Le Conseil d’Orientation des Infrastructures annoncé, par le Premier ministre Édouard Philippe lors de l’ouverture des Assises de la Mobilité et mis en place par Elisabeth Borne, Ministre en charge des Transports, a reçu la mission d’élaborer le volet de programmation de la LOM.
Des efforts considérables ont été réalisés dans les décennies passées pour doter la France d’un système autoroutier performant, et bien entretenu quand il est concédé, et d’un réseau ferroviaire à grande vitesse, le deuxième en Europe. Ces liaisons interurbaines ont profondément changé notre perception de l’espace et facilité l’intégration des grandes agglomérations dans l’espace national et européen comme en atteste le succès de Thalys et de l’Eurostar. Les investissements considérables consacrés à ces équipements nécessaires se sont faits au détriment des réseaux classiques, dont la qualité s’est dégradée, et d’espaces qui restent mal desservis. Certains projets interurbains de lignes nouvelles (Provence Côte d’Azur, Paris Normandie, Montpellier-Béziers ou Bordeaux-Toulouse) restent nécessaires mais leur réalisation fera l’objet d’un phasage. Le rapport du COI, à la suite de la commission Mobilité 21, recommande de donner la priorité à la restructuration et la modernisation des grandes gares et des nœuds ferroviaires qui les entourent - Saint Lazare à Paris, Saint Charles à Marseille, Bordeaux ou Toulouse-Matabiau ou La Part-Dieu à Lyon - pour limiter leur engorgement et éviter les incidents comme ceux qui ont interrompu le trafic et pénalisé les usagers en décembre 2017 à Montparnasse. Ces travaux doivent permettre d’accueillir un nombre croissant de TER ou de Transiliens sans ralentir l’arrivée en gare des trains grandes lignes.
Des accidents graves, le déraillement Brétigny-sur-Orge ou l’effondrement du pont Morandi alertent l’opinion et les décideurs sur l’urgence d’accélérer la régénération et la modernisation des réseaux. Le retour à un bon état appelle un effort financier de l’Etat et des collectivités territoriales dans la durée.
Le réseau routier et autoroutier de plus d’un million de km constitue le premier patrimoine de la Nation. Il supporte 85 % des transports de voyageurs et de marchandises du pays. Il est irremplaçable pour la desserte fine du territoire et pour tous ceux qui vivent dans les territoires ruraux et périurbains. L’essentiel de ce patrimoine relève des collectivités territoriales mais les 12000 km de routes et d’autoroutes non concédées par l’Etat supportent une part majeure du trafic. Un audit externe commandé à des cabinets suisses a confirmé la dégradation des indicateurs de qualité des chaussées et des ouvrages ainsi que la nécessité de porter les crédits de régénération routière à plus d’un milliard d’€ par an. Il faudra ajouter à cela les efforts d’adaptation de la route aux mobilités connectées et au véhicule autonome qui s’annoncent et une remise à niveau du réseau structurant de voies navigables.
Le contrat pluriannuel 2017-2026 entre l’Etat et SNCF réseau prévoit d’engager près de 36 Md€ pour moderniser nos infrastructures.
Autre grand chantier : La signalisation embarquée et inter-opérable (ERTMS) sur les lignes structurantes du réseau à grande vitesse (Marseille-Vintimille après Paris-Lyon) mais aussi sur les lignes franciliennes permettra d’augmenter la fréquence des trains sur des lignes proches de la saturation. Le remplacement des aiguillages mécaniques par des centres de commandes centralisés et digitalisés participera de cette modernisation destinée à fiabiliser le réseau et le rendre le plus performant.
A ces modernisations permises par le développement du numérique, il faut bien sûr ajouter celles qui contribueront à réduire les nuisances de toutes natures. Le « verdissement des trains », par exemple par des moteurs à hydrogène, doit entrer rapidement en phase d’expérimentation sur des lignes bien choisies (par exemple en évitant le coût de l’électrification) et la réduction du bruit des trains de marchandises renforceront l’acceptabilité du ferroviaire.
L’amélioration des accès aux grands ports maritimes du Havre et de Marseille-Fos et à nos aéroports les plus importants n’a que trop tardé. La modernisation de la liaison Serqueux-Gisors doit améliorer la performance des pré - et post - acheminements du port du Havre qui stagnent à 8 % du trafic. CDG Express doit désaturer l’accès à Roissy en vue notamment des JO de 2024.
L’urbanisation du territoire et l’encouragement dont ont bénéficié les métropoles ont, par contraste, mis en évidence les difficultés rencontrées par les territoires ruraux et péri-urbains. Ce sentiment d’oubli qui s’est exprimé fortement avec la crise des gilets jaunes appelle un retour à une politique plus volontariste d’aménagement du territoire et à des réponses plus lisibles et proportionnées pour une « mobilité inclusive et durable ».
La crise de 2018 a révélé l’insuffisance de la desserte des villes moyennes et petites éloignées des grands réseaux. Un effort prioritaire doit accompagner la modernisation de leur desserte routière ; 2 Md€ de crédits, annoncés par la Ministre en charge des Transports, pour les 10 ans à venir, constituent une première étape qu’il faudra amplifier dans la décennie suivante.
Les rapports Revier (EPFL) en 2005, puis Spinetta de 2018 se sont interrogés sur la capacité à entretenir et exploiter les petites lignes les plus faiblement fréquentées. Le Gouvernement, conscient de l’attachement des Français à ces lignes et aux gares qui les desservent, a jugé qu’il fallait traiter ces questions dans le cadre des contrats de plan Etat-Région au plus près des problèmes.
Le développement du péri-urbain, n’a pas été accompagné d’une réflexion suffisante en matière d’urbanisme et de mobilité. Il faut aujourd’hui renforcer les transports publics, lutter contre l’« autosolisme » et la congestion dans les entrées de villes.
Le grand Paris Express répondra partiellement à ce défi, mais il importe aussi d’organiser le rabattement par cars vers les gares nouvelles, d’aménager des voies prioritaires pour les cars, bus et co-voitureurs sur les autoroutes urbaines.
Un quatrième appel à projet en faveur des transports en commun en site propre (TCSP : métros, tramways, bus à haut niveau de service) doit s’accompagner maintenant d’un vigoureux soutien aux mobilités actives plus pertinentes pour les déplacements courts et au covoiturage.
Les villes qui dépassent les normes de l’Union européenne en matière de qualité de l’air vont devoir réduire, voire interdire, la circulation des véhicules carbonés. Pour réussir cette mutation, il est indispensable de déployer des bornes de rechargement pour les véhicules électriques et des stations de gaz naturel pour les véhicules (GNV) pour les utilitaires.
La France n’a que trop tardé à se doter d’une loi de programmation des investissements afin de financer les infrastructures les plus nécessaires et urgentes. Le Conseil d’Orientation des Infrastructures a élaboré trois scénarios afin d’offrir une possibilité de choix au Gouvernement et au Parlement. Ils excèdent la trajectoire prévue par la loi de programmation des finances publiques 2018-2022. Le scénario de dépense arrêté par le président de la République constitue un progrès incontestable par rapport à la situation passée mais il nécessite d’affecter une ressource supplémentaire à l’agence de financement des infrastructures de transports de France (AFITF). Dans le contexte actuel, la création d’une taxe nouvelle ou d’une tarification de la route semble difficile. A défaut, pour éviter d’étaler dans le temps certains projets moins prioritaires, les investissements en matière d’infrastructures s’inscrivent dans une politique de soutien à la croissance. ■