L’Institut de l’entreprise a récemment publié une « note d’alerte » sur l’état de nos finances publiques, établie par un groupe de travail présidé par Michel Pébereau, qui appelle à une réduction rapide et durable des dépenses publiques. Cette note a suivi de peu la publication du rapport public annuel de la Cour des comptes, pour laquelle « l’accentuation de l’effort de maîtrise des dépenses est indispensable ». Une forte baisse des dépenses publiques, en pourcentage du PIB, est en effet nécessaire et possible.
Elle est nécessaire pour réduire le déficit public et, ensuite, les prélèvements obligatoires.
Avec un endettement proche de 100 % du PIB, la situation des finances publiques est loin d’être assainie. Poursuivre leur redressement est nécessaire pour respecter nos engagements vis-à-vis de nos partenaires européens et maintenir la crédibilité de la France sur la scène internationale. Indépendamment de ces engagements, la réduction du déficit public est indispensable pour ne pas prendre le risque d’un emballement non contrôlé de la dette, même si cette réduction peut avoir un effet négatif à court terme sur l’activité économique.
Personne ne sait jusqu’où la France peut continuer à s’endetter sans que ses créanciers n’exigent des taux d’intérêt incorporant une prime de risque insupportable, mais il est certain que plus la dette sera élevée, plus il sera difficile de la stabiliser et de la réduire. Il faut donc résolument repousser la tentation de la procrastination.
Personne ne sait non plus jusqu’où le taux des prélèvements obligatoires peut s’élever, mais il ne peut certainement pas beaucoup dépasser celui des pays concurrents sans affaiblir excessivement la compétitivité des entreprises et l’attractivité du territoire national. Or il est au deuxième rang de l’OCDE et la France souffre d’un manque de compétitivité et d’attractivité qui se traduit dans le déficit de sa balance des paiements courants et dans sa position globalement débitrice vis-à-vis du reste du monde.
Un niveau élevé de prélèvements obligatoires peut certes en théorie être justifié par des dépenses publiques particulièrement utiles, mais ce n’est manifestement pas le cas en France, où de multiples rapports et études soulignent leur faible efficience. Une forte baisse des dépenses publiques est possible sans dégrader la qualité des services publics et l’ampleur de la redistribution et sans renoncer à intervenir pour corriger les défaillances du marché.
La Suède et le Canada ont ainsi diminué durablement leurs dépenses publiques de plus de 8 points de PIB en 5 ans, certes dans un contexte économique international favorable.
En 2015, les dépenses publiques représentaient 57,0 points de PIB en France, ce qui nous situait au deuxième rang de l’OCDE, contre une moyenne de 48,5 points dans la zone euro, soit un écart de 8,5 points ou encore de 185 Md€. Leur ventilation par politique publique permet de voir où des économies sont envisageables, comme le montrent les quelques exemples suivants.
Les pensions de retraite sont les dépenses pour lesquelles l’écart entre la France et la zone euro est le plus important (presque 3 points de PIB). Il pourrait être sensiblement réduit en relevant l’âge de départ et en revalorisant provisoirement les pensions à un taux inférieur à l’inflation. Le recul de l’âge de départ accroît la population active, ce qui est toujours favorable à moyen terme à l’emploi contrairement à ce qu’enseignait Malthus.
Les remboursements de l’assurance maladie contribuent pour environ 1 point d’écart entre les dépenses de la France et de la zone euro. Ils peuvent être nettement réduits en mettant en œuvre les mesures proposées depuis longtemps par les économistes de la santé et les rapports administratifs pour améliorer l’efficacité du système de soins. Il est également possible d’augmenter les tickets modérateurs et franchises sans que ceux-ci pèsent excessivement sur les ressources des ménages modestes si les montants laissés à leur charge sont plafonnés en fonction de leur revenu par un « bouclier sanitaire ».
Les dépenses affectées au logement comptent à hauteur de 0,7 point de PIB dans l’écart total et elles pourraient être ramenées au niveau de la moyenne européenne si les contraintes qui limitent l’offre de logements étaient allégées : manque de terrains ; réglementation et fiscalité trop lourdes. Du fait de ces contraintes, les aides personnelles au logement ont surtout un effet inflationniste sur les loyers en stimulant la demande.
Si le montant des dépenses en faveur de la protection de l’environnement est plus élevé de 0,2 point de PIB en France, le poids de la fiscalité environnementale y est inférieur de 0,4 point. Il est donc envisageable de réduire les dépenses et de redéployer les prélèvements pour augmenter les taxes environnementales d’un même montant.
Les « affaires économiques », constituent une catégorie assez hétéroclite pesant 0,7 point de PIB de plus que la moyenne européenne où se trouvent notamment des aides aux entreprises qui pourraient être réduites si la baisse des dépenses s’accompagnait d’une baisse des prélèvements obligatoires, notamment des cotisations sociales des employeurs.
Ces économies pourraient être en partie utilisées pour financer des dépenses supplémentaires dans les domaines de la sécurité extérieure, où la cible de 2,0 % du PIB fixée par l’OTAN n’est pas atteinte, et intérieure, où nos dépenses sont inférieures à la moyenne européenne.
Les conditions de réussite de telles réformes sont multiples. Les plus importantes sont culturelles et politiques : il faut d’abord convaincre les Français de la nécessité de réduire les dépenses pour diminuer les prélèvements obligatoires et les déficits. S’ils en manifestent la conviction par leur vote, il faudra ensuite une ferme volonté politique, au plus haut niveau de l’Etat, pour mettre en œuvre les réformes.
Les archives des administrations sont remplies de rapports et d’études qui montrent depuis longtemps quelles mesures doivent être prises. La concertation et le débat public ont déjà eu lieu sur ces rapports. Une grande conférence nationale sur les finances publiques en début de mandat présidentiel permettrait de présenter les réformes envisagées et de procéder à un dernier tour de table.
La réduction des dépenses doit s’inscrire dans la durée et concerner l’ensemble des administrations publiques : l’Etat et ses opérateurs, les administrations de sécurité sociale et les collectivités territoriales. Les lois de programmation des finances publiques ont été créées pour faire respecter nos engagements européens à toutes les administrations publiques sur un horizon pluriannuel et devraient constituer l’outil adéquat. Elles ne peuvent cependant contraindre ni les régimes sociaux d’origine conventionnelle (Unédic et AGIRC-ARCO), ni les collectivités locales.
S’agissant des premiers, les décisions prises par les partenaires sociaux doivent être agréées par l’Etat pour avoir force obligatoire. Cet agrément pourrait être accordé à la condition que ces décisions soient cohérentes avec la loi de programmation des finances publiques.
S’agissant des collectivités locales, il n’est pas question de revenir sur l’autonomie que la Constitution leur garantit pour gérer leurs dépenses, mais elles n’ont pas de droit constitutionnel à une autonomie fiscale et l’Etat doit continuer de réduire les dotations qu’il leur apporte et qui représentent 40 % de leurs recettes. Les analyses de leurs dépenses montrent en effet qu’elles sont pour une large part déterminées par ces ressources.
Comme le disait Philippe Séguin, la volonté politique est plus importante que les règles budgétaires. Comme chaque euro de dépense publique va dans la caisse d’un ménage ou d’une entreprise, elle devra être très forte pour réduire fortement et durablement leur montant. ■