La mission avait initialement pour objet d’examiner l’avenir des SDIS dans l’hypothèse d’une suppression des départements alors envisagée. Les départements n’ayant pas disparu, la mission s’est alors recentrée sur la place des SDIS dans le secours à la personne. Les rapporteurs ont alors mis à jour un système qui certes « remplit sa mission » mais dont la pérennité n’est pas totalement assurée.
Aujourd’hui, l’assurance de recevoir les soins urgents que leur état requiert est l’une des principales préoccupations de nos concitoyens, tout particulièrement ceux des zones rurales désertées par les praticiens libéraux, par ailleurs déchargés depuis 2001 de toute obligation en matière de gardes, dans un contexte de fermeture d’hôpitaux et de maternités de proximité au profit de grands établissements certes plus performants, mais parfois très éloignés. « Le défi est donc simple, lance le sénateur Pierre-Yves Collombat, assurer une présence médicale minimale permettant un traitement sur place des cas simples, et disposer d’un service de transports médicalisés permettant l’évacuation rapide des cas les plus sérieux vers les plateaux techniques où ils seront pris en charge ».
Une répartition des rôles pas si évidente dans la pratique
En matière de secours à la personne sur le papier, les choses semblent claires : les SDIS financés par les collectivités locales mais sous tutelle du Ministère de l’Intérieur, sont sollicités lorsque la dimension médicale de l’intervention est faible ; les services d’aide médicale urgente (SAMU), dépendant du Ministère de la Santé, appuyés par les services mobiles d’urgence et de réanimation (SMUR) et les ambulanciers privés, lorsque la dimension médicale domine. « Dans ce schéma, les SDIS n’interviennent hors de leurs attributions qu’en cas de carence des moyens des SAMU, à leur demande ou avec leur accord » décrit le sénateur. Or, dans la pratique, les choses sont toutes autres, le système de secours à personne, pour répondre aux besoins, s’est peu à peu affranchi du plan initial de ses architectes. « En pratique, poursuit le sénateur du Var, la répartition n’était pas aussi pertinente qu’il y paraissait. Les conflits de territoires sont fréquents, rendant difficiles les relations entre services. Dans le même temps et, paradoxalement, on assiste à une montée en puissance des missions relevant des SAMU exécutées par les SDIS. De supplétifs, les SDIS sont devenus incontournables, tout particulièrement dans les territoires ruraux ». Ainsi, entre 2004 et 2014, alors que le nombre total des interventions des SDIS a crû de 20 %, leurs interventions au titre des secours à personne ont augmenté de plus de 55 %, avec de fortes disparités selon les territoires (Le taux de croissance s’échelonne entre 55,5 % pour la Sarthe et 87,2 % pour le Lot).
Le problème des carences ambulancières
Une situation qui s’explique notamment par la bonne image que véhiculent les pompiers dans la population mais aussi par leur proximité et leur présence sur l’ensemble du territoire, « même là où le service public de santé s’est fait particulièrement discret. Les SDIS réalisant le travail délaissé par d’autres car n’ayant pas les moyens de faire autrement » ajoute Pierre-Yves Collombat. Et puis, note encore le sénateur, cette montée en puissance obligée des SDIS dans le secours à personne et leur « relative aisance financière » ne sont pas pour déplaire à un Ministère de la Santé « vertueux », « pas fâché de voir sa charge réduite d’autant ». Mais voilà, confrontés aux évolutions inverses de leurs charges et de leurs recettes, les SDIS font aujourd’hui « une équation budgétaire insoluble » : Leur marge de manoeuvre sur la masse salariale, dont la variable d’ajustement réside dans le volontariat, est « réduite », les équipements utilisés sont « onéreux », les coûts de formation « non négligeables » et les coûts de sortie de véhicules de secours et d’assistance aux victimes (VSAV) « élevés et insuffisamment compensés par les remboursements au titre des carences ambulancières ». Une situation budgétaire contrainte dans un contexte tout aussi difficile avec le désengagement de l’Etat (disparition progressive du fonds d’aide à l’investissement) et « les contraintes budgétaires de plus en plus fortes qui pèsent sur les départements tarissent les financements potentiels des SDIS ».
Face à ce constat et aux difficultés qui en découlent, les rapporteurs estiment « indispensable » une réorganisation de notre dispositif des secours à personne. Le statu quo n’est plus tenable dans un contexte d’évolution du mode d’occupation et d’équipement sanitaire du territoire et du bon usage des deniers publics.
Les rapporteurs se sont ainsi d’abord intéressés à la question des carences ambulancières, c’est -à-dire lorsque les SDIS interviennent, à la demande du SAMU, en cas d’indisponibilité des ambulances privées. Une carence qui est très différente selon les départements (1) et qui peut s’expliquer par le sous-dimensionnement des permanences de soins ambulatoires, le désengagement des médecins libéraux ou la disparition totale des permanences dans tel département mais aussi par l’indisponibilité des transporteurs privés parfois absents dans certains territoires ruraux. Sur ce point notamment, Catherine Troendlé pointe du doigt les difficultés liées au remboursement des frais d’intervention pour carence des SDIS dont le forfait est fixé à 118 euros. Or, rappelle la sénatrice pour plusieurs SDIS, « le nombre de carence a triplé en quatre ans, entre 2010 et 2014 ». Pour ces SDIS, le montant du forfait est loin de couvrir les charges réellement supportées. Certains n’hésitent pas à parler de « scandale de l’insuffisance du remboursement au titre des carences ambulatoires » dont le coût avoisinerait dans certains cas les 500 euros. « Ce remboursement, s’agace la sénatrice représente la seule contribution des organes de santé au fonctionnement des SDIS, alors même que l’aide médicale d’urgence est une mission du Ministère de la Santé ».
Une mutualisation des appels d’urgence
Ensuite et au-delà de la part croissante du secours à personne dans l’activité des SDIS, le rapport porte un regard critique sur la question des compétences respectives du SAMU, du SMUR et du SDIS dans l’aide médicale d’urgence avec des risques de doublons déjà pointés du doigt par la Cour des comptes. Entre ici en jeu la logique de régulation et de réponse appropriée selon l’état du patient qui passe par les appels d’urgence, « 15 » pour le SAMU, « 18 » pour le SDSI ou « 112 ». Mais les appels de l’un pouvant être basculés sur l’autre et inversement. Pour Catherine Troendlé, « la mutualisation des deux plateformes « 15 » et « 18 » - en relation quotidienne – permettrait de réaliser des gains d’efficacité importants ». C’est d’ailleurs l’une de leur proposition phare : « Programmer à terme la mutualisation physique des plateformes d’appel « 15/18 » dans l’ensemble des départements en y intégrant les permanences ambulancières. À court terme, prescrire l’obligation d’interconnecter les deux centres ». Pour Pierre-Yves Collombat, « il est essentiel de valoriser un système centré sur la coordination plutôt que chacun reste sur son pré-carré. Les plateformes communes d’appel seront des gares de triage d’autant plus efficaces qu’elles ne relèveront ni des services de santé, ni des sapeurs-pompiers ».
Une sectorisation des compétences
Les rapporteurs proposent encore de sectoriser les compétences des différents services intervenant dans le secours à personne. Les sapeurs-pompiers seraient compétents des territoires ruraux précisément délimités selon leur éloignement d’une antenne SMUR qui seraient eux « dans les agglomérations et partout en cas d’urgences graves ». Une proposition qui suscite l’incompréhension de Michel Mercier (UDI, Rhône) qui la juge « intenable ». « Quoi que l’on fasse, les pompiers arriveront toujours les premiers sur les lieux de l’accident. Et si vous choisissez de leur interdire les interventions en ville, vous n’aurez pas moins de six mois de grève » prévient-il. Pierre-Yves Collombat le rassure : « Loin de nous l’idée de confier le rural aux pompiers et le reste aux autres. En zone rurale, on recense davantage de centres de secours. Nos propositions consistent à favoriser les discussions entre les acteurs, à étendre la compétence des pompiers au domaine médical, et inversement celle des SMUR ». Ils proposent aussi de mutualiser les hélicoptères des services d’urgence et de sécurité au niveau zonal et établir des règles d’implantation des appareils ; d’instituer auprès du Premier ministre une autorité responsable de l’application du référentiel portant sur l’organisation du secours à personne et de l’aide médicale urgente et de généraliser et organiser la sectorisation territoriale pour la permanence des soins ambulatoires, avec un système d’astreintes, comme porte d’entrée des secours. Pour les rapporteurs, toutes ces propositions qu’ils qualifient eux-mêmes de « décomplexées » sont loin d’être théoriques. Dans le même temps, ils avouent à demi-mot que « tant que certains blocages persisteront, elles ne seront pas appliquées ». « Nous ne nous berçons pas d’illusions : nos conclusions ont peu de chance de trouver un écho favorable chez des responsables qui estiment que tout fonctionne très bien » regrette Pierre-Yves Collombat. D.B. ■
(1) l’Indre affiche le taux le plus faible de carence (0,5 %), le plus élevé revenant à Mayotte (53,33 %) et, en métropole, à l’Oise (25 %).
Les SDIS sont chargés de la prévention, de la protection et de la lutte contre les incendies, qui constituent un coeur de métier dont ils ont l’exclusivité. À titre supplétif, en collaboration avec les autres services et professionnels concernés, ils concourent également au secours d’urgence aux personnes – plus communément appelés le secours à personne – , en cas de sinistres ou de catastrophes ainsi qu’à leur évacuation.
Pourtant, cette dernière mission représente aujourd’hui en moyenne 76,6 % des interventions des SDIS et la lutte contre les incendies seulement 7 %.
Adoption d’une proposition de loi en faveur des sapeurs-pompiers
Après avoir rendu hommage aux « hommes du feu », ces « héros qui sauvent des vies quotidiennement », « exemples de dévouement » et « remparts à tous les dangers », fin novembre, les députés ont adopté, à l’unanimité, une proposition de loi du groupe socialiste visant à améliorer la condition des sapeurs-pompiers professionnels et volontaires. Une réponse à l’exaspération de ces professionnels qui dénoncent la multiplication des interventions hors de leur champ de compétence ou la poursuite de la fermeture de casernes. La proposition de loi prévoit, pour les sapeurs-pompiers volontaires, de transformer le cadre juridique de la prestation de fidélisation et de reconnaissance (PFR) instaurée en 2004 pour permettre l’acquisition de droits à pension selon un système par capitalisation, qui deviendra un système par répartition. Le texte prévoit également pour les cadres supérieurs des sapeurs-pompiers professionnels, la création d’une catégorie A+ dans la fonction publique. Le ministre de l’Intérieur Bernard Cazeneuve a salué avec ce texte, la « concrétisation de plusieurs engagements forts pris par le président de la République et le gouvernement pour les sapeurs-pompiers de France ». En 2013, le Chef de l’Etat avait fixé « l’objectif » de « retrouver 200 000 sapeurs-pompiers volontaires d’ici la fin du quinquennat, c’est-à-dire atteindre en 2017 le niveau qui était le nôtre une décennie plus tôt, en 2007 ». Mais pour Jean-Paul Bacquet, président du Conseil national des sapeurs-pompiers volontaires et rapporteur (PS) de la proposition de loi, « on n’y arrivera pas ».
Le système français se compose de sapeurs-pompiers professionnels (40 000 environ, fonctionnaires des collectivités territoriales) et de sapeurs-pompiers volontaires (plus de 193 000).