Les ateliers des Etats généraux de l’alimentation, comme les travaux du Conseil national de l’alimentation auxquels l’Anses participe, ont mis en évidence les fortes attentes de nos concitoyens, à la recherche de toujours plus d’information, de transparence et de qualité pour leur alimentation et les sujets de sécurité sanitaire. Renforcer le climat de confiance avec l’ensemble des acteurs et améliorer la confiance dans les filières de production et les contrôles sanitaires, notamment par plus de transparence et d’accessibilité des données, apparaissent dès lors des enjeux cruciaux. Ces rendez-vous y ont contribué et l’Anses, dans ce même esprit, anime depuis 2010 un comité d’orientation sur la thématique santé alimentation avec les parties prenantes et a mis en place en 2017 une plateforme de dialogue dédiée aux processus d’autorisation et de contrôle des produits phytopharmaceutiques.
Le projet de loi, qui s’inscrit dans la continuité des EGA, vient acter un certain nombre d’évolutions afin de mieux répondre aux enjeux économiques, sanitaires et environnementaux de notre alimentation. Les milliers d’amendements débattus sont autant d’indicateurs de la vivacité des débats parlementaires et de l’ampleur des attentes. Le projet de loi aborde un grand nombre de sujets qui intéressent tout particulièrement l’Anses dont les activités embrassent toutes les étapes de la « fourche à la fourchette », depuis la sûreté des filières de production agricoles ou agroalimentaires et leur impact environnemental, l’élevage et le bien-être animal, la qualité nutritionnelle de l’alimentation, et jusqu’à la santé des travailleurs agricoles comme des consommateurs. Les travaux de l’Agence relatifs à l’évaluation des risques liés à l’usage des nanomatériaux, en particulier le dioxyde de titane, les matériaux au contact des aliments, l’évaluation des produits phytosanitaires et de leurs impacts, le développement de l’usage des produits de biocontrôle ou préparations naturelles peu préoccupantes… ont souvent été au centre des débats. Des mesures de contrôle plus strictes ont été proposées, telle l’interdiction des substances phytopharmaceutiques au mode d’action identique aux néonicotinoïdes, et la recherche d’alternatives fortement encouragée, à l’instar des travaux récemment menés par l’Anses ou l’Inra pour accompagner les acteurs dans le changement de pratiques.
Concernant spécifiquement l’Anses, à noter le souhait exprimé au cours du débat par les Commissions parlementaires de se voir dotées d’une capacité de saisine directe de l’Agence qui témoigne d’une volonté accrue des élus de s’investir davantage dans le contrôle des politiques de sécurité sanitaire.
Accompagner les acteurs de l’innovation en matière de biocontrôle
La réorientation des modèles agricoles et d’élevage pour une meilleure prise en compte de l’exposition aux dangers, notamment au travers des plans gouvernementaux Ecophyto/Ecoantibio, implique une réduction drastique de l’usage des pesticides et la mise en œuvre effective d’une stratégie de « bon usage » répondant au principe ALARA (As Low As Reasonably Achievable) et définie en lien avec tous les acteurs.
En effet, s’il est nécessaire de réduire au strict nécessaire les quantités de produits phytosanitaires et antibiotiques utilisés et d’éliminer les substances dont le niveau de dangerosité est le plus élevé, il est tout aussi indispensable de conserver un large spectre de molécules actives afin d’éviter les phénomènes de résistance mais aussi de pouvoir continuer à disposer de solutions de lutte en cas de crises sanitaires, par exemple pour la lutte anti-vectorielle dans les cas d’épidémies de dengue ou chikungunya.
Le développement de solutions de lutte intégrée associant solutions agronomiques, biologiques et chimiques est donc une nécessité pour sortir de l’usage intensif des pesticides. En 2017, l’Anses a reçu une trentaine de demandes relatives à de nouvelles autorisations de mise sur le marché (AMM) pour des produits de biocontrôle, et seulement 5 au premier semestre 2018 ! Le développement du biocontrôle se heurte aujourd’hui à un problème de fond : pour de nombreux dossiers, l’évaluation ne peut se conclure favorablement faute d’éléments scientifiques démontrant l’efficacité des produits et l’absence de risques inacceptables. Car même s’ils sont d’origine naturelle, ces produits peuvent contenir des substances toxiques et présenter des risques sanitaires qui doivent donc être évalués avant toute mise sur le marché. Un accompagnement des acteurs, en particulier les petites et moyennes entreprises innovantes, pendant la phase de préparation à la mise sur le marché est donc essentiel pour favoriser le développement de produits innovants présentant toutes les garanties de sécurité sanitaire.
Améliorer la reconnaissance des maladies professionnelles liées aux pesticides
En vue d’améliorer la prise en charge des maladies professionnelles, le gouvernement a saisi l’Anses et l’Inserm afin de réactualiser leurs expertises sur les liens entre pathologies et exposition professionnelle aux produits phytosanitaires. Le projet de loi agriculture et alimentation prévoit en outre la remise d’un rapport sur le financement et la création d’un fonds d’indemnisation pour les victimes des produits phytopharmaceutiques.
Dans ce contexte, l’Anses mettra en place un groupe d’experts permanent dédié à l’évaluation des maladies professionnelles préalablement à leur inscription au tableau des maladies professionnelles, un comité qui mènera ses travaux selon les procédures établies pour assurer une expertise indépendante, collective et contradictoire.
Le plan Ecophyto 2+, la mise en musique
Elaboré avec l’ensemble des parties prenantes et attendu pour la fin de l’année 2018, le plan Ecophyto 2+ renouvelle et renforce les engagements du plan précédent. Il décline la feuille de route pour atteindre l’objectif de réduction de l’utilisation des pesticides de 50 % à l’horizon 2025.
L’Anses est particulièrement impliquée dans ce plan où la prévention et la maîtrise des risques sont au cœur du dispositif. Le plan prévoit notamment le renforcement de la surveillance des risques liés à l’utilisation des produits phytopharmaceutiques et le renforcement des connaissances en matière d’expositions à ces produits et de bonnes pratiques.
Ecophyto 2+ incite par ailleurs à accroître nos efforts de recherche pour une meilleure prise en compte des effets des mélanges de substances chimiques et des effets cumulatifs dans l’évaluation des risques. L’Anses participe déjà à plusieurs programmes de recherche au niveau européen, tels le projet EuroMix, dédié au développement de nouveaux modèles pour la prise en compte des mélanges, ou le projet HBM4EU, qui vise à mieux connaître l’exposition de l’Homme aux contaminants chimiques. Il est cependant indispensable de renforcer la communauté de recherche en appui à l’expertise et aux politiques publiques en matière de toxicologie et d’exposition environnementale, et de mobiliser davantage de moyens dans ce domaine.
L’Anses a ainsi pris l’initiative de proposer à ses partenaires européens la mise en place d’un fonds inter-agences pour financer des recherches sur les sujets à forte incertitude en matière d’exposition environnementale par des agents chimiques, physiques ou biologiques.
La consolidation des connaissances, en particulier sur les expositions, est un prérequis indispensable pour répondre aux enjeux de l’alimentation de demain et aux attentes de nos concitoyens en matière de sécurité sanitaire. Cela implique davantage de recherche et de moyens. Le développement d’approches intégratives pour prendre en compte les interactions environnement-santé-nutrition dans les dispositifs d’expertise confèrerait également une vision transversale plus complète aux décideurs, approches et modèles que l’Anses est en train de développer. « Connaître, évaluer, protéger » … notre devise n’aura jamais été aussi bien illustrée. ■