Du Grand Débat National – que j’ai co-animé avec Emmanuelle Wargon – a émergé la nécessité de faire des territoires, un des piliers de l’acte 2 de ce quinquennat. Les élus locaux ont joué un rôle essentiel dans l’organisation de cet exercice démocratique inédit : quasiment un maire sur deux a ouvert un cahier citoyen. Les maires ont aussi pu, lors des 96 heures d’échanges que le Président de la République a eu avec eux, dire ce qui les décourageait dans l’exercice de leurs mandats. Ils ont exprimés leurs attentes pour davantage de libertés locales, eux qui agissent au quotidien sur le terrain. Enfin, les Français dans leur ensemble, ont également pu partager, par les différents canaux qui leur étaient proposés, leurs attentes et leurs inquiétudes, notamment quant à l’éloignement ressenti des services publics dans leur vie de tous les jours.
Inspiré par ces enseignements, le projet de loi « Engagement et Proximité » est ainsi une traduction concrète du Grand Débat National. Présenté avec Jacqueline Gourault, en Conseil des ministres le 17 juillet dernier, il sera discuté d’abord du Sénat en octobre prochain, puis à l’Assemblée nationale à l’automne, avec l’objectif d’être adopté avant les prochaines élections municipales de mars 2020 afin de donner de la visibilité pour tous les candidats, qui auront le courage de se présenter face aux suffrages des Français.
Ce texte vise à remettre au cœur de notre démocratie les élus locaux et le bloc communal, qui a été le grand oublié des dernières lois sur les territoires. Depuis une quinzaine d’années, la course au gigantisme a privilégié les grands échelons – les grandes intercommunalités, les grands cantons, les grandes régions… - au détriment de la commune, qui fait partie de notre identité et de notre histoire. Après la Révolution française, et la transformation des paroisses en communes, il y en avait 40 000 en 1789 ; il y en a un peu moins de 35 000 aujourd’hui : preuve que les Français y restent attachés.
Nos concitoyens ont d’ailleurs confiance dans leur maire : selon un récent sondage Ifop publié dans le Journal du Dimanche le 11 août, 83 % des sondés ont une bonne opinion de leur maire. En effet, ces derniers sont le visage de la République du quotidien. Ils sont « à portée d’engueulade » comme « à portée de remerciements » : ce sont les élus les plus proches des Français, en contact permanent avec leur vie quotidienne. Ils s’engagent pour améliorer le cadre de vie de leur commune, pour tisser du lien social entre les citoyens, pour permettre à chacun d’accéder à des équipements sportifs et culturels de qualité.
Mais, aujourd’hui, de nombreux maires expriment leur découragement face aux obstacles qu’ils rencontrent sur le terrain. L’exigence – à juste titre – des citoyens vis-à-vis de leurs élus, mêlée à un manque de reconnaissance de leur rôle et à une complexité administrative qui freine leur action au quotidien, décourage aujourd’hui de nombreux maires à se représenter aux prochaines élections municipales. Dans certaines communes, notamment les plus rurales ou les plus fragiles économiquement, le risque de voir des listes incomplètes existe.
Par ailleurs, il est nécessaire d’encourager de nouvelles personnes à s’engager localement. Les retraités, parce qu’ils bénéficient de plus de temps disponible, constituent 65 % des élus locaux. Si leur engagement est essentiel et doit être salué, il est nécessaire, en parallèle, d’inciter des jeunes et des salariés du secteur privé à se présenter aux élections municipales. Les femmes ne constituent que 17 % des maires aujourd’hui. C’est trop peu. Améliorer la représentativité de nos élus contribuera à renforcer notre démocratie représentative.
C’est pour répondre à ces objectifs, et pour clarifier le cadre d’exercice des mandats municipaux, que le projet de loi « Engagement et Proximité » agit sur deux leviers. D’une part, redonner des libertés locales pour que les élus retrouvent des capacités d’action. D’autre part, attirer des nouvelles personnes à se présenter tout en luttant contre le découragement des élus locaux.
Ce texte comporte ainsi des mesures concrètes, qui repartent de la vie quotidienne des élus, pour leur donner des marges de décision sur le terrain : conforter le maire au sein de son intercommunalité, améliorer la gouvernance des EPCI, permettre des ajustements de la carte lorsque cela ne marche pas, redonner du pouvoir aux maires, permettre à l’EPCI de déléguer de manière nouvelle, originale et souple, la compétence eau et assainissement. Ce n’est pas défaire l’intercommunalité, mais en faire un vrai instrument au profit des maires, en revenant à l’esprit original des lois Chevènement de 1999. Octroyer des pouvoirs supplémentaires aux maires afin que leurs décisions sur les désordres du quotidien, soient suivies d’effet : faire retirer les dépôts d’encombrants sur la voie publique, fermer les débits de boissons indélicats, fermer un établissement recevant du public dangereux, faire respecter les prescriptions d’un permis de construire. Il faut qu’ils puissent sanctionner ceux qui ne respectent pas la loi, en limitant les contacts qu’ils peuvent avoir avec les contrevenants, grâce aux amendes administratives. Aussi, simplifier le quotidien du maire et le sécuriser dans ses actions, à travers la mise en place d’un rescrit normatif et la suppression d’obligations disproportionnées.
Ce projet de loi entend également lever les freins à l’engagement ou au réengagement : droit renforcé à la formation des élus, nouveaux droits pour les élus à la prise en charge des frais de garde (payés par l’Etat dans les communes rurales), généralisation du congé électif pour faire campagne, modification du régime des indemnités pour les communes de moins de 3 500 habitants, qui pourront moduler la rémunération de leurs élus dans une seule tranche désormais, contre trois auparavant, gagnant ainsi en souplesse.
La méthode qui nous a guidés dans la préparation de ce projet de loi est également inspirée de ce que nous avons mis en place lors du Grand Débat National. En associant à sa préparation, aussi bien les associations d’élus, les députés et sénateurs, que les maires en direct – par courrier, par l’intermédiaire des préfets ou en lien avec les parlementaires sur le terrain – nous co-construisons le texte afin qu’il soit le plus pertinent possible. À ce jour, plus de 500 contributions ont été reçues, analysées et intégrées.
S’appuyant sur les travaux du Parlement sur ces sujets, notamment du Sénat, il est également le fruit des échanges nourris entre les maires et le Président de la République, qui a pris l’allure d’une concertation grandeur nature. J’ai également soumis aux associations d’élus, aux parlementaires engagés sur le sujet des collectivités locales, et à tous les présidents de groupes au Sénat que j’ai rencontrés, mes propositions afin de recueillir leur avis et de les affiner. J’attends, enfin, beaucoup de la discussion parlementaire qui va enrichir le projet initial.
Ce projet de loi s’inscrit dans une volonté plus large du gouvernement de faire des collectivités locales des partenaires de l’Etat, avec qui la République est en partage. Différenciation territoriale, inscrite dans le projet de révision de nos institutions, comme décentralisation avec l’objectif de clarifier pour les Français les compétences des différents échelons, visant à changer les méthodes d’organisation de notre République. Et ce, afin de répondre à ce profond besoin de proximité et d’enracinement, que les Français ont exprimé à l’occasion du Grand Débat National. ■