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Sécurité sociale : “Notre système ne tiendra que si nous menons un combat de responsabilisation de chacun”

Par Yannick Neuder, Rapporteur général du budget de la Sécurité sociale, Député de l’Isère

Le projet de loi de financement de la sécurité sociale est désormais entre les mains du Sénat après de longues et âpres heures de débats à l’Assemblée nationale.

Si son examen n’a pu aboutir dans les délais fixés par la loi organique, nous avons pu sanctuariser un certain nombre de mesures clés qui figurent dans le texte transmis. Dans un esprit de co-construction, beaucoup a pu être repris dans la mouture sénatoriale et je ne peux que féliciter les nombreux consensus trouvés durant nos débats.

Il est à regretter une forme de course aux taxes et aux cotisations, seule voie empruntée par certains députés face au mur du déficit de la sécurité sociale. Ces pistes de recettes faciles font fi du besoin de réformes structurelles qui permettent de dégager de véritables économies, de long terme, sans affecter la prise en charge des Français.

Je suis cependant heureux que nous ayons pu faire quelques pas en avant en matière de prévention avec une taxe soda rénovée, plus incitative pour réduire les teneurs en sucre tout en étant vigilant à l’impératif de ne pas déstabiliser les filières agricoles et les emplois qui en dépendent. S’agissant de nos exploitants agricoles, je me félicite d’ailleurs que nous ayons pu neutraliser l’effet des allègements généraux de cotisation sur le dispositif d’exonérations pour l’embauche de travailleurs saisonniers, une demande forte de nos agriculteurs. Nous avons également pu élargir ce dispositif aux coopératives de matériel agricole, les fameuses CUMA.

Toujours en matière de soin, de nombreuses mesures issue des bancs de mes collègues de tous bords sont à noter : la généralisation d’Handygénico, visant à améliorer le suivi gynécologique des femmes en situation de handicap, la campagne de vaccination contre les méningocoques en plus du HPV, ou la suppression de la condition d’adressage pour la prise en charge par la CNAM des séances de suivi psy.

S’agissant de la lutte contre la désertification médicale, je me félicite que l’amendement que nous avons porté aux côtés de Jean-François Rousset pour l’accès des médecins en cumul emploi retraite au régime simplifié des professions médicales ai pu se concrétiser et figure dans le texte. Il permettra d’inciter le retour à l’exercice de nombreux médecins dans nos territoires. Parallèlement je ferai tout pour que nous rejetions l’idée d’un encadrement trop lourd des centres de soins non programmés comme prévu par une mesure gouvernementale figurant dans le texte prévu pour le sénat. Ces centres permettent de pallier à la désertification médicale dans les zones reculées. Chez moi, dans ma circonscription en Isère, l’un d’entre eux permet de prendre en charge 50 000 personnes chaque année et désengorge les centres hospitaliers alentours. On ne peut tuer dans l’œuf une initiative qui fait ses preuves !

Malheureusement, ce PLFSS ne sera pas celui qui permettra de remettre à plat notre système social. Après sept années d’errance politique, de promesses non tenues et de réformes structurelles sans cesse repoussées, nous voilà à la croisée des chemins et 18 milliards de déficit sur le dos. Ce texte, bien qu’il poursuive l’impérieux besoin de protéger notre modèle social, se contente parfois d’apporter des coupes marginales ou des transferts de charge parfois injustes sans s’attaquer aux réformes profondes et indispensables. J’ai notamment mis un point d’honneur à systématiquement territorialiser les objectifs de maîtrise de dépenses, de contrôle de la prescription et les baisses de tarifications proposées par la CNAM notamment à travers les articles 15 et 16 de ce PLFSS. Les rabots consentis à travers la hausse du ticket modérateur ne constituent pas non plus une réponse acceptable de même que les propositions de mes collègues visant à réformer la prise en charge des ALD.

Reste un point majeur qui n’a pas été tranché : la fixation de l’Objectif de dépenses de l’assurance maladie pour nos établissements. Si l’on constate à priori une augmentation de 2,8 % de l’ONDAM global et de 3,1 % du sous-ONDAM établissements pour 2025, celle-ci s’avère trompeuse. En effet, après déduction du budget destiné à compenser l’augmentation des cotisations de la CNRACL (la caisse largement déficitaire dédiée aux retraites des fonctionnaires territoriaux) l’augmentation réelle n’est que de 2 % ! Inacceptable à l’heure où 65 % des établissements hospitaliers publics et 40 % des établissements privés et plus de 60 % de nos EHPAD seront en déficit. Cette semaine encore, s’enchaînent les faits divers faisant état de dysfonctionnement de prise en charge. Ne faisons pas choisir à nos établissements entre prodiguer du soin et régler leur charges de fonctionnement ou le financement des retraites !

Je déplore également l’absence de mesures fortes et de justice en matière de fraude sociale suite au rapport du Haut conseil du financement de la protection sociale. Il fait tout de même état de 13 Mde de manque à gagner lié à la fraude sociale, de 2,1 Mde de fraudes constatées et seulement 600 millions de fraudes recouvrées. Parallèlement je plaide pour l’ouverture d’un débat sur l’alignement entre public et privé en matière d’indemnisation de la carence. Nous devons ouvrir ce débat car l’indemnisation doit être équitable entre ceux qui cotisent et ceux qui en bénéficient. En ce sens, les pistes formulées par le gouvernement en agissant sur les jours de carence et le niveau d’indemnisation offrent une voie de discussion utile et opportune.

Au-delà, les discussions avec le gouvernement et les membres du socle constructif autour de l’article 23 ont pu trouver une issue favorable pour nos retraités. Laurent Wauquiez, président du groupe La Droite républicaine à l’Assemblée nationale, a annoncé avoir obtenu du gouvernement deux revalorisations des pensions de retraite avec, d’abord, une revalorisation pour toutes les retraites dès le 1er janvier, représentant la moitié de l’inflation. Et un bouclier anti-inflation pour les retraités modestes dont la pension est inférieure au SMIC. C’est un gain de 200 e par an pour quelqu’un qui a une retraite de 1 000 e. Une mesure de justice vis-à-vis de ceux qui ont travaillé toute leur vie.

Nul doute que l’examen par le Sénat et la CMP qui en découlera, permettront d’aboutir à un texte qui puisse garantir l’impératif de contention des déficits abyssaux des régimes de sécurité sociale sans rogner sur la prise en charge de nos concitoyens. En tant que rapporteur général, j’y veillerai particulièrement. 

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