Les chiffres parlent d’eux-mêmes : première puissance agricole et agro-alimentaire européenne, elle représente 18 % de la production européenne agricole, devant l’Italie et l’Espagne, et 52 % du territoire sont composés de surfaces agricoles. De ces atouts, notre pays en retire un très grand bénéfice : en 2017, l’agroalimentaire représentait le 3ème excédent commercial pour 5,6 milliards d’euros.
La mondialisation et sa pression sur les prix, l’impact des progrès et nouvelles technologies sur nos industries et nos PME, trop souvent en retard d’investissement, les attentes et exigences croissantes et légitimes des consommateurs viennent interroger la capacité de nos entreprises et des branches agricoles et agroalimentaires à maintenir nos filières d’excellence.
Ainsi, malgré les chiffres éloquents, un sentiment de lente érosion a émergé ces dernières années : tandis qu’en 2000, la France était le 3ème pays exportateur de produits agricoles et agroalimentaires, elle est progressivement tombée à la 6ème position, derrière l’Allemagne, le Brésil et la Chine.
Ces chiffres se sont parfois traduits des conséquences lourdes pour nos territoires et pour les Français : fermetures d’usines, précarité grandissante de nos agriculteurs, soumis au diktat du prix, déséquilibre croissant dans les relations entre les producteurs et les distributeurs.
Des mesures ambitieuses en faveur de la baisse du coût du travail, de la fiscalité agricole et la compétitivité de nos entreprises votées dans le cadre des lois de finances et de financement de la Sécurité sociale, ainsi que dans les lois EGALIM et PACTE ont contribué à consolider les secteurs agricoles et agroalimentaires. Beaucoup a été fait tant sur le plan de l’attractivité que sur les projections d’investissements, et les résultats industriels de la France en témoignent.
Lorsque le 25 avril 2019, le Président de la République à l’issue du grand débat national affirmait : « On a besoin de bâtir un pacte productif permettant de viser en 2025 le plein emploi », l’agriculture et l’agroalimentaire tenaient une place de choix aux côtés de l’énergie, de l’innovation, de l’industrie et du numérique. Un secteur de force et d’avenir pour la France.
Réconcilier les atouts de notre agriculture et une ambition forte pour viser le plein emploi, bâtir un agenda collectif des transitions économiques, sociales, environnementales auxquelles nous sommes confrontés et accompagner nos secteurs compétitifs dans celles-ci. Voilà le mandat qui m’a été donné par le Ministre de l’Agriculture et de l’Alimentation, aux côtés du sénateur Marc Daunis et de représentants du secteur de l’agriculture et de l’agroalimentaire.
Cela passe notamment par une plus forte attractivité des métiers, une adaptation des processus de production et une mutualisation des efforts des entreprises pour répondre aux besoins de recrutement tout en préparant le temps long et l’anticipation des besoins en compétences de demain.
Dans la Drôme, et au gré de mes rencontres sur le terrain, dans les réunions publiques, visites de sites ou d’exploitation, un constat récurrent m’a frappée : les employeurs agricoles et agroalimentaires peinent à recruter et à conserver leur main-d’œuvre. En 2018, au plan national, 11 % d’offres n’étaient pas pourvues et 21 000 offres d’emploi ne trouvaient pas de preneurs dans l’industrie agroalimentaire. Sans compter le difficile renouvellement des générations dans les filières agricoles.
C’est par l’apprentissage avant tout, grâce à la loi « liberté de choisir son avenir professionnel » de 2019 et au Plan d’investissement dans les compétences, que les ressources en termes de formation et d’apprentissage sont mobilisables. Ces leviers portent d’ores-et-déjà leurs fruits : en 2019, on notait une augmentation de 16 % du nombre d’apprentis.
Le Pacte productif doit permettre d’aller encore plus loin en organisant une gestion territorialisée des compétences avec tous les acteurs concernés et en premier lieu les collectivités territoriales, pour rendre attractives des offres intégrées incluant logement et transport, accessibilité et emploi des conjoints. Nos pistes de travail nous ont ainsi conduits à mieux penser tous ces « à-côtés » qui feront qu’un salarié reste dans une entreprise. Dépasser le stade du recrutement c’est aussi se donner les moyens de conserver les salariés : par la revalorisation salariale, l’intéressement, la formation et les perspectives d’évolution de carrière.
De ces constats découle la nécessaire territorialisation de nos orientations : les pactes régionaux conclus avec les Régions dans le cadre du Plan d’investissement dans les compétences (52 % des financements) ont été pensés dans cette logique, mais connaissent à ce jour un succès encore mitigé dans les secteurs agricoles et agroalimentaires. Cette vision territorialisée entre pourtant en adéquation avec les métiers de la filière agri-agro, qui subit à la fois des fortes tensions de recrutement et des évolutions importantes face aux transitions écologiques et numériques.
Ces différentes pistes servent un objectif incontournable : celui de l’export, qui permettra à nos entreprises de prospérer et de pérenniser les créations d’emplois, ce dont la France a besoin afin pour conforter des chiffres du chômage encourageants en 2019 (le taux de chômage s’établit à 8,1 % de la population active, soit 0,7 point de moins qu’en 2018).
La promotion à l’international de nos entreprises, autour d’une marque « France » lisible, connue et incarnant l’excellence et les savoir-faire français, est un levier de croissance et un prolongement de la politique de compétitivité. Nos entreprises doivent s’organiser dans une logique où les succès et réseaux des unes servent les intérêts des autres, et qu’ensemble elles profitent des dynamiques créées. Des entreprises mieux organisées, soutenues et appuyées par la puissance publique. Pour reprendre la maxime : seules, elles iront loin, ensemble, elles seront plus fortes.
Le lancement, annoncé à Dubaï et officialisé au Salon international de l’Agriculture du label « Taste France » qui doit emmener à l’international les entreprises de l’agroalimentaire, s’inscrit exactement dans cette logique.
En voulant garantir une vision d’avenir, le Pacte productif identifie la nécessité de conjuguer ces objectifs avec les défis de la transition énergétique et écologique et nos objectifs environnementaux. En effet, l’agriculture représentait 19 % des 457 millions de tonnes d’équivalent de CO2 de la France en 2018 – tout en étant classée 1ère au palmarès de l’indice de durabilité alimentaire depuis 3 années consécutives.
En outre, les phénomènes récents d’« agri-bashing » et les exigences de plus en plus fortes des consommateurs pour une agriculture raisonnée, raisonnable et traçable, renforcent ce besoin de ne plus penser l’export comme des échanges internationaux sans limites. La France a tous les atouts pour y parvenir, tant par la recherche que par le savoir-faire de nos paysans. Notre commerce international doit être renforcé à la lumière de ces exigences de premier rang.
Nous avons une agriculture de qualité, et des produits d’exception ainsi que des exigences en matières de traçabilité et d’information sur l’origine des produits, des normes de durabilité d’un niveau inégalé par rapport à nos voisins.
C’est dans la promotion de cette excellence, basée sur la valorisation de nos compétences et de nos savoir-faire territoriaux que nous réussirons le pari du Pacte productif 2025. ■