En dépit des vives protestations de l’Etat d’Israël et des communautés juives à travers le monde, l’organisation internationale a adopté sans sourciller, ou presque, une résolution controversée sur la protection du patrimoine culturel palestinien à Jérusalem-Est niant du même coup tout lien entre le peuple juif et la ville. Portée par l’Egypte, le Liban, le Maroc, le Qatar et le Soudan, cette résolution a été actée par les 58 Etats membres du Conseil exécutif de l’Unesco réunis en assemblée plénière le 17 octobre au siège de l’organisation à Paris. Mais pour faire adopter cette résolution l’Unesco a tout de même dû s’y reprendre à deux reprises. En avril dernier déjà, l’organisation avait fait adopter par ses membres la même résolution à quelques nuances près. Ce texte avait alors surpris plus d’un observateur avisé. Ainsi par exemple le mur des Lamentations, seul vestige du temple construit par Hérode 100 avant J.-C. et vénéré par les Juifs était purement et simplement rebaptisé du vocable arabo-islamique Al-Burak. Une anomalie linguistique et historique relevée par plusieurs historiens qui rappelaient que l’Islam est apparu 600 ans après la naissance du Christ. En avril, la résolution était pourtant adoptée sans opposition. Seul Israël avait alors protesté et vivement critiqué la position française notamment. Mal à l’aise, François Hollande avait jugé « fâcheux » le vote français, promettant de veiller « personnellement » à sa reformulation en octobre. Le 12 mai dernier, lors des questions au Gouvernement, le sénateur Philippe Dallier (LR, Seine-Saint-Denis), président du groupe d’amitié France-Israël interpellait le Premier ministre. « Les termes de cette résolution votée par la France sont une injure à l’histoire. Pis, ils sont une négation de l’existence même de ce qu’il y a de plus sacré pour le peuple juif, le Mont du Temple, à Jérusalem ». « Qui a autorisé notre représentant à l’Unesco à voter en faveur de l’adoption de cette résolution ? » demandait-il. Manuel Valls, prenant acte « des interrogations, des inquiétudes et d’un sentiment d’indignation » suscités en Israël et en France par ce vote lui répondait « avec beaucoup de force et de conviction » que « nier la présence de l’histoire juive à Jérusalem n’a aucun sens. Quand on veut traiter d’un tel sujet, en quelque lieu que ce soit, il faut choisir ses mots avec beaucoup d’intelligence. En l’occurrence, tel n’a pas été le cas. Cette résolution de l’Unesco qui n’est pas nouvelle, contient des formulations malencontreuses, maladroites et blessantes […] le Président de la République, le ministre des Affaires étrangères et moi-même regrettons ce vote ». Dont acte même si la suite ne fut pas aussi limpide. La seconde résolution présentée en commission à l’Unesco le 13 octobre dernier prenait donc soin de gommer quelques aspérités du texte. Sans convaincre. Reformulé, le texte ne fait jamais référence à l’esplanade des mosquées sous son nom de Mont du Temple et, abandonnant la terminologie Al-Burak, écrit mur des Lamentations entre guillemets. Inacceptable pour Israël. « Dire qu’Israël n’a pas de lien avec le mont du Temple et le Kotel (mur des Lamentations) c’est comme dire que les Chinois n’ont pas de lien avec la muraille de Chine » s’était emporté le Premier ministre Benjamin Netanyahu. Pour ce second vote (adopté en commission par 24 voix pour, six contre et 28 abstentions) et qui n’a fait l’objet d’aucune renégociation, la France s’est finalement abstenue, en raison du « maintien d’un certain nombre de termes déséquilibrés » a indiqué une source diplomatique française. L’ambassadeur-adjoint palestinien à l’Unesco s’est quant à lui félicité de l’adoption de cette résolution qui « rappelle qu’Israël est une puissance occupante à Jérusalem-Est et lui demande d’arrêter ses abus » (1). « Ce n’est pas le bon endroit pour résoudre les problèmes entre les pays ou les peuples » a répondu l’ambassadeur israélien à l’Unesco jugeant que l’organisation des Nations Unies pour la paix et la culture devrait plutôt servir à bâtir des « ponts » entre Israéliens et Palestiniens. Israël a immédiatement suspendu sa coopération avec l’Unesco. ■
(1) Jérusalem-Est, la partie palestinienne de la ville, est occupée depuis 1967 par Israël et depuis annexée - une annexion considérée comme illégale par l’ONU. Elle abrite la vieille ville et ses remparts, un site inscrit par l’Unesco sur la liste du patrimoine mondial.