“Parmi les qualificatifs suivants, quels sont ceux qui caractérisent le mieux votre état d’esprit actuel ?” A la première question du Cevipof, les Français ne se sont pas fait prier pour répondre. Un cri du cœur. La « lassitude » (41 %), la « morosité » (34 %) et la « méfiance » (28 %) sont ainsi les trois premières réponses données par nos compatriotes. « C’est le triptyque infernal de l’opinion publique » a expliqué l’un des auteurs de l’étude, Bruno Cautrès, chercheur au CNRS et au Cevipof au micro de BFMTV. « C’est une enquête qu’on réalise tous les ans, mais là on a un développement spectaculaire du sentiment de lassitude » reconnaît-il. « L’une de mes hypothèses est que les Français ont l’impression d’être plongés dans une crise qui s’éternise. Depuis l’automne 2018, il y a eu les « gilets jaunes », puis la contestation contre la réforme des retraites et maintenant cette longue épidémie… il y a un sentiment diffus d’une crise sans fin dont on ne verrait jamais la sortie » estime le chercheur. Et au-delà de ce sentiment diffus, les Français déclarent ne pas être non plus « sereins » (seuls 15 % le sont et/ou le disent). A la différence de nos voisins Britanniques (42 %) et Allemands (40 %) qui ont pourtant connus la même pandémie.
Parallèlement à l’état d’esprit, le baromètre s’intéresse à la confiance des Français dans les institutions. Une confiance très largement égratignée en ce qui concerne les plus hautes instances de l’exécutif. 35 % des sondés ne font « pas du tout confiance » au président et 24 % « plutôt pas confiance ». Même combat pour le Premier ministre : 32 % ne font « pas du tout confiance » et 30 % « plutôt pas confiance ». Les députés font mieux : 17 % des sondés ne leur font toutefois « pas du tout confiance » et 31 % « plutôt pas confiance » (39 % « plutôt confiance », 5 % « très confiance »). A l’inverse et de façon assez classique, les Français déclarent avoir une forte confiance en leur maire (65 %) et à 56 % pour le conseil départemental et le conseil régional. Question confiance, les Français l’accordent aussi volontiers au personnel médical (85 %), aux scientifiques (75 %), à l’école (73 %), à la police (69 %), un peu moins aux médias (28 %) et encore moins aux partis politiques (16 %).
Plus globalement, les Français se montrent très sévères avec la politique. « Quand vous pensez à la politique, pouvez-vous me dire ce que vous éprouvez d’abord... ? » demande presque naïvement le Cevipof. Les réponses sont sans appel : 39 % éprouvent de la « méfiance », 23 % du « dégoût » et 12 % de « l’ennui ». Au final, 77 % expriment des sentiments négatifs. Ils sont même 80 % à déclarer que les responsables politiques ne se préoccupent pas de ce que les Français peuvent penser (18 % « se préoccupent ») et 65 %, -6 les pensent « corrompus » (31 %, +5 « honnêtes »).
Un effritement général de la confiance qui n’est pas sans conséquences. Ou tout au moins, c’est ce que l’on peut penser avec les réponses autour de la gestion de la crise sanitaire et de la vaccination. En février, 58 % estiment en effet que le gouvernement ne gère pas bien la crise sanitaire - les erreurs de communication, les errements et les revirements sur la question n’aidant probablement pas.
Si les Français se disent moyennement inquiets pour la situation financière de leur foyer (48 %), ils le sont beaucoup plus pour la situation économique du pays (84 %).
Enfin, si 49 % des sondés déclarent vouloir se faire vacciner ou l’ont déjà fait, « parce que c’est le seul moyen d’en finir avec la contagion et de retrouver une vie normale » (77 %), pour ceux qui refusent de se faire vacciner ou qui hésitent encore (30 %), 70 % évoquent comme raison le fait que « l’on n’a pas assez de recul sur la maladie et le vaccin » et aussi parce qu’ils redoutent « les effets secondaires de ce vaccin » (53 %). A titre de comparaison, 66 % des Allemands indiquent vouloir se faire vacciner, 76 % des Italiens et même 80 % des Britanniques. ■
*En qu(o)i les Français ont-ils confiance aujourd’hui ? - Le baromètre de la confiance politique – Sciences Po Cevipof – Vague 12 – février 2021