L’occasion sera propice pour les 88 chefs d’Etat et de gouvernement de l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF) de rappeler, s’il le fallait, l’attractivité de la cinquième langue la plus parlée au monde, de la troisième langue des affaires, bien commun de plus de 320 millions de locuteurs sur les cinq continents.
Animé par les mêmes ambitions et le même volontarisme que les dix-huit précédents, ce XIXème Sommet semble vibrer d’une réelle volonté d’aller plus haut, plus vite, plus fort en cette année olympique pour son pays hôte. On en arrive à se demander si les Jeux olympiques et paralympiques, juste achevés, n’ont pas quelque peu échauffé les corps et les esprits, installé une positive mobilisation en faveur de la langue française dans le sport et consacré la place centrale des jeunes sur la scène internationale notamment sportive et culturelle.
Une Francophonie rajeunie : un Sommet pour, par et avec les jeunes
C’est d’ailleurs principalement la jeunesse francophone que le XIXème Sommet interpelle. Avec une thématique prometteuse et adaptée « Créer, innover et entreprendre en Français », il remet sur la table la force et la vitalité de la langue française capable de restituer la modernité et l’actualité et d’outiller adéquatement les jeunes en vue des exigences du marché du travail et des nouveaux modes de création et de consommation liés à la transformation numérique et à l’intelligence artificielle.
Les réflexions qui seront menées pendant deux jours par la grande famille francophone suivront elles-mêmes un format renouvelé, timidement initié avec succès au Sommet de Djerba, et résolument adopté pour ce XIXème Sommet. C’est en effet autour de tables rondes thématiques que les plus hauts dirigeants de l’espace francophone accompagnés de façon inédite de jeunes créateurs et entrepreneurs pourront échanger sur l’avenir de la langue française dans nos sociétés qui n’ont jamais autant vécu l’innovation et les progrès qu’elle suscite.
On le devine, au côté de la forme, c’est bien le fond qui sera revu dans le sens d’une approche plus pragmatique et utilitaire de la langue en faveur de l’éducation, de la formation et de l’employabilité des jeunes créateurs, innovateurs et entrepreneurs. Faut-il le rappeler, l’espace francophone est jeune : 60 % de sa population a moins de 35 ans, l’âge médian du continent africain, qui compte plus d’une trentaine de pays membres au sein de l’OIF, se situe à 19 ans et 41 % de sa population a moins de 15 ans. Forces vives et masse critique de notre espace commun, la jeunesse porte la voix de ses aspirations à un emploi décent, à une carrière internationale et à un environnement durable et connecté.
D’ailleurs, dès mon arrivée à la tête de l’Organisation en 2019, j’ai réitéré mon attention et mon engagement pour les jeunes. Ainsi en 2020 j’ai lancé une vaste consultation auprès d’eux pour recueillir leurs attentes et leurs aspirations d’avenir puis en 2023, une deuxième édition pour collecter leurs opinions sur les ruptures démocratiques. Cet exercice inédit a largement contribué à inscrire la jeunesse comme un partenaire écouté, entendu et actif dans le projet francophone.
Il nous reviendra donc au Sommet de nous pencher de près sur l’emploi des jeunes et des femmes qui constitue un enjeu et un défi commun à nos sociétés. Il faudra prendre les engagements nécessaires pour contribuer à un environnement favorable à l’émergence et au développement d’une vie économique respectueuse des libertés de création et d’entreprenariat, comme des droits qui s’y rattachent.
Quand la langue devient un levier de croissance
Notre langue commune, dans toute la diversité que nous lui connaissons, est un puissant outil en faveur de la création et de l’innovation qui sont aussi des leviers de croissance économique et de développement durable. En 2020 avant la pandémie, la culture et la créativité représentaient 3.1 % du PIB mondial et 6.2 % de tous les emplois et connaissaient la croissance la plus rapide, contribuant significativement à l’économie mondiale. Quant au paysage numérique contemporain essentiellement dessiné par la jeunesse et marqué par une utilisation accrue des technologies numériques dont l’intelligence artificielle, il doit lui aussi pouvoir compter sur la langue mondiale de connexion qu’est le français. A nous d’assurer l’accessibilité et la visibilité des contenus francophones dans toutes leurs déclinaisons sur la toile. Ce n’est qu’à ce prix, que la diversité des expressions pourra faire face à une éventuelle pensée unique, rigide et uniforme. Ce n’est qu’à ce prix que nous partagerons avec les jeunes générations, particulièrement connectées, la valeur ajoutée créée par cette diversité linguistique et culturelle. Le Sommet nous en dira sans doute plus à ce sujet.
De la même façon, les liens entre langue et économie ne sont plus à démontrer. D’où sans doute cet intérêt renouvelé pour la consolidation d’un espace économique francophone qui représente déjà 16,5 % du produit national brut mondial, 20 % du commerce mondial des marchandises et 14 % des réserves mondiales de ressources minières et énergétiques. En aiguisant un sentiment d’appartenance à une même communauté linguistique d’intérêt, en favorisant l’économie circulaire et en créant des opportunités d’investissements et d’affaires en français, en facilitant le réseautage et l’échange de bonnes pratiques entre les locuteurs, la langue française s’invite comme un élément fédérateur et un déclencheur d’opportunités au service des entrepreneurs francophones.
Ce programme ambitieux entre une jeunesse francophone animée par l’originalité inventive de ses créateurs-innovateurs et l’ingéniosité perspicace de ses entrepreneurs et soutenue par la maturité solide de ses aînés, s’inscrit comme la réécriture contemporaine d’un récit d’inclusion et d’excellence.
Ainsi, nous reviendra-t-il durant ce Sommet de consolider le contrat de confiance avec la jeunesse de l’espace francophone. Cela passera inévitablement et bien heureusement par l’usage d’une langue moderne, fonctionnelle capable de faire accéder ses locuteurs à l’actualité et aux temps présents, une langue vivante et dynamique qui, comme une magicienne, n’hésite pas à se métamorphoser pour dire et raconter les goûts, les couleurs et les images de ses millions d’ayant droit. ■