La Commission européenne a recommandé fin janvier au Conseil d’autoriser certains États membres à maintenir, pour une durée supplémentaire de trois mois, les contrôles temporaires actuellement en place à certaines frontières intérieures de l’espace Schengen en Autriche, en Allemagne, au Danemark, en Suède et en Norvège.
La crise migratoire est une épine dans le pied de l’Europe. L’afflux de migrants n’a eu de cesse de miner les relations entre Etats. Les « manquements graves » constatés dans la gestion des frontières extérieures de la Grèce et le nombre élevé de migrants et de demandeurs d’asile non enregistrés dans ce pays qui auraient pu chercher à se rendre illégalement dans d’autres États membres « ont, par leurs effets conjugués, créé des circonstances exceptionnelles représentant une menace grave pour l’ordre public et la sécurité intérieure et mettant en péril le fonctionnement global de l’espace Schengen » était obligée de constater l’Union européenne, dépassée par les événements. Ces circonstances exceptionnelles ont conduit au déclenchement de la procédure de sauvegarde prévue par l’article 29 du code frontières Schengen et à l’adoption de la recommandation du Conseil du 12 mai 2016 visant à maintenir pendant six mois les contrôles temporaires et proportionnés à certaines frontières intérieures de l’espace Schengen en Allemagne, en Autriche, en Suède, au Danemark et en Norvège.
Des circonstances exceptionnelles
Si aujourd’hui la situation s’est un peu calmée et qu’une série de mesures pour mieux gérer les frontières extérieures et protéger l’espace Schengen ont été mises en œuvre par la Commission, tout ne permet pas encore de revenir au fonctionnement normal de l’espace Schengen reconnaît la Commission. « Des progrès notables ont été accomplis en vue d’une levée des contrôles aux frontières intérieures mais nous devons les consolider davantage. C’est pourquoi nous recommandons d’autoriser les États membres concernés à maintenir, pour trois mois supplémentaires, les contrôles aux frontières réintroduits à titre temporaire » a ainsi déclaré Frans Timmermans, premier vice-président de la Commission. « L’espace Schengen constitue l’une des plus grandes réalisations de l’intégration européenne que nous ne devons cependant pas prendre pour acquise. La Commission européenne est et demeure pleinement résolue à œuvrer avec les États membres à la suppression progressive des contrôles aux frontières intérieures réintroduits à titre temporaire et au retour au fonctionnement normal de l’espace Schengen sans contrôle aux frontières intérieures dès que possible. Si, ces derniers mois, nous n’avons eu de cesse de renforcer nos actions afin de remédier à la pression migratoire sans précédent à laquelle l’Europe est confrontée, nous sommes malheureusement encore loin du but. C’est pourquoi nous recommandons que le Conseil autorise certains États membres à prolonger de trois mois les contrôles temporaires et limités aux frontières intérieures, dans des conditions strictes et seulement à titre de dernier recours » a ajouté Dimitris Avramopoulos, Commissaire pour la migration, les Affaires intérieures et la citoyenneté.
Des moyens mis en œuvre pour mieux protéger les frontières extérieures de’l’UE
Ces derniers mois, explique la Commission, des progrès importants ont été réalisés pour ce qui est de sécuriser et de mieux gérer les frontières extérieures ainsi que de réduire l’immigration irrégulière : grâce au nouveau corps européen de garde-frontières et de garde-côtes constitué depuis le 6 octobre 2016, « les moyens sont progressivement mis en œuvre pour mieux protéger les frontières extérieures de l’UE et réagir à de nouveaux événements ». À la suite de l’instauration du dispositif des hotspots (points d’enregistrement et zones d’urgence migratoire), « l’enregistrement des migrants arrivés en Grèce et en Italie et le relevé de leurs empreintes digitales avoisinent désormais un taux de 100 % » se félicite la Commission. L’institution assure encore que « les vérifications systématiques qui seront effectuées dans les bases de données pertinentes pour toutes les personnes franchissant la frontière extérieure contribueront davantage au renforcement des frontières extérieures ». A cela, il faut ajouter que la déclaration UE-Turquie s’est traduite par une baisse sensible du nombre des migrants en situation irrégulière et des demandeurs d’asile arrivés dans l’UE.
Un risque potentiel de mouvements
Toutefois, un nombre non négligeable de migrants en situation irrégulière et de demandeurs d’asile se trouvent toujours en Grèce et la situation demeure fragile sur la route des Balkans occidentaux, « d’où un risque potentiel de mouvements secondaires » est bien obligée de reconnaître la Commission européenne. Ainsi si la gestion des frontières extérieures a connu d’importantes améliorations, « il faudra davantage de temps pour que certaines des mesures préconisées dans la feuille de route « Revenir à l’esprit de Schengen » soient entièrement mises en œuvre et portent leurs fruits ». Mais en dépit d’importants progrès, les travaux en cours et la situation sur le terrain montrent que ces circonstances exceptionnelles persistent. La Commission considère dès lors comme justifié, à titre de précaution, d’autoriser, dans des conditions strictes, les États membres concernés à prolonger aux frontières intérieures les actuels contrôles limités, à titre de mesure exceptionnelle, pour une nouvelle durée limitée de trois mois, et seulement après qu’ils auront examiné d’autres mesures possibles. En particulier, des contrôles de cette nature doivent être ciblés et limités quant à leur portée, leur fréquence, le lieu où ils sont effectués et leur durée à ce qui est strictement nécessaire. Ces contrôles portent sur les mêmes frontières intérieures que celles mentionnées dans la recommandation du Conseil du 11 novembre 2016 : Autriche : à la frontière terrestre avec la Hongrie et à la frontière terrestre avec la Slovénie ; Allemagne : à la frontière terrestre avec l’Autriche ; Danemark : dans les ports danois depuis lesquels sont assurées des liaisons par transbordeur vers l’Allemagne, et à la frontière terrestre avec l’Allemagne ; Suède : dans les ports suédois situés dans les régions de police Sud et Ouest, et au pont de l’Öresund ; Norvège : dans les ports norvégiens depuis lesquels sont assurées des liaisons par transbordeur vers le Danemark, l’Allemagne et la Suède.
Reste que la Commission a également dû convenir que de « nouveaux problèmes de sécurité » sont apparus ces dernières années, comme l’a montré le récent attentat terroriste perpétré à Berlin. « À cet égard, si l’actuel cadre juridique a suffi à remédier aux difficultés qui se sont présentées jusqu’à maintenant, explique la Commission, celle-ci doit aussi examiner s’il est suffisamment adapté pour faire face aux phénomènes évolutifs qui menacent la sécurité ». ■