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Vignes et réchauffement climatique, quelles conséquences, quelles réponses ?

La Commission des Affaires économiques de l’Assemblée a organisé une table-ronde sur « la vigne et le changement climatique ». Quelles conséquences pour la filière et le consommateur ? Et quelles solutions ? Pistes de réflexion.

“Face au changement climatique, la vigne n’est pas épargnée” rappelle en introduction de cette table-ronde Frédérique Massat, la présidente de la Commission. « La filière de la vigne et du vin est extrêmement sensible au climat et au changement climatique » confirme Jean-Marc Touzard, directeur de recherche à l’Inra. « Les viticulteurs, précise-t-il, sont confrontés aux évolutions du climat depuis des millénaires. De ce fait, ils ont développé une aptitude à prendre en compte ces phénomènes et proposent déjà des solutions ». Toutefois, ajoute-t-il, « le facteur nouveau réside dans l’accélération du changement climatique qui prend les acteurs au dépourvu ».

Le premier impact du changement climatique sur la vigne et le vin est celui de la précocité des stades du développement de la vigne. Ainsi, depuis les années 80, « les vendanges ont avancé de quinze jours à trois semaines dans toutes les régions » indique Jean-Marc Touzard, « à cet égard, la vigne a été un témoin précurseur du changement climatique ». La variabilité climatique a aussi des conséquences sur les caractéristiques du raisin, notamment sur sa composition, « donc sur la qualité du vin ». Le raisin étant plus sucré, le taux d’alcool dans le vin augmente et l’acidité diminue. « Le profil aromatique ainsi que la couleur sont, eux aussi, affectés ».

Mais pour le chercheur de l’Inra, « ces évolutions ne sont pas nécessairement négatives pour les vignobles, notamment septentrionaux, qui ne connaissent pas toujours des conditions de maturité optimales à l’heure des vendanges. Par contre, le problème est sérieux pour le vignoble méditerranéen, car certains vins atteignent des degrés d’alcool importants » reconnaît-il. Le changement climatique influe encore sur les aspects géographiques : l’évolution de la température va modifier les zones potentiellement favorables à la plantation de la vigne. « il sera ainsi possible de planter en altitude mais surtout dans le nord de la France et de l’Europe » explique aux parlementaires présents, Jean-Marc Touzard. Il faut encore ajouter l’impact sur les revenus des viticulteurs du fait d’une baisse des rendements en raison des risques accrus mais aussi d’une révision de la valeur à terme du patrimoine constitué par le vignoble et d’une concurrence avec de nouvelles régions viticoles. « Enfin, souligne l’Inra, le système des appellations est mis à mal et remis en cause. La question de la capacité des autorités concernées à anticiper et à faire face à ces enjeux majeurs est posée ».

A la recherche du cépage idéal

Des solutions existent pourtant, certaines d’entre elles ont même déjà été mises en pratique, parfois dans d’autres pays, « mais un important travail de recherche demeure nécessaire pour en proposer de nouvelles, notamment parce que les évolutions se précipitent » n’oublie pas de glisser le directeur de recherche à l’Inra. Au rang de ces solutions, il est d’abord possible d’intervenir sur le choix des cépages, avec des plus tardifs, afin de contrer la précocité, et qui résistent aussi à la sécheresse et éventuellement aux maladies. « Nous sommes en quelque sorte à la recherche du cépage idéal » note Jean-Marc Touzard. On peut aussi intervenir sur la gestion du sol, l’irrigation, le mode de conduite du plant, sa façon de le tailler, sa hauteur, etc. D’autres pistes, plus technologiques s’appuient sur l’information climatique. A ces innovations techniques qui ne se suffisent pas à elles-mêmes et qui peuvent être combinées, il faut aussi réfléchir à la réorganisation des plantations au sein d’un terroir (exposition des parcelles, orientation du cépage, diversité des sols, …). « De façon plus radicale, il est aussi possible de créer ex nihilo de nouveaux vignobles, en Bretagne, ou dans le Bassin parisien, par exemple » note le chercheur. En complément de ces diverses solutions, le changement institutionnel constitue aussi un autre registre de l’adaptation au changement climatique. Cela concerne notamment la gestion du risque - « il faut repenser la façon de combiner le système d’assurance avec les options de stockage de réserve afin de compenser une année par une autre, imaginer des solidarités entre vignobles et terroirs »-.

Convaincre le consommateur

Quant aux consommateurs, ils peuvent enfin constituer l’un des acteurs de l’adaptation. « S’ils acceptent les effets du changement climatique sur le plan de la qualité gustative, l’adaptation sera facilitée. Dans le cas contraire, les viticulteurs seront contraints à maintenir les caractéristiques actuelles du vin, et éviter les chocs trop importants, faute de quoi, un marché sera perdu » conclut Jean-Marc Touzard qui prend tout de même le temps d’ajouter qu’il faut bien avoir en tête « que d’ici à 2050, quel que soit le scénario retenu, le réchauffement de l’atmosphère ne dépassera pas 2°C, et que, dans ce contexte, à peu près tous les vignobles sont à même de s’y adapter en mobilisant et en combinant les solutions énoncées ». Les experts attendent des changements importants, tels que la disparition de certaines zones de production, à l’horizon 2100. 

 

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