sentiment d’épuisement dans leur fonction et 3,48 % d’entre eux sont en situation d’épuisement sévère, « ce qui correspond à une fourchette de 1 142 à 1 218 maires actuellement en France ». Les élus parlent alors de déception, de fatigue, d’impuissance, de mauvais sommeil et de lassitude. « Les maires français sont à la fois très investis mais très empêchés (sentiment d’impuissance). Ils souffrent d’une forme de syndrome d’épuisement de frustration » assure Olivier Torres qui n’hésite pas à citer Bernard Ravet (2020) lorsqu’il parle des « galériens de la République » face à « l’Etat qui empile les normes, les échelons administratifs et les lois et qui privent les maires de toute marge de manoeuvre ».
Pour mener à bien son étude, Amarok a créé deux outils spécifiques et novateurs : le stressomètre et le satisfactomètre des maires. Le satisfactomètre qui hiérarchise les évènements positifs de la vie d’un maire en fonction de l’intensité de satisfaction qu’ils procurent « est un bon reflet de la condition d’existence d’un élu » explique Olivier Torres. Sans surprise, le maire trouve d’abord son équilibre dans sa vie familiale et personnelle. Vient ensuite comme motif de satisfaction, la réussite d’un projet. « La notion de « projet » est centrale dans la vie d’un maire ». Les cérémonies ou les célébrations sont des événements vécus comme étant très positifs également. « Cette forte satisfaction atteste de l’importance de la fonction de représentation du maire, fonction qui est une source de plaisir, de joie partagée et vraisemblablement de fierté de la part du maire » note le président d’Amarok. La bonne entente dans l’équipe municipale est aussi importante pour le maire. Il faut encore souligner que les vacances ou le bien-être personnel – au-delà de la famille – ne sont pas spécialement perçus comme un profond motif de satisfaction. Le maire aurait tendance à se négliger en tant que personne et à s’oublier souvent au profit de sa fonction publique de maire. « Le sacerdoce conduit aussi à des sacrifices » pense Olivier Torres.
Qu’en est-il des facteurs de stress du maire ? Le stressomètre vient apporter des éléments de réponse. C’est essentiellement tout ce qui touche à la vie publique et surtout à la « complexité et la lourdeur administratives » qui ressort en premier. « Chaque décision, chaque projet nécessite une connaissance de textes juridiques, souvent en constante évolution » répondent les élus qui doivent être alors « multitâches » et savoir gérer des domaines variés et complexes juridiquement (urbanisme, éducation, sécurité…). « Cette multiplication des tâches peut rapidement devenir accablante ». Le deuxième facteur de stress est « la charge de travail de la fonction et le manque de temps » qui peuvent très vite conduire à l’épuisement professionnel et à une baisse de motivation. Autre source de stress, la gestion des subventions. Avoir ou pas une subvention est souvent source de frustration et d’incertitude et qui n’est pas sans conséquences pour le développement des projets municipaux. Quant aux agressions, souvent médiatisées, elles sont également évaluées à un niveau élevé de stress (6ème position). Enfin, l’épuisement est « significativement » plus élevé chez les femmes élues et les maires isolés. « En préservant les maires, la République se protège elle-même, en soutenant ceux qui sont au coeur de son fonctionnement quotidien et qui incarnent sa présence auprès des citoyens. Une République mature est une République qui protège ceux qui la servent » conclut Olivier Torres qui souhaite développer ses outils pour prévenir le burnout des maires. ■