La télémédecine constitue un mode d’intervention encore relativement nouveau pour les patients comme pour les médecins. Pour pouvoir proposer des téléconsultations, les médecins doivent faire évoluer leur mode d’organisation et de travail, éventuellement s’équiper de nouveaux outils pour leur permettre d’échanger avec leurs patients, et ces derniers doivent eux aussi s’approprier cette nouvelle modalité de consultation. Il est donc logique qu’il y ait dans le déploiement de la téléconsultation un temps d’appropriation, une phase d’apprentissage de la part des médecins ainsi que des patients.
Pour ce qui est des situations cliniques, la doctrine, précisée par la Haute Autorité de Santé, est de considérer que le médecin est seul juge pour apprécier si la situation du patient se prête ou non à une téléconsultation, et s’il peut ainsi engager sa responsabilité médicale sans requérir un examen clinique en présentiel. Le médecin peut estimer que la téléconsultation n’est pas adaptée à la situation clinique du patient, par exemple s’il considère qu’un examen physique direct du patient est indispensable, ou s’il s’agit d’une consultation d’annonce d’un mauvais pronostic. De même, les données médicales et les informations administratives nécessaires à la réalisation de l’acte doivent être accessibles au professionnel médical. Si l’organisation le permet, le patient pourra être accompagné par un professionnel de santé ou un proche, notamment s’il consulte depuis un établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes.
Depuis le 15 septembre 2018, les médecins peuvent facturer à l’Assurance Maladie les actes de téléconsultation, dès lors qu’ils sont réalisés selon les modalités définies conjointement entre les partenaires conventionnels dans le cadre du 6ème avenant à la convention médicale de 2016 organisant les rapports entre les médecins libéraux et l’Assurance Maladie. Un an après son remboursement par l’Assurance Maladie, la téléconsultation s’installe progressivement comme une nouvelle modalité de prise en charge des patients. En effet, on dénombre plus de 60 000 téléconsultations facturées en un an sur l’ensemble du territoire. S’il était anticipé qu’un temps serait nécessaire à l’appropriation de ce mode d’intervention novateur, on peut être confiant sur le fait que la montée en charge va aller en s’accélérant au regard de la dynamique enclenchée.
On observe que le nombre de téléconsultations facturées chaque mois est en constante augmentation depuis la mise en place du remboursement. Depuis l’automne 2019, le nombre de téléconsultations se situe autour de 4 000 par semaine.
85 % des téléconsultations sont facturées par des médecins libéraux, majoritairement des médecins généralistes, et 8 % par des centres de santé. Depuis l’entrée en vigueur du remboursement, 1 647 médecins libéraux ou structures ont facturé des téléconsultations. Les médecins « téléconsultants » sont globalement plus jeunes que la moyenne de la profession, la moitié ayant moins de 50 ans (contre 37 % de l’ensemble des généralistes libéraux).
Environ 30 000 patients ont bénéficié en France d’une téléconsultation depuis le lancement en septembre 2018. On remarque que deux téléconsultations sur trois ont été réalisées auprès d’une femme (64 %). S’agissant de l’âge des patients, un tiers de ceux ayant bénéficié d’une téléconsultation a moins de 30 ans et 56 % moins de 40 ans ; 12 % des téléconsultations concernent cependant des patients de 70 ans et plus. On observe que les patients en affection de longue durée (ALD) y recourent aussi avec 27 % des téléconsultations facturées à cette catégorie de patients.
Autre constat, le recours à la téléconsultation est inégal selon les territoires, l’Ile-de-France représentant à elle seule 44 % des actes (15 % à Paris, 8 % dans le Val-de-Marne, 6 % dans les Yvelines comme dans les Hauts-de-Seine).
La dynamique observée devrait s’amplifier, notamment grâce aux textes conventionnels récemment conclus qui visent à favoriser la participation d’autres professions de santé à la réalisation de ces consultations. L’avenant 6 signé avec les infirmiers libéraux permettra, dès janvier 2020, de valoriser leur intervention auprès d’un patient pour l’accompagner dans la réalisation d’une téléconsultation avec un médecin. L’avenant 2 avec les centres de santé a permis d’inclure dans la rémunération forfaitaire spécifique des centres de santé une aide à l’équipement pour la réalisation d’actes de télémédecine.
Grâce à la signature de l’avenant 15, les pharmaciens peuvent également aider le patient à réaliser une téléconsultation au sein de leur officine grâce à des cabines individualisées mises à disposition du patient. Il faut aussi compter sur le déploiement des organisations territoriales de proximité (maisons et centres de santé, équipes de soins primaires et communautés professionnelles territoriales de santé) qui peuvent proposer le recours à des actes de téléconsultations pour certains patients rencontrant des difficultés d’accès aux soins, sans médecin traitant ou dont le médecin traitant n’est pas disponible dans un délai compatible avec leur état de santé. La téléconsultation constitue ainsi l’une des réponses possibles à l’amélioration de l’accès aux soins sur tout le territoire.
Les partenaires conventionnels, en lien avec les associations de patients, se sont attachés à ce que le cadre de la télémédecine s’inscrive dans une prise en charge de qualité qui passe par le respect du parcours de soins coordonné. Les dispositions visent à ce que la téléconsultation devienne une nouvelle manière de faire au quotidien pour tous les médecins, pour tous les patients et sur tout le territoire. Elles n’imposent aucune condition technique a priori, en dehors de la nécessaire sécurisation des échanges et du respect de la confidentialité des données médicales. Par contre, il est exigé que le patient soit préalablement connu du médecin qui va réaliser la téléconsultation.
Pour favoriser la qualité de la prise en charge, il n’est en effet pas souhaitable de rembourser des téléconsultations qui sont faites dans des conditions qui ne permettent pas une prise en charge satisfaisante. C’est le cas quand un médecin, salarié d’une plateforme téléphonique ne sera jamais en capacité de recevoir en présentiel le patient ni de s’inscrire dans une relation de confiance et de prise en charge de long terme.
De nouvelles négociations vont prochainement s’ouvrir avec les syndicats de médecins pour tirer un premier bilan de cette première année. Elles permettront de revoir certaines règles pour favoriser la poursuite du déploiement de la télémédecine dans un cadre protecteur des intérêts des patients et des professionnels de santé. ■