“Au terme de l’exercice 2023, les produits retracés dans le compte de résultat se sont établis à 117,2 M€ et les charges à 125,5 M€ (contre respectivement 110 M€ et 109,8 M€ en 2022). Le résultat comptable est donc déficitaire de 8,3 M€ alors qu’il était excédentaire en 2022 (0,3 M€)” résume la Cour dans son rapport rendu public le 28 juillet, au cœur de l’été et en plein Jeux Olympiques. Mais que l’on se rassure, cette hausse des dépenses par rapport à 2022 s’explique notamment « par des déplacements et réceptions du Président de la République en forte hausse mais également par un niveau élevé d’inflation nationale et surtout internationale ». Ainsi, il est à noter qu’en 2023, les dépenses de déplacements sont supérieures de 7 M€ au budget prévisionnel et les dépenses de fonctionnement courant ont augmenté de 2,8 M€. Interrogé par la Cour, a Présidence identifie plusieurs facteurs, tant endogènes qu’exogènes, à l’origine de ce niveau de dépenses non anticipé : « une activité présidentielle au second semestre supérieure aux prévisions, l’évolution à la hausse du coût des déplacements internationaux, l’impact des travaux des grandes cuisines sur les événements organisés hors du palais, le niveau d’inflation nationale et internationale dont l’impact est direct sur l’ensemble des dépenses, les reports de crédits 2022 sur l’exécution budgétaire 2023 ».
C’est peut-être la direction des opérations (DIROP)* qui est davantage pointée du doigt par les magistrats qui n’ont pu que prendre acte de l’explosion des dépenses mais une hausse qui « découle d’une activité présidentielle soutenue ». En ligne de mire les déplacement du PR et les frais de réception entre autres.
En 2023, la DIROP a consacré 75 % de ses crédits aux déplacements. Les déplacements internationaux y compris européens qui représentent près de 40 % des déplacements ont coûté 17,24 M€ en 2023 (12,05 M€ en 2022), soit plus du double du montant 2019 (8,44 M€). En 2023, le président de la République a effectué 112 déplacements dont 69 en avion. Il s’est rendu en Chine, en Océanie, au Japon (G7), en Mongolie, en Inde pour le G20 et au Bangladesh. Le déplacement le plus coûteux (3,1 M€) a été celui en Océanie (Nouvelle-Calédonie, Vanuatu, Papouasie) suivi de l’Afrique (1,9 M€) et de la Chine (1,8 M€). Le coût des déplacements nationaux s’élève quant à lui à près de 6 M€ (3,8 M€ en 2022), un niveau proche de celui constaté en 2019 (5,4 M€) indique la Cour qui précise que ces montants recouvrent les dépenses de transport, hébergement, audiovisuel, restauration, location de véhicules réalisées auprès de prestataires sur le budget de la DIROP. Les magistrats finissent par souligner dans le rapport que le coût moyen d’un déplacement du PR est passé de 124 000 euros, en 2016, à 207 000 euros, en 2023 – soit + 66 %, loin des 17 % d’inflation cumulée sur la même période.
Visant toujours l’équilibre du budget, la Cour suggère de veiller le plus en amont possible de stabiliser l’agenda présidentiel mais aussi « de normer davantage les déplacements et, en particulier, de plafonner la taille des délégations officielles et non officielles par type de destination ou de déplacement, sur le modèle de ce qu’imposent les sommets internationaux pour lesquels les accréditations ne sont accordées qu’en nombre limité ». La Cour ajoute aussi les frais de téléphonie portable liés à ces déplacements avec un dépassement de forfait de 148 542 euros, « conduisant au quadruplement de la dépense de téléphonie mobile ».
Dans le viseur également, les dépenses de fonctionnement et les réceptions au Palais qui représentent 23 % des crédits consommés en 2023 et qui se sont élevées en 2023 à 7,2 M€ (6 M€ en 2022 et 5,4 M€ en 2021). Au sein de ce poste, les hausses les plus notables concernent les dépenses de restauration et d’alimentation, en lien avec l’évolution globale des prix (+ 0,4 M€ à 2,9 M€) et de personnel « extras » (+0,5 M€ par rapport à 2022, soit 1,75 M€), « mais aussi le nombre de réceptions au Palais ». Si les cuisines de l’Elysée sont capables de répondre à un très grand nombre d’événements, la présidence a eu recours ces dernières années aux prestations de traiteurs (contraintes de lieu, de volume ou technique). En 2023, ces prestations ont représenté un montant total de 1,3 M€ dont 534 k€ pour des prestations lors de déplacements en France et à l’étranger et 372 k€ pour les dîners d’État du Premier ministre indien (412 M€) – un dîner végétalien - et du roi Charles III (474 M€). Les vingt plus importants cocktails et réceptions de 2023 (hors remises de décoration) ont représenté une dépense de 202 k€, contre 147 k€ en 2022, sans compter les dépenses spécifiques aux deux dîners d’État délocalisés à Versailles et au Palais du Louvre. De la même manière, les remises de décoration ont occasionné une dépense de traiteur de 66 k€ en 2023 contre 27 k€ en 2022 apprend-t-on à la lecture du rapport. Reste que ces dépassements trouvent notamment une explication dans « l’opération de rénovation des grandes cuisines en 2022 et 2023, qui ne permettait plus d’assurer autant de prestations qu’auparavant ». Mais ce n’est pas tout, cette hausse des « frais de bouche » s’explique surtout par une hausse du nombre d’événements, qui dépasse désormais le niveau pré-covid, avec 171 réceptions en 2023 contre 146 en 2019 ; un accroissement du nombre d’invités, le nombre total d’invités sur les 20 événements ayant occasionné les plus grosses dépenses de traiteur (hors remises de décoration) augmentant de 13 % entre 2022 et 2023 et une augmentation des dépenses par invité avec une moyenne de 35 € par invité en 2023 contre 29 € en 2022, pour ces mêmes événements (remises de décoration incluses).
En 2024, d’autres chefs d’Etat ont été reçus à l’Elysée : l’émir du Qatar, en février, pour 90 000 euros, et le président chinois, en mai, pour 138 000 euros.
A réception du rapport, la présidence de la République qui assure dans un communiqué qu’il n’y a pas de « déficit » et que son budget « est à l’équilibre », « l’écart ayant été comblé par de la trésorerie dont la présidence dispose » a indiqué qu’elle tiendrait bien évidemment compte comme à chaque fois « des remarques de la Cour pour améliorer son organisation et ses dispositifs internes ». L’Elysée affirme par ailleurs être particulièrement attentif « pour gérer avec efficacité son budget dans un contexte d’une part inflationniste et d’autre part géopolitique et politique qui influence l’agenda de l’exécutif ». La présidence rappelle aussi que la France « entretient des relations diplomatiques avec de très nombreux pays » qui organisent eux-aussi « des événements équivalents lorsqu’ils reçoivent le chef de l’État ». Circulez y’a rien à voir. ■
*La direction des opérations (DIROP) est chargée de mettre en œuvre l’action et l’agenda du Président de la République, en application des consignes de la chefferie et du protocole. Elle fournit les prestations nécessaires à la réalisation des événements présidentiels (déplacements et réceptions) à l’intérieur et à l’extérieur du palais de l’Élysée.
En 2023, les dépenses de l’Elysée se sont élevées à 124,2 M€ (+ 9,6 % par rapport à 2022, soit + 10,9 M€).