Offensés
“Moi, je ne dis pas Pétain, mais putain !”, « Général rebelle, bradeur de l’Empire, paranoïaque à délire intermittent », « Casse-toi pov’con ! » : ces apostrophes au chef de l’État furent poursuivies par le parquet pour délit d’offense et leurs auteurs, condamnés par les juridictions pénales. De 1875 à 2013, date de sa suppression, le délit d’offense a protégé le chef de l’État en exercice. Souvent présenté comme un délit d’opinion, considéré depuis les années 1970 comme anachronique et illibéral, il fut un véritable sismographe des affrontements politiques de notre pays. L’ouvrage d’Olivier Beaud révèle des épisodes méconnus ou oubliés de la vie politique française. Fondé sur l’étude des procès et sur des archives politiques et judiciaires inédites, il apporte un éclairage original sur les relations entre le pouvoir exécutif et la justice. Olivier Beaud a remporté le Prix du livre juridique 2019. ■
La République injuriée - Histoire des offenses au chef de l’État de la IIIème à la Vème République - Olivier Beaud – PUF - 684 pages
Dynastie
Dans la famille Debré, je demande... Dans « Une histoire de famille », Jean-Louis Debré, ancien ministre, ancien président de l’Assemblée, ancien président du Conseil constitutionnel, aujourd’hui romancier et écrivain retrace l’histoire de sa famille, de ses origines, de sa filiation. Après une minutieuse et enrichissante enquête familiale, Jean-Louis Debré partage dans ce livre le fruit de son travail. L’auteur exhume la trajectoire de sa lignée à travers cinq générations : celles d’Anselme, de Jacques, de Simon, de Robert et de Michel. Autant de personnes, de parcours, « un esprit de famille » qui ont forgé ce qu’il est devenu. ■
Une histoire de famille – Jean-Louis Debré – Robert Laffont - 263 pages
La dernière impératrice
Après « Un jardin pour Eugénie », livre préfacé par S.A.S le prince Albert II de Monaco, l’historien Etienne Chilot consacre un second volume de ce diptyque mémoriel à l’exil en Angleterre des derniers souverains français, l’empereur Napoléon III, l’impératrice Eugénie et leur fils unique Louis, accueillis par la Reine Victoria au lendemain de la défaite de 1870. Cet exil prendra fin un demi-siècle plus tard avec la mort de l’impératrice en 1920. Le livre richement illustré et documenté nous relate cette « tranche de vie » impériale extraordinaire. Après la mort de Napoléon III en 1873 et du prince impérial en 1879 – seul Bonaparte à avoir été tué au combat, (ici contre les Zoulous, en Afrique du Sud et sous l’uniforme anglais), Eugénie tout en assumant pleinement et avec dignité son rôle de gardienne de la mémoire napoléonienne n’entend pas être simple figurante dans ce monde en plein bouleversement. L’impératrice voyage énormément, fréquente les têtes couronnées, et entre avec curiosité dans le XXème siècle. Un très beau livre empreint de nostalgie mais pas seulement. A lire absolument en cette année du centenaire de la mort de l’impératrice. ■
Dans l’ombre d’Eugénie - La dernière impératrice en exil - Étienne Chilot - Le Charmoiset - 224 pages
Disparus
Connaissez-vous la Carélie de l’Est, le royaume des Deux-Siciles, le Biafra, l’État libre d’Orange… ? Aux XIXème et XXème siècles, de nombreux États ont vu le jour, mais d’autres ont proprement disparu. Qu’ils aient subsisté des dizaines d’années ou quelques semaines, les 50 pays présentés ici ont en commun une histoire surprenante : celle de ne plus exister. Bjørn Berge nous plonge dans le récit vivant de la destinée funeste de ces États, mêlant la petite histoire à la grande avec talent grâce à des anecdotes… et une étonnante collection de timbres émis par tous ces pays, témoignages de leur existence, même brève, aux yeux du monde. ■
Atlas des pays qui n’existent plus - 50 États que l’histoire a rayés de la carte. Traduction (Norvégien) : Jean-Baptiste Coursaud, Sophie Jouffreau - Bjørn Berge – Editions autrement – 240 pages
Inconstante
Qui est Louise de Vilmorin ? La biographie de Geneviève Haroche-Bouzinac répond à cette question qui est tout sauf simple, tant le personnage est complexe et multiple. A la fois romancière, scénariste, dessinatrice de mode, « égérie bohème » des artistes de l’après-guerre comme la surnomme sa biographe, Louise de Vilmorin s’est toujours amusée à brouiller les pistes, accentuer ses contradictions dans le but de construire sa légende. Ce qu’a d’ailleurs parfaitement réussi, celle qui répétait à l’envi : « inconstante, je suis fidèle... ». Pour autant, la romancière qui a eu comme amants célèbres Antoine de Saint-Exupéry et André Malraux qui a connu deux mariages ne fut pas forcément une femme heureuse. Sa biographe nous permet de connaître qui elle était maintenant, en allant au-delà de l’apparence, grâce notamment à de nombreuses lettres redécouvertes mais aussi en lisant entre les lignes les discrets indices laissés dans ses romans et poèmes. Un très beau portrait. ■
Louise de Vilmorin – Une vie de bohème – Geneviève Haroche-Bouzinac – Flammarion - 520 pages
Dossard 1071
Un verre ça va, trois verres bonjour les dégâts. Jacky Schwartzmann se souviendra longtemps d’une soirée créole au cours de laquelle, bravache, il décide de courir un marathon. Mais pas n’importe lequel : celui de Pyongyang, en Corée du Nord. Un choix qu’il assumera jusqu’à la ligne d’arrivée. Après un entraînement strict, une inscription complexe et les remarques amusées ou hostiles de son entourage, le coureur du dimanche et auteur de romans noirs nous relate avec réalisme mais non sans humour son périple dans le pays le plus fermé au monde. Curieux, Jacky Schwartzmann se demande aussi ce qui pousse autant d’étrangers à participer à cet événement incroyable et ce que lui-même est venu chercher dans le pays ermite. Réponse après 42 kilomètres. ■
Pyongyang 1071 - Jacky Schwartzmann - Editions Paulsen – 192 pages
Les gens d’ici
Le sujet est sensible après un an de crise de gilets jaunes. Le sociologue (Inra) Benoît Coquard a choisi de s’intéresser « à ceux qui restent » dans ces campagnes en déclin (ici dans le Grand Est) dont on nous parle souvent mais sans vraiment les connaître et surtout sans réellement connaître leurs habitants. L’auteur lui-même issu d’un de ces territoires oubliés a voulu savoir comment l’on vit dans ces campagnes dont on parle curieusement beaucoup depuis la crise des gilets jaunes. A rebours des idées (clichés) qui ont cours dans les métropoles urbaines sur cette fraction du monde rural d’aujourd’hui, l’auteur tend à démontrer comment, malgré la lente disparition des services publics, des usines, des associations et des cafés, malgré le chômage qui sévit, « des consciences collectives persistent, mais sous des formes fragilisées et conflictuelles ». Son enquête en restitue la complexité, dont résignation et solidarité ne sont pas les seuls tenants. ■
Ceux qui restent – Faire sa vie dans les campagnes en déclin – Benoît Coquard – La Découverte – 214 pages
Fantômes
Emane de cet album quelque chose d’étrange. On hésite entre de la nostalgie, du romantisme et une certaine curiosité. Sans doute un peu des trois. En feuilletant le livre, on laisse nos yeux et notre esprit vagabonder. Avec l’auteur, historien d’art, on pénètre dans des mondes oubliés où le temps s’est arrêté. Dans tous les pays, des lieux abandonnés, désertés résonnent encore d’une vie qui semble surgir à chaque page. Etrange vous dis-je. Châteaux, orphelinats, parcs d’attractions, usines, gares... ce patrimoine insolite est fascinant. ■
Atlas des mondes fantômes – Arnaud Goumand – Belles Balades éditions – 256 pages