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Démographie médicale : un léger mieux

Dans son Atlas de la démographie médicale pour l’année 2023, le Conseil national de l’Ordre des médecins se félicite de la légère augmentation du nombre de médecins mais pointe les difficultés encore nombreuses dans le domaine du parcours et de l’accès aux soins. Dans son discours de politique générale, le Premier ministre a esquissé quelques pistes visant à faciliter l’accès aux soins.

Bien mais peut mieux faire. Dans son Atlas de la démographie médicale, le Conseil national de l’Ordre des médecins constate, non sans déplaisir, la légère augmentation du nombre de médecins en France alors que les effectifs étaient en baisse depuis 2010, à l’exception des légères reprises de 2018 et 2020. « Il y a un frémissement de la démographie médicale » s’est félicité le docteur Jean-Marcel Mourgues, vice-président du conseil national de l’Ordre des médecins. « Les médecins en activité régulière augmentent enfin. Pas beaucoup, mais ils augmentent » a-t-il ajouté tout sourire lors de la présentation à la presse de cet atlas. Le nombre de médecins en activité entre le 1er janvier 2023 et le 1er janvier 2024 a augmenté, « certes modestement, mais de manière significative » (+1,4 % soit 3272 médecins), tandis que ceux exerçant de manière régulière ont progressé de 0,8 % (-0,5 % depuis 2010) y apprend-t-on. En 2024, la France compte 1 672 médecins de plus par rapport à 2023. Une tendance qui devrait se poursuivre et « même s’amplifier » dans les années à venir selon le Docteur Mourgues.

Cette bonne nouvelle s’accompagne d’un rajeunissement de la profession marquée par un âge moyen des médecins en activité régulière de 48,1 ans (48,6 l’an dernier et 50,2 en 2010). La part des moins de 40 ans représente 48,2 % des effectifs (23 % pour les plus de 60 ans). Enfin, il est aussi à souligner que la profession médicale tend à se féminiser : 51,8 % des médecins actifs réguliers sont des femmes, contre 40 % en 2010.

« L’activité salariée apparaît de plus en plus attractive auprès des médecins en activité régulière » enchaîne l’Ordre des médecins. Alors qu’en 2010, l’activité salariée représentait 41,9 % des médecins en activité régulière, « elle compte désormais pour 48,7 % en 2024, détrônant ainsi l’activité libérale ». En 2024, alors que 42,7 % des médecins en activité régulière âgés de 60 ans et plus sont salariés, cette proportion atteint 58,2 % chez les moins de 40 ans.

Sans surprise, la question des déserts médicaux et de la densité médicale reste prégnante. « Les inégalités territoriales se creusent toujours davantage » souffle le Dr. Mourgues. « Les départements hospitalo-universitaires voient leurs effectifs de médecins augmenter et rajeunir, à quelques exceptions près, tandis que les régions périphériques, où la population est plus âgée, subissent une diminution des effectifs médicaux et un vieillissement de leurs praticiens » expliquent le vice-président du CNOM. L’examen de l’Atlas révèle que ce sont « les départements situés au centre de la métropole, autour du Bassin parisien, qui sont les moins bien dotés », comme l’Indre (145,9 médecins pour 100 000 habitants), l’Eure (147,4) ou le Cher (152,2). « À l’inverse, les départements abritant les grandes villes de France, ainsi que ceux situés sur les littoraux ou aux frontières présentent les plus fortes densités » : Paris (697,4), les Hautes-Alpes (432,4) ou encore le Rhône (414). En termes de densité médicale par personne de plus de 65 ans, l’Indre (514,8 médecins pour 100 000 habitants), la Creuse (546,5) et la Nièvre (568,4) sont les départements le plus dans le rouge.

Dans la lutte contre les déserts médicaux, reconnus à la fois comme « un immense défi » et « une priorité de l’exécutif » par le Premier ministre lors de son discours de politique générale, Michel Barnier a annoncé la création d’un programme d’engagement « volontaire » pour les internes en médecine pour qu’ils partent pour une période limitée exercer dans des déserts médicaux, avec le soutien des pouvoirs publics. « Nous allons travailler avec tous ceux qui le voudront à ce que j’appellerai un programme nouveau, un « programme Hippocrate » pour lequel les internes, français et étrangers, s’engageraient volontairement, pour une période donnée et grâce à l’accompagnement de l’État et des collectivités, à exercer dans les territoires qui manquent le plus de médecins » a-t-il ainsi déclaré à la tribune de l’Assemblée.

« Le temps est révolu où l’on avait la crainte de former trop de médecins. Nous allons amplifier l’effort engagé » a encore affirmé Michel Barnier en pensant au sujet épineux du numerus clausus dont les effets se font aujourd’hui durement ressentir sur la démographie médicale. Lancée dans les années 70, la politique de numerus clausus limitait à 3500 le nombre d’étudiants formés par an dans les années 90. Il était de 7000 étudiants en 2010 avant d’être supprimé par Emmanuel Macron. On compte aujourd’hui 11 000 étudiants formés par an (en 2ème année de médecine). Ce nombre devrait passer à 12 000 en 2025, puis 16 000 en 2027 c’est du moins ce qu’avait promis le précédent Premier ministre Gabriel Attal en début d’année. « La proposition gouvernementale de doubler les effectifs d’étudiants en deuxième année et porter leur nombre à 16 000 d’ici à 2027, avec un top départ en 2024, n’est juste pas réaliste » avait rapidement averti le Professeur Benoît Veber, président de la conférence nationale des doyens de médecine lors d’un point presse à la rentrée 2024. Le Conseil national de l’Ordre des médecins se montre lui-aussi dubitatif sur le sujet.

Reste que l’accès aux soins reste pour l’exécutif une priorité comme l’a réaffirmé le Premier ministre. « Mon gouvernement vous proposera aussi d’accélérer l’accès aux soins grâce à une loi infirmières, infirmiers, qui ira plus loin dans la reconnaissance de leur expertise et de leurs compétences et leur donnera un rôle élargi dans la prise en charge des patients » a ainsi indiqué Michel Barnier. Il entend aussi aller « plus loin » vers l’extension des compétences des « pharmaciens et des kinésithérapeutes ». « Nous allons déployer plus rapidement les assistants médicaux, les bus de santé, les regroupements de professionnels de santé » et davantage nous appuyer « sur les nouvelles technologies, la télémédecine, la télésurveillance » et l’intelligence artificielle a-t-il encore ajouté. Pour autant, pas question pour Michel Barnier de renoncer aux « contacts humains » qui propose de faire davantage appel aux « médecins retraités, en leur permettant de reprendre du service avec un cumul favorable entre rémunération et retraite ». Dans la ligne de mire du gouvernement enfin, la surcharge d’actes administratifs chronophages. Le Premier ministre a ainsi promis de « s’attaquer à la simplification et à la suppression » de la « paperasse »

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