L’enquête de l’AFP étant basée sur les données issues du Répertoire national des élus (RNE) (voir ci-dessous), les rapporteures ont souhaité elles aussi avoir communication de ces chiffres afin de connaître les cessations de mandat intervenues depuis les élections municipales de mars 2014 et distinguer ainsi en leur sein les démissions « dites volontaires ». Elles ont également cherché à connaître les éléments plus qualitatifs issus de la synthèse des préfets de départements réalisée en septembre 2018. Mais la communication de ces données chiffrées auprès des ministères concernés n’a pas été sans difficulté déplorent les députées qui ont finalement reçu tardivement une réponse du Ministère de l’Intérieur.
Il faut d’abord souligner que si la démission d’un maire obéit à un certain formalisme : la lettre doit être datée et signée par l’intéressé et exprimer clairement, sans ambiguïté ni réserves, sa volonté de démissionner, « cette démission soulignent les rapporteures n’a pas besoin d’être motivée ». Avec pour conséquence de n’avoir aucune donnée qualitative sur ces démissions disponible.
Quoiqu’il en soit la réponse du Ministère de l’Intérieur leur a permis d’en savoir un peu sur cette vague de démissions. Cela leur a surtout permis de nuancer un peu l’alarmisme qui a entouré l’enquête et les articles de journaux qui ont suivi. Ainsi, par rapport à la précédente mandature (2008-2014), le nombre de démissions de maires depuis 2014 apparaît, en fonction des départements « osciller entre stabilité et hausse modérée » assure l’Intérieur. Ensuite, l’une des causes principales des cessations de fonction de maire enregistrées depuis 2017 apparaît être… le décès.
Le décès : principale cause de la cessation d’activité
Cette situation « reflète une certaine réalité démographique et sociologique mise en avant par de nombreux rapports préfectoraux : le vieillissement des maires ». Outre la mortalité, poursuit le ministère, ce phénomène de vieillissement a également pour conséquence « un nombre important de démissions pour raison de santé ». « Une faible proportion de ces cessations de fonction correspond à des démissions d’office dont les origines sont variées (annulation de l’élection par le juge, condamnation judiciaire, inéligibilité) » indique encore le Ministère. Pour expliquer la forte évolution du nombre de cessations, il est également évoqué le motif de « fin de mandat » tout simplement en raison de la création de nombreuses communes nouvelles qui ont mis un terme à 1688 mandats entre 2015 et 2018. Sans oublier les règles de non-cumul des mandats qui sont venues s’ajouter et qui « ont eu pour effet d’augmenter le nombre de démissions et expliquent, selon les préfets, environ une démission sur dix depuis 2014 ». Enfin et toujours selon les préfectures, « une démission sur dix environ, résulte de considérations de politique locale et interne au conseil municipal ».
La moitié des cessations de fonction de maire ont des causes exogènes
En conclusion de la synthèse des préfets, il ressort « qu’environ la moitié des cessations de fonction de maires depuis le renouvellement de 2014 relève des causes qui ont pour trait commun d’être (plus ou moins) contraintes par des facteurs exogènes ; décès, démission d’office, fusion de communes, mise en conformité avec les nouvelles règles relatives au non-cumul des mandats ou dissensions politiques ». Quant à l’autre moitié des cessations de fonction, elle correspond « à des démissions volontaires pour raisons personnelles » dont les motifs sont très variés : liés à la santé, professionnels (mutations, difficultés à concilier métier et mandat, familiaux). Il en résulte que le nombre de maires dont la démission « serait justifiée par la lassitude et la lourdeur de la charge apparaît extrêmement marginal ».
Une augmentation en trompe l’oeil du nombre de démissions
Par ailleurs, précisent les rapporteures, une note transmise en annexe du courrier indique que les démissions intervenues en raison des dispositions relatives au non-cumul des mandats parlementaires avec l’exercice d’une fonction exécutive locale « ont vraisemblablement été traitées comme des démissions volontaires sans pour autant exclure que certains services préfectoraux aient choisi un autre motif ».
Au vu de ces éléments, les députées en tirent plusieurs conclusions. Elles prennent notamment acte de la « vitalité » des communes nouvelles qui a fait passer la France sous le seuil « symbolique » des 36 000 communes avec pour conséquence une fin de mandat pour « près de 1700 maires », ce qui constitue « la part la plus importante, et de loin, de la catégorie « fin de mandat » ».
Autre fait avéré : le vieillissement des maires. L’âge moyen des maires lors de leur élection en 2014 était de 58,7 ans, et la catégorie des 60 ans et plus y représentait 52,5 %. Cette donnée est complétée par la proportion des retraités parmi les maires qui était de 32,2 % en 2008 et de 42,6 % en 2014. « Pour autant, ajoutent-elles, les éléments disponibles ne permettent pas de quantifier précisément le facteur « raisons de santé » parmi les motifs de démissions volontaires ».
Pour un renforcement de la formation initiale et continue des élus locaux
Toutefois et selon les calculs effectués par les rapporteures, il apparaît que la proportion de cessations de mandat subies, ou fortement contraintes, s’établit à environ 70 % sous la présente mandature contre 46 % sous la précédente, « soit un ratio plus important que ce qu’indique le courrier du ministre ». « Outre les décès (567) et les démissions d’office (53), qui sont en augmentation sensible, ce sont bien les fins de mandat pour fusion de communes (1688) et les démissions pour satisfaire aux règles en matière de non-cumul des mandats posées par l’article LO 141-1 du code électoral (194) qui sont à l’origine de l’augmentation en trompe l’oeil du nombre de « démissions des maires » qui a donné lieu à la médiatisation de ce sujet » insistent les deux élues.
Pour aller encore plus au fond du sujet, les rapporteures ont adressé un questionnaire en ligne à l’ensemble des maires en fonction autour de questions relatives à l’exercice du mandat et aux éventuelles difficultés rencontrées. Les réponses pointent, outre le phénomène de vieillissement, plusieurs raisons au fait qu’un maire sur deux ne souhaite pas se représenter en 2020 (alors que 60 % des maires sortants avaient été réélus en 2014) : accroissement de la technicité juridique de la fonction et du poids des normes ; difficultés de conciliation entre vie familiale et exercice du mandat ; insuffisance des indemnités au regard des responsabilités exercées et de la charge de travail ; difficultés de positionnement vis-à-vis de l’intercommunalité / sentiment de perte d’influence ou de capacité à agir ; accroissement des exigences des administrés / comportement consumériste de leur part.
En conclusion, Catherine Kamowski et Valérie Lacroute plaident pour « un renforcement de la formation initiale et continue des élus locaux et plus particulièrement des maires des communes de moins de 5 000 habitants ». Elles soulignent également le caractère « insuffisamment sophistiqué et normé » du recueil de données au sein du RNE, « lequel, expliquent-t-elles, ne permet pas de suivre de manière objective et actualisée les évolutions des mandats électoraux ». Elles estiment donc nécessaire de faire évoluer la loi « pour inscrire l’obligation pour les élus, de motiver, au moins sommairement, leur démission ». ■
Le Ministère de l’Intérieur dispose, avec le « Répertoire national des élus » (RNE), d’un outil de suivi des mandats et fonctions exercés par les élus qui est renseigné par les services préfectoraux. La création de ce fichier des élus et des candidats aux élections au suffrage universel est intervenue en 2001 et un traitement automatisé de ces données est réalisé depuis 2014. Les informations relatives à la cessation du mandat de maire sont répertoriées au sein du RNE selon cinq items : le terme du mandat, le décès, la démission d’office, la démission volontaire et les autres cas.