Il a été décidé de concentrer les objectifs de l’institution sur les métiers parlementaires élémentaires. En effet, la galaxie francophone dispose d’une multitude d’institutions, d’organismes internationaux non gouvernementaux et d’associations locales, chacune agissant dans son champ de compétence. L’enjeu consiste à éviter de se substituer à tous ces acteurs, mais au contraire de travailler en phase avec eux en apportant la valeur ajoutée parlementaire, propre aux représentants légitimes des peuples.
Nous insisterons donc sur les deux dimensions essentielles de ce cadre stratégique, qui, après plus d’un an de mise en application, est pleinement opérationnel : le déploiement de la diplomatie parlementaire francophone et l’amélioration des services juridique rendus aux parlements francophones.
Dans le cadre de sa diplomatie parlementaire, l’APF accorde une attention particulière aux crises de l’espace francophone, particulièrement en Afrique, que ce soit au Sahel, dans le golfe de Guinée, au centre ou à l’Est du continent. Elle s’y efforce de maintenir le dialogue et de contribuer à la prévention des conflits et à la résolution des situations sécuritaires problématiques. En effet, au-delà de la langue partagée, les parlementaires francophones conçoivent la Francophonie comme un espace de coopération politique et de médiation.
La diplomatie ne saurait être uniquement du ressort des pouvoirs exécutifs et des organisations internationales gouvernementales. Il convient de miser sur la spécificité des parlementaires pour compléter intelligemment la diplomatie classique. En tant que représentants des peuples, ils jouent en effet un rôle clé dans la facilitation des processus de paix, grâce à leur connaissance des réalités locales et à leur capacité à dialoguer avec les différentes parties. Grâce à l’indépendance des parlementaires et à leur plus grande agilité d’action, ils peuvent s’affranchir des antagonismes entre les États et engager un dialogue fondé sur la confiance et la transparence, voire sur la fraternité parlementaire. Leur légitimité démocratique leur confère une voix authentique et crédible dans les processus de médiation.
En tant qu’espace politique de dialogue et en harmonie avec les principes de la Déclaration de Bamako de 2000 relative aux « pratiques de la démocratie, des droits et des libertés dans l’espace francophone », l’APF défend une vision partagée de la démocratie, de la bonne gouvernance et de l’État de droit, tout en favorisant les échanges politiques, culturels, économiques et éducatifs entre les nations francophones et à l’intérieurs de celles-ci.
À titre d’exemples, l’APF a joué un rôle crucial au Tchad après la mort du président Idriss Déby, encourageant le dialogue entre les factions politiques et la société civile pour la tenue d’élections.
Au Gabon, à la suite du coup d’État du 30 août 2023 – considéré plutôt par de larges franges des sociétés politique et civile nationales comme un « coup de liberté » –, l’APF a entretenu des canaux de discussion permanents avec les nouvelles autorités et appelé les organisations continentales et sous-régionales à alléger les sanctions économiques et politiques. Il s’agit de soutenir le calendrier de transition crédible et raisonnable engagé vers le retour à un ordre démocratique.
Dans la région des Grands Lacs, l’APF a engagé un processus de dialogue interparlementaire inédit entre les représentants de la République démocratique du Congo et de la République du Rwanda. Ce processus a abouti en juillet dernier, à Montréal, à l’adoption d’une résolution à l’unanimité des membres de l’organisation. Une mission de haut niveau se rendra prochainement dans les différentes capitales régionales pour apporter une contribution des parlementaires francophones à la résolution du conflit.
En Afrique de l’Ouest et au Sahel, malgré les antagonismes pouvant exister entre les États, l’APF a maintenu un dialogue constant avec les autorités locales. Que ce soit en Guinée Conakry, au Burkina Faso ou au Mali, des contacts réguliers subsistent et des missions sont effectuées lorsque les conditions le permettent.
Du reste, l’APF a révisé ses Mécanismes de vigilance démocratique pour mieux accompagner les transitions politiques. Ce nouveau document réglementaire permet de ne plus suspendre automatiquement les parlements non élus, à quatre conditions : absence de violences politiques ; consensus autour de la transition entre les forces politiques et parmi la société civile ; agenda crédible de retour à la démocratie ; attachement envers la Francophonie. Il s’agit non plus de condamner doctement, au risque d’aller jusqu’à la rupture, mais d’inciter, par le biais de la médiation, à des processus de dialogue pragmatiques et progressifs.
L’APF défend une approche holistique, qui s’attaque non pas seulement aux conséquences, mais aux racines des problèmes, en intégrant les aspects sécuritaires, économiques, sociaux et politiques.
La communauté parlementaire francophone s’est toujours investie en faveur de la solidarité et de la coopération interparlementaires en partageant des ressources technico-juridiques. Elle doit constamment se réinventer pour offrir à ses adhérents de nouveaux services dans ce domaine, afin de les aider à légiférer. C’est dans cet esprit que l’APF a conçu un nouvel outil : les corpus législatifs.
Sur un sujet donné, elle fournit désormais à ses sections un dossier rassemblant des analyses politiques, juridiques et techniques ainsi que des exemples de textes de loi déjà en vigueur dans l’espace francophone – voire au-delà s’ils s’avèrent utiles. Ces ressources sont accompagnées d’une proposition de méthode en vue de les transposer en droit interne dans les pays désirant eux aussi légiférer, selon leurs besoins et leurs spécificités.
Le premier corpus législatif finalisé a été publié en mars 2024 : il porte sur la mise en œuvre de l’Accord de Paris sur le climat. Deux autres corpus sont en cours d’élaboration, l’un sur le statut et la protection des lanceurs d’alerte, l’autre sur la budgétisation sensible au genre. D’autres encore sont en projet, par exemple sur l’éradication des déchets plastique ou encore la lutte contre les faux médicaments.
S’agissant de la question climatique, le rôle des parlements est crucial. En effet, l’adoption d’une loi ad hoc vise notamment à faciliter l’accès des États aux financements climatiques, par la création d’un cadre juridique permettant la réalisation des objectifs d’atténuation, d’adaptation et de financement de l’Accord de Paris, tout en rassurant les bailleurs et les investisseurs afin qu’ils financent la politique climatique nationale.
Pour favoriser la diffusion et l’appropriation de ce premier corpus par les Parlements francophones, l’APF organise cette année trois séminaires-ateliers régionaux en Afrique, dans trois sous-régions où les enjeux climatiques différent totalement : en Guinée équatoriale au bénéfice des parlementaires du grand bassin du Congo ; aux Seychelles pour ceux de l’océan Indien ; en Mauritanie à destination de ceux du Sahel. Afin d’élargir la portée géographique du programme, l’APF compte le déployer en 2025 à l’échelle de l’Asie du Sud-Est, en partenariat avec le Centre parlementaire d’Asie et l’Assemblée parlementaire de l’ASEAN, en abordant en particulier la problématique de la préservation des mangroves.
Ces séminaires visent à renforcer les capacités des élus et des fonctionnaires parlementaires sur les questions climatiques et à leur apporter un accompagnement sur-mesure pour les aider à coconstruire des articles de loi climat adaptés à leur contexte. Leur format régional offre une plateforme pour partager les expériences et coordonner les efforts.
En adoptant ce corpus législatif sur les changements climatiques, l’APF réaffirme son engagement indéfectible en faveur de la protection de la planète et des générations futures afin que la Francophonie parlementaire participe à l’effort mondial dans ce domaine.
Diplomatie parlementaire et coopération interparlementaire : ces deux axes d’action doivent contribuer à consolider la place des parlementaires francophones au cÅ“ur des grands enjeux politique et géopolitiques contemporains. â–
« Ce sont les peuples qui, par l’intermédiaire de leurs élus, pousseront les gouvernements à aller de l’avant. Il faudrait réunir dans une association interparlementaire les parlements de tous les pays où l’on parle le français ». Léopold Sédar Senghor, février 1966
L’Assemblée parlementaire de la Francophonie (APF) est née en 1967 sur proposition du Président sénégalais Léopold Sédar Senghor. C’est une organisation internationale qui fédère 95 adhérents (sections membres, sections associées ou observateurs) issus de parlements ou d’organisations interparlementaires des cinq continents et présentant la particularité d’avoir le français en partage, comme langue officielle, de travail ou de culture.