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Le système de retraite remplit-il ses objectifs ?

Par Yannick Moreau, Présidente du Comité de suivi des retraites

Les objectifs du système de retraite se sont construits progressivement. Les premiers régimes de retraite avaient pour objectif de fidéliser les salariés ou de manifester une solidarité professionnelle. En 1945, l’objectif a été d’élargir le système de retraite à l’ensemble des actifs dans un objectif de solidarité entre actifs et retraités par catégories professionnelles. La tentative de Pierre Laroque d’unifier les régimes a, en effet, échoué au profit d’un régime général et de régimes spéciaux.

Dans les années 70, une volonté d’améliorer fortement la situation des retraités s’est affirmée à partir du constat que le montant des retraites restait très faible par rapport aux revenus d’activité. Des réformes importantes (ouverture de droits, baisse de l’âge) ont été entreprises dans les régimes de base et les régimes complémentaires sont devenus obligatoires. Ceci s’est fait sans qu’il soit possible de faire des projections précises sur l’impact financier de ces mesures et à un moment où l’augmentation de la durée de la vie n’était ni connue ni même pressentie.

L’objectif de stabilité financière émerge dans les années 80 avec le rapprochement de l’arrivée à la retraite des générations nombreuses (papy-boom) et la prise de conscience de l’allongement de la durée de vie. En 1991, livre blanc sur les retraites explique ces données.

La première grande réforme de maîtrise des dépenses est menée en 1993. Générant des économies importantes, elle concerne le régime général, faisant apparaître les fonctionnaires et les régimes spéciaux comme favorisés. La question de l’équité entre cotisants devient un enjeu et les réformes qui suivent (2003-2008-2014) ont pour objectifs de consolider le financement et de rapprocher les régimes

Les objectifs du système de retraite sont définis par la loi du 20 janvier 2014. L’article L. 111-2-1 du code de la sécurité sociale en formule trois :

• un objectif de solidarité actifs/retraités et de niveau de vie des retraités suffisant ;

• un objectif de traitement équitable (entre générations, entre sexes, entre régimes) ;

• un objectif de pérennité financière du système.

Année après année, le COR vérifie l’atteinte de ces objectifs.

S’y ajoutent des objectifs implicites :

• bonne information de chaque actif sur sa situation (depuis la réforme de 2003) ;

• collaboration accentuée entre les régimes (pour l’information des assurés, puis pour la gestion avec la mise en oeuvre prévue par les réformes de 2010 et 2014 d’un répertoire de gestion des carrières uniques - RGCU) ;

• neutralité des effets des parcours professionnels.

Le système de retraite continue d’assurer un taux de remplacement conforme aux objectifs définis par la loi. Cette situation devrait se maintenir au cours des dix prochaines années. A plus long terme, cet objectif ne serait pas atteint si la croissance annuelle de la productivité devait être supérieure à 1,3 % (en raison de l’indexation sur les prix).

Le niveau de vie des retraités continue, en moyenne, à s’améliorer par rapport au reste de la population, mais cette tendance devrait s’infléchir à partir des années 2020. Le niveau de vie ne baissera pas, mais il pourrait s’améliorer moins vite que celui des actifs.

Les réformes menées visent toutes à réduire les droits à la retraite pour rétablir l’équilibre du système. Les efforts portent à la fois sur les cotisants et les retraités, dont le niveau de vie reste favorable par rapport aux pays étrangers. La dégradation du niveau de vie relatif des retraités dépend en partie de la croissance.

L’objectif de stabilité financière est largement rempli. En pourcentage des dépenses, l’effet cumulé des réformes s’élève à 7 points de PIB. En revanche, l’incertitude demeure pour l’avenir. La situation d’équilibre des régimes de retraite varie, en effet, significativement selon les niveaux de croissance en raison de l’indexation retenue pour la revalorisation des droits à retraite. Les réformes n’ont pas été conçues pour assurer.

Un équilibre financier indépendant de la croissance.

En ce qui concerne l’objectif de traitement équitable des assurés, il reste des progrès à effectuer entre hommes et femmes. Entre générations, l’équilibre est difficile à mesurer. Entre régimes, les règles des différents régimes de retraite ont été rapprochées : la fonction publique s’est rapprochée du secteur privé en 2003 et les régimes spéciaux ont été réformés en 2008 et 2014. La réforme de 2010 a concerné l’ensemble des assurés. Mais ces rapprochements sont difficiles à percevoir par les assurés en raison notamment des modes de calcul différents.

En conclusion, des évolutions importantes ont eu lieu depuis 1993, de manière cohérente dans le temps, même si chaque gouvernement a impliqué sa marque propre. La France a mené des réformes ayant des résultats très significatifs tant pour l’équilibre financier que pour l’équité entre assurés.

Pour autant, les interrogations subsistent sur la nécessité d’assurer un meilleur pilotage de l’équilibre, un rapprochement de la situation des Français et une plus grande lisibilité des règles. Le souhait qu’il reste possible aux différentes catégories professionnelles d’avoir une marge de liberté de choix reste présent. â– 

Le comité de suivi des retraites
Pour restaurer la confiance des Français dans nos retraites, la loi du 20 janvier 2014 a créé un dispositif de pilotage qui vise à garantir dans la durée le respect par le système de retraites de ses objectifs d’équilibre financier et de justice. Le Comité de Suivi des Retraites est situé au cœur de ce mécanisme. A partir des analyses du Conseil d’Orientation des Retraites et après consultation d’un jury citoyen, il est chargé de rendre chaque année un avis public portant sur les objectifs financiers et sur les objectifs d’équité assignés à notre système de retraites. S’il considère que le système s’éloigne de façon significative de ses objectifs, le Comité de Suivi des Retraites adresse au Gouvernement, au Parlement et aux régimes de retraites des recommandations publiques. Sur la base de ces recommandations, le Gouvernement consultera les partenaires sociaux, puis présentera au Parlement les suites qu’il entend donner à ces propositions.
En savoir plus : www.csr-retraites.fr

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