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“Quelque 42 % de maires se déclarent prêts à se représenter en mars 2026”

L’enquête conduite par le Cevipof en partenariat avec les associations d’élus du bloc local, le ministère de l’Aménagement du territoire et de la Décentralisation et les délégations aux collectivités de l’Assemblée nationale et du Sénat, auprès de plus de 5 000 maires, dresse l’état des lieux de leurs intentions en vue du prochain scrutin.

De cette enquête, il ressort, d’une part, que la proportion des élus prêts à repartir est conforme « aux mandats précédents » (48 % en 2019) et d’autre part « qu’au-delà des difficultés, il y a vraiment l’envie de servir, d’être utile » explique l’auteur de l’étude Martial Foucault, professeur à Sciences Po. Si 42 % se déclarent prêts à se représenter en mars 2026, 28 % d’entre eux ne souhaitent pas se représenter (même pourcentage qu’en 2019), et 30 % n’ont pas encore pris leur décision (contre 23 % en 2019).

Comme critère d’appréciation, la taille de la commune joue un rôle déterminant. Ainsi, 70 % des maires de communes de plus de 9 000 habitants veulent continuer, contre 37 % des élus dans des communes de moins de 500 habitants. Un écart « significatif, révélateur de moyens inégaux, de charges administratives vécues comme écrasantes, mais aussi d’un isolement plus pesant dans les petites communes » souligne l’étude.

Autres critères, l’ancienneté dans le mandat et l’âge ont une importance. « Plus le nombre de mandats successifs exercés est élevé, plus le souhait de ne pas se représenter augmente ». Après leur premier mandat, ils sont encore 46 % à vouloir poursuivre, 38 % après un deuxième mandat, et 36 % après trois mandats.

« Le statut professionnel est également décisif » poursuit le politologue : seuls 33 % des maires retraités souhaitent se représenter, contre 53 % des maires en activité. « Ce qui peut être perçu comme un futur signe de rajeunissement de la fonction interroge sur la capacité des citoyens actifs professionnellement à prendre le relais de l’engagement municipal. Compte tenu des contraintes fortes liées à la conciliation d’une vie professionnelle et d’un mandat de maire, le faible pourcentage de maires retraités à vouloir continuer apparaît comme un signal d’alerte » estime, non sans inquiétude, Martial Foucault.

Pour les maires qui renoncent ou sont encore indécis, plusieurs causes « entre raisons institutionnelles et raisons personnelles » entrent en ligne de compte pointe l’étude.

Sur le plan institutionnel, le manque de ressources financières (17 %) et l’exigence trop forte des citoyens (15 %) arrivent en tête des motifs évoqués par les maires. « L’absence de débat public sur les ressources propres des communes (en particulier depuis la suppression de la taxe d’habitation sur les résidences principales) est un grief qui agace nombre de maires malgré la situation budgétaire nationale bien connue et intégrée par eux » explique le politologue. Sur l’aspect « exigence des citoyens », les maires se disent surtout inquiets face à la montée des violences : incivilités, menaces verbales ou écrites, insultes et injures, attaques sur les réseaux sociaux.

« Sur le terrain des causes personnelles, le sens du devoir accompli (20 %) et le sentiment d’insécurité personnelle et de surexposition face aux comportements des citoyens (19 %) sont les deux premiers motifs invoqués par les maires » souligne encore l’étude. « Le sens du devoir accompli s’accompagne très souvent d’une question de longévité à la tête de la mairie. Pour beaucoup de maires, la décision de ne pas se représenter n’est pas nécessairement liée à de l’amertume ou de la rancœur. Elle témoigne tantôt d’une forme de lassitude, tantôt de l’envie de prendre du recul par rapport à une fonction chronophage qui laisse peu de repos et de tranquillité d’esprit » ajoute Martial Foucault.

Enfin, il ressort de l’enquête que de nombreux maires se sentent démunis face à la complexité croissante des dossiers d’un point de vue administratif et réglementaire jusqu’à conduire certains d’entre eux à s’interroger sur le sens de leur action. « Maire technicien ou maire politique ? Ou encore maire de dossier ou maire au contact des citoyens ? » Pour beaucoup d’élus, la question se pose.

« Le tableau dépeint par cette enquête n’est ni sombre, ni alarmant : il est juste réaliste. Il correspond aux transformations de la société française et à l’engagement des équipes municipales pour y faire face et garantir la cohésion, malgré des moyens matériels de plus en plus limités. Certains maires gardent la foi quand d’autres, portés par un cumul de lassitude, de solitude, et d’un sentiment d’abandon face à une fonction de plus en plus complexe, se désengagent silencieusement » conclut Martial Foucault. 

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