Les décisions de cohérence et de long terme, ce sont d’abord les investissements réalisés par les autorités publiques, et en premier lieu par la Région Ile-de-France qui a complètement inversé, et ce en moins de deux ans, la part de son budget allouée respectivement au fonctionnement et à l’investissement, permettant de considérablement augmenter les sommes investies dans les transports et les lycées franciliens. Et malgré les reports dans le calendrier, le Grand Paris est de loin le plus grand projet non seulement de transport, mais urbain d’Europe. Les chantiers ont démarré, et l’intérêt à l’étranger est extrêmement fort. C’est aussi certains messages que les investisseurs ont bien entendu : un message d’unité politique et de « service client », avec la création d’un guichet unique aux investisseurs et la volonté de simplifier les démarches et une attitude « pro-business » des femmes et des hommes politiques. La région Ile-de-France en particulier a été précurseur dans les initiatives mises en place suite au Brexit. Ces éléments ont été décisifs.
En réalité, ils ont permis à l’Ile-de-France de révéler ses atouts intrinsèques : elle est la première région d’Europe par la taille de son économie (premier PIB d’Europe, plus forte concentration d’Europe devant Londres de sièges sociaux de groupes du classement Fortune 500), sa puissance de R&D et son potentiel d’innovation (sur les dépenses de R&D, le nombre de personnels de recherche, le nombre d’étudiants en PhD…). Ces éléments font de l’Ile-de-France la seule véritable métropole européenne globale avec Londres. Cet état de fait, implacable, avait pourtant disparu de l’esprit de certains et revient comme une évidence seulement depuis les 3 dernières années : pour la première fois en 2018, dans le baromètre de l’attractivité réalisé par EY, Paris se hisse devant Londres comme la ville la plus attractive d’Europe. Une autre étude commandée en mars 2019 par Choose Paris Region et Paris Capitale Economique à OpinionWay a permis d’interroger 500 décideurs qui ont placé Paris pour la première fois en 1ère place au niveau mondial parmi les métropoles dans lesquelles ils ont l’intention d’implanter ou de développer de nouveaux sites dans les 3 ans à venir.
Mais pour les investisseurs, quels sont réellement les déterminants d’une implantation internationale ? L’étude OpinionWay montre que les premiers critères sont les suivants : qualité de la formation, taille de l’économie, accès aux marchés et qualité des infrastructures. Or sur tous ces critères, on connaît la force de la région capitale.
A l’inverse, parmi les défis structurels qui se posent à nous, il faut citer la langue et la disponibilité de l’enseignement international : la perception du Français qui ne sait pas parler anglais reste forte, malgré des évolutions positives. L’action de la Région Ile-de-France sur ce volet est décisive avec l’ambition d’une région multilingue, le développement de l’outil Qioz d’apprentissage des langues, ou encore le travail mené avec les rectorats franciliens sur la création de 1300 places depuis septembre 2018 en sections internationales et dans la toute nouvelle école européenne de Courbevoie, et le passage de 5 à 9 lycées internationaux entre 2016 et 2021. Les avantages de notre système d’éducation internationale sont l’offre variée (public, privé, bac français et international, école européenne) et un modèle de sections internationales unique au monde créé en parallèle de l’accueil de l’OTAN à Paris, mais l’essentiel de l’offre est adapté aux francophones et les défis résident dans le manque de places pour préparer des diplômes anglophones, le déficit d’accueil de ces élèves, et un système encore globalement complexe et trop peu lisible.
Un autre élément que ne relèvent pas les études, c’est la capacité des métropoles à jouer collectif : cet aspect est également décisif. Nos concurrents ne nous attendent pas. Ils unissent et mutualisent leurs forces. Certaines métropoles sont historiquement beaucoup plus unifiées que ne peut l’être l’Ile-de-France en termes de capacité à porter des messages de manière collective et à construire ensemble des actions de promotion du territoire (actions de communication, etc.) ou visant à améliorer l’attractivité. Un exemple marquant est Berlin dont l’image de ville attractive, jeune et dynamique s’est construite sur une démarche exemplaire de marketing territorial depuis 2008 (BeBerlin). Amsterdam (I Amsterdam) ou Lyon (Only Lyon) sont d’autres bons exemples de fédération des acteurs publics et privés au service de projets. Si l’Ile-de-France ne figure pas dans cette liste, il y a plusieurs raisons. Sa taille d’abord, car avec 12 M d’habitants, le défi qui se pose est sans commune mesure avec les exemples que l’on vient de citer. Son environnement institutionnel ensuite : à la Région, la Métropole du Grand Paris et la Ville de Paris s’ajoutent en effet 8 départements, 12 Etablissements publics territoriaux, 65 intercommunalités, 1276 communes : la région compte 11,4 collectivités pour 100 000 habitants, devançant la plupart des métropoles comparables ; pour Londres ce chiffre est de 0,4.
L’agence d’attractivité régionale, précédemment Paris Region Entreprises et désormais Choose Paris Region, a aussi un rôle décisif à jouer ; sa mission, avec l’appui de ses 75 collaborateurs : assurer la promotion internationale de la région Ile-de-France, prospecter les investisseurs internationaux, les accompagner concrètement dans leur implantation puis les fidéliser sur le long terme, et mener des actions au service de l’attractivité régionale comme sur l’éducation internationale par exemple. La Région Ile-de-France est le financeur largement majoritaire de l’agence avec environ 10 Me de budget par an sur un budget total de 12,5 Me, et joue donc un rôle décisif dans ce travail partenarial. C’est dans cet esprit que l’agence a constitué en mars 2019 un comité des territoires qui rassemble 51 acteurs publics de l’attractivité et collectivités et qui travaillent concrètement sur des sujets tels que la coordination globale des actions et des calendriers, le traitement des projets d’investissement, l’accueil d’habitants ou de familles, le partage de photothèques et vidéos, le partage de lieux emblématiques pour les prospects investisseurs, le partage et l’élaboration de documents de promotion, etc., le tout dans un esprit ouvert de collaboration. L’agence s’est aussi engagée en septembre 2019 dans un processus de renouvellement de sa gouvernance pour intégrer un panel d’acteurs publics, parapublics et privés de l’attractivité. Cette évolution décisive est aussi le corollaire de la volonté partagée des acteurs à l’origine de la création du guichet unique en 2016 (Région Ile-de-France, Etat, Métropole du Grand Paris, CCI Paris Ile-de-France, Ville de Paris) d’en renforcer la gouvernance en faisant réellement de l’agence un outil collectif incarnant désormais le guichet unique. Outre le soutien institutionnel dont elle dispose, l’agence met également à profit la concentration de grands groupes sur son territoire et a construit avec eux un réseau d’open innovation dont la logique est la connexion technologique entre ces grands groupes et des startups internationales : en 2018, cela a représenté 27 évènements B2B, 62 grands groupes participants et 319 startups internationales participantes sur 3 continents.
Le Brexit nous a permis de nous rendre compte qu’il n’y avait pas de salut sans travail collectif : il faut poursuivre dans cette voie, continuer de porter une voix unie à l’international tout en cherchant des réponses de manière très pragmatique aux défis qui se posent à nous. ■