Je tiens à ce titre à saluer leur ouvrage, l’ambition écologique en sort renforcée. Son adoption, à l’unanimité moins une voix, témoigne du chemin que nous avons tous parcouru ces deux dernières années : l’économie circulaire et les transformations qu’elle engage sont devenues un levier de transition écologique plébiscité. D’ici un mois, débutera son examen à l’Assemblée nationale, avec pour rapporteures du texte deux députées très engagées, Stéphanie Kerbarh et Véronique Riotton. Je sais qu’il sera, d’un bord à l’autre de l’hémicycle, de nouveau l’objet d’un engouement de la part des députés.
Les élus de la Nation le savent mieux que quiconque, en matière d’écologie les Français exigent le « pouvoir de faire ». Du Grand Débat, aux sondages sur le sujet, un même message revient de manière inlassable : trier et recycler, avoir les moyens de mieux et plus réparer les objets qu’ils possèdent, se débarrasser des emballages en plastique … Pour plus de 95 % de nos concitoyens ces gestes quotidiens, encore anodins hier, sont devenus des priorités. L’économie circulaire est le système économique qui leur offre ces opportunités. Consommer durable, lutter contre le gaspillage des vêtements comme des téléphones portables, trier leurs déchets depuis leur cuisine : autant d’actions concrètes pour répondre à l’urgence climatique qui les inquiètent. Notre objectif de 100 % de plastique recyclé permet, par exemple, d’éviter autant d’émissions de CO2 que la fermeture de quatre centrales à charbon.
Le projet de loi anti-gaspillage pour une économie circulaire propose au Parlement de poser une brique majeur dans l’histoire de la gestion publique des déchets. Une brique qui nous permette de changer d’échelle. Plusieurs lois ont marqué l’histoire de la gestion publique des déchets. La première, celle de 1975, a bâti le système des filières de Responsabilité élargie des producteurs (REP). Elle a créé ce qui est considéré aujourd’hui comme une spécificité française en la matière : le responsable d’un déchet n’est pas celui qui consomme un produit mais celui qui le fabrique et le commercialise. Principe ingénieux qui a le mérite d’intégrer dans la boucle, ceux qui ont les moyens d’agir : les entreprises.
Quant à la loi suivante, celle de 1992, elle a pris le système à rebours en limitant d’une part, le recours à l’enfouissement, et d’autre part en instaurant le principe de proximité dans le traitement des déchets et la définition du déchet ultime, une avancée fondamentale. Avant d’enfouir un déchet, demandons-nous d’abord s’il peut être réutilisé. S’il ne peut l’être, demandons-nous s’il peut être réemployé. S’il ne peut l’être, demandons-nous cette fois s’il peut être recyclé. Et s’il ne peut toujours pas l’être, demandons-nous alors s’il peut être valorisé énergétiquement. Et, seulement après ce long et indispensable processus, mettons-le en décharge.
Aujourd’hui, comme l’a rappelé le Président de la République lors de son récent déplacement à Rodez : en matière d’écologie, le temps des travaux pratiques est venu. Forts de notre héritage réglementaire, nous avons les moyens de structurer un système capable de rendre notre économie plus verte et plus juste. Car si nous voulons transformer nos modes de production et de consommation, nous devons changer de nombreux paramètres de notre modèle économique actuel. L’économie circulaire permet cela car comme son nom l’indique, elle relie l’ensemble des acteurs. Avantage : chaque mouvement de l’un a une incidence sur son voisin.
La preuve par l’exemple
Depuis 2015, l’obsolescence programmée est caractérisée comme délit de tromperie. Aujourd’hui, nous devons aller encore plus loin : réparer plus pour jeter moins. Créer les conditions nécessaires au développement de la réparation est une attente forte des Français. Nous allons donc mettre en place un indice de réparabilité et rendre transparents les facteurs ayant permis d’établir cet indice. Chaque citoyen doit avoir la liberté de consommer durable, c’est-à-dire de connaître les matières utilisées et la durée de vie de l’objet qu’il convoite.
C’est également pour répondre à cette exigence que le projet de loi propose de penser la fin de vie d’un produit dès sa conception. Il n’est pas tant question de consacrer des moyens au traitement et au recyclage que de conceptualiser dès l’amont ce que deviendra – in fine - un objet. Pour cela l’éco-conception, qui consiste à incorporer des matières recyclées ou facilement recyclables dans un produit au moment de sa conception, doit devenir la norme. Pour que l’effet soit réel, nous proposons un système de bonus/malus infra filière valorisant les produits les plus vertueux tout en nous permettant de lutter contre le suremballage. Cette lutte que les Français appellent de leurs vœux exige des moyens concrets : demain avec ce système, un produit commercialisé sous plastique coutera plus cher à concevoir que ce même produit commercialisé en vrac par exemple.
Grâce à un soutien financier des éco-organismes, nous allons assurer le développement de la filière des réparateurs. L’effet d’entraînement permettra un maillage territorial plus dense, un recours à leurs services accru par le retour du réflexe de réparation et, localement, la création de nouveaux emplois de service.
Nous allons ainsi faire remonter la responsabilité de la fin de vie des objets de l’aval vers l’amont – autrement dit du contribuable vers le producteur. Cela exige que nous réformions la gouvernance des filières pollueurs-payeurs (REP) pour instituer transparence et contrôle dans leur fonctionnement. Mais, également, que nous élargissions leurs missions pour intégrer des objectifs chiffrés de réemploi, de réutilisation, et de réparation. Et nous ne nous arrêtons pas là, les filières vont être étendues à de nouveaux produits. Pourquoi mon pot de peinture pourrait être recyclé et non mon vélo ? Pourquoi mes piles devraient être collectées et non ma binette de jardinage ? Pourquoi jeter des jouets qui peuvent encore servir ? Qui s’en satisferait alors que tous ces changements sont à notre portée ? Alors que les mettre en œuvre permettraient aux collectivités de faire près de 500 millions d’euros d’économie sur leur budget alloué à la gestion des déchets.
Aujourd’hui, la fin de vie de nombre de produits n’est pas pensée (ce qui revient à les jeter dans un trou, précisément au moment où nos décharges débordent) et le coût de leur gestion laissé à la charge des collectivités.
La fin des dépôts sauvages, notamment les 200 millions de bouteilles en plastiques que l’on retrouve chaque année dans la nature, dépend également de notre capacité à innover. La consigne mixte pour réemploi et recyclage sert également cet objectif de 100 % de plastique recyclé d’ici 2025. Mixte, car le recyclage du plastique nous permettra de financer le maillage territorial de machines pour réemploi. C’est un système complet de transformation que nous voulons mettre en place, l’un ne peut donc aller sans l’autre. Et ce dispositif ne portera ses fruits que s’il s’inscrit dans la démarche globale de ce projet de loi, répondant à un grand principe : rien ne doit se perdre, car nous pouvons tout transformer.
Vous l’aurez compris, le projet de loi Anti-gaspillage pour une économie circulaire peut nous permettre d’atteindre un objectif plus global : réconcilier l’écologie avec un modèle de croissance durable et raisonnable. Le faire, s’engager ensemble sur ce chemin, c’est assurer notre indépendance en ressource et renforcer notre souveraineté. C’est aussi, dans nos territoires, ouvrir la voie à près de 300 000 emplois non-délocalisables.
Le défi est culturel, mais nos entreprises sont prêtes à migrer vers ce nouveau modèle économique. Le défi est technologique, mais notre pays héberge des scientifiques de talents. Le défi est enfin, politique. A nous, donc ministres et élus de montrer la voie et d’oser, pour installer enfin dans tous les territoires de France, une économie circulaire. ■