Voilà un PLFSS « de réponse à la crise, mais résolument tourné vers l’avenir » a indiqué le ministre des Solidarités et de la Santé Olivier Véran en présentant le 29 septembre dernier lors d’une conférence de presse, les grands équilibres et les principales mesures du projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2021. Soucieux, le ministre a aussi tenu à rappeler combien ce texte est à bien des égards « singulier », « tant au vu de la crise sanitaire et de son impact sur les finances sociales qu’en raison des transformations structurelles qu’il porte ».
Un contexte particulier et des chiffres inquiétants aussi. Les comptes de la Sécurité sociale plongent. Pour l’année 2020, le déficit des quatre branches (santé, retraite, famille, accidents du travail) devrait avoisiner les 44,4 milliards d’euros ! Rien là de bien rassurant. « La situation de nos comptes sociaux ne me satisfait pas » a reconnu Olivier Véran qui s’est du même coup présenté comme « le ministre de l’équilibre des comptes de la Sécurité sociale ».
L’Assurance maladie est la branche la plus durement touchée par la crise avec un solde négatif de 29,8 milliards d’euros. Avec la Covid, l’Assurance maladie a été notamment contrainte d’engager 15 milliards d’euros de dépenses exceptionnelles pour l’achat de masques, de tests, de respirateurs, d’équipements de protection des soignants... Mais la note va encore s’alourdir avec les primes et heures supplémentaires majorées des personnels soignants, les revalorisations de salaires telles qu’annoncées dans le Plan Ségur (voir plus bas). En 2020, les dépenses de santé augmenteront de 7,6 % et encore de 3,5 % en 2021. Pour 2021, le déficit de la branche assurance maladie s’établirait à 16,4 milliards ! Pour autant, ces dépenses sont assumées et répondent à la promesse du Chef de l’Etat du 12 mars dernier de mobiliser « tous les moyens financiers nécessaires pour porter assistance, pour prendre en charge les malades, pour sauver des vies. Quoi qu’il en coûte ».
Même trajectoire pour l’Assurance retraite qui devrait subir un déficit de 7,9 milliards d’euros pour 2020 et de 8 milliards pour 2021.
Consolider et moderniser notre système de protection sociale
La branche famille va connaître une perte de 3,3 milliards d’euros, alors même qu’elle était excédentaire ces dernières années. Cette branche va devoir tenir compte – la mesure annoncée par le Chef de l’Etat entrera en vigueur en juillet prochain, de l’allongement du congé paternité qui passe de 14 à 28 jours (voir plus bas). Toutefois, en dépit de cette nouvelle mesure, le gouvernement estime que la branche famille devrait revenir à l’équilibre en 2021 avec un excédent attendu à 0,9 milliard l’an prochain.
Enfin, la branche accidents du travail sera en déficit de 0,3 milliard en 2020 mais avec un très léger excédent annoncé en 2021 (+0,5 milliard).
Face au défi de la crise sanitaire et à l’impérieuse nécessité de consolider et moderniser notre système de protection sociale, le gouvernement a donc présenté un PLFFS en conséquence. Avec plusieurs priorités dont le premier engagement, est celui du Ségur de la Santé qui trouvera dès cette année son inscription dans la loi, « avec des revalorisations salariales historiques qui rendront aux métiers concernés leur dignité et leur attractivité » indique le ministre. Ce sont ainsi quelques 8,2 milliards d’euros qui seront dédiés à celles et ceux qui « font notre système de santé » : 7,6 milliards d’euros pour les personnels paramédicaux dans les établissements de santé et dans les EHPAD publics et privés, 450 millions d’euros pour le personnel médical à l’hôpital public et 200 millions d’euros pour les étudiants et internes en santé.
Ce PLFSS prévoit également un « Plan massif d’investissement contribuant au plan de relance en faveur des établissements de santé et médico-sociaux » de 19 Mde. Il s’agit avec cette enveloppe « de redonner aux établissements de santé et médico-sociaux les marges financières nécessaires à l’investissement, notamment du quotidien et pour améliorer les conditions de travail ».
Il a également été acté la poursuite de développement de la télémédecine avec le maintien pour deux ans encore de la prise en charge intégrale des actes de téléconsultation pour l’ensemble des assurés. Ceci devrait permettre de faciliter le recours à la télémédecine, notamment dans les zones sous-denses où l’accès aux soins peut être d’autant plus difficile que les médecins sont peu nombreux. « Cette prolongation permettra aussi aux professionnels de santé de s’équiper des outils nécessaires à la facturation et au paiement à distance des téléconsultations, afin d’accompagner la montée en charge des téléconsultations » ajoute le Ministère.
Dans le cadre de la poursuite de la réforme de la tarification hospitalière, le texte de loi propose notamment de créer une participation forfaitaire pour les patients en cas de passage aux urgences non suivi d’hospitalisation, en lieu et place du ticket modérateur proportionnel actuellement exigible. « La mise en place d’un tel forfait permettra, pour le patient, de limiter les situations de reste à charge très élevé et d’améliorer la lisibilité des coûts de prise en charge et, pour les établissements, de simplifier la facturation et d’améliorer le recouvrement ». Cette participation nommée Forfait Patient Urgences (FPU) de 18 € serait due par tous les assurés pour chaque passage aux urgences non suivi d’une hospitalisation. Les patients bénéficiant par ailleurs d’un régime d’exonération de ticket modérateur se verront appliquer un montant minoré. Mais c’est bien la question du financement qui pose souci. « Le PLFSS ne prévoit qu’un redéploiement de recettes préexistantes » note le député LR Jean-Carles Grenier. Entre la taxation des héritages, une augmentation de la CSG des retraités, ou une diminution de l’abattement fiscal des retraités, le gouvernement n’a d’ailleurs pas tranché.
Création d’une 5ème branche de la Sécurité sociale
L’autre grand chantier et annonce de ce PLFSS 2021 est bien évidement la création d’une 5ème branche de la Sécurité sociale au sein du régime général pour le soutien à l’autonomie, une réforme « attendue de longue date ». Gérée par la CNSA, elle devrait disposer d’un financement autonome et solidaire. « Bénéficiant de recettes qui lui sont propres, la politique de l’autonomie fera désormais l’objet d’une discussion annuelle dans le cadre de l’examen des lois de financement de la Sécurité sociale » s’est félicité le ministre. On trouvera d’abord dans ce PLFSS la définition du périmètre de la branche pour sa première année (2021), à savoir l’ensemble des dépenses actuelles de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA), ainsi que l’allocation d’éducation de l’enfant handicapé (AEEH), jusqu’à présent versée par la branche Famille de la Sécurité sociale. Mais ce périmètre n’est que « provisoire », « il a vocation à évoluer en fonction des concertations à venir ». Le texte de loi prévoit ensuite son financement « autonome par des recettes propres ». Est aussi prévu un renforcement de l’information du Parlement « par l’introduction d’une nouvelle annexe au PLFSS consacrée aux dépenses de la branche autonomie et à l’effort de la nation en faveur du soutien à l’autonomie ». « C’est sur la base de ces nouvelles fondations que le projet de loi sur le grand âge et l’autonomie, qui sera présenté dans les mois à venir, viendra fixer les contours de l’ambition nationale pour la politique du grand âge » ajoute, satisfait, Olivier Véran.
« Ce qui est mis en place avec cette 5ème branche, c’est un 5ème trou » a pour sa part tranché Bruno Retailleau, le « patron » des sénateurs LR interrogé sur le sujet par l’Association des Journalistes Parlementaires (La Revue parlementaire est adhérente), le 14 octobre dernier.
On trouve aussi dans ce PLFSS un certain nombre de décisions prises en faveur du secteur de l’autonomie, pour un montant total de près de 2,5 Mde, dont 1,4 Mde au titre des revalorisations salariales dans les EHPAD.
Reprise de la dette sociale
Le congé paternité passera de 14 jours aujourd’hui à 28 jours, à partir du 1er juillet 2021 - Une semaine de ce congé sera rendue obligatoire (celle qui suit la naissance). Cette promesse fait suite au rapport de la Commission des « 1000 premiers jours » présidée par Boris Cyrulnik et rendu en septembre. Pour Olivier Véran, présentant la mesure, « cette avancée sociale majeure fera de la France, un pays en pointe dans le soin porté à l’enfant dans les premiers âges de la vie, tout en répondant à une aspiration forte des parents ». « Ce congé contribue également à l’égalité entre les hommes et les femmes, en incitant à un rééquilibrage des tâches domestiques et surtout parentales et en réduisant les inégalités de carrières professionnelles entre les femmes et les hommes » ajoute le ministre. Le coût de cette mesure est estimé à 520 Me par an, 260 Me la première année compte tenu de la date d’entrée en vigueur.
« La situation des finances sociales est dégradée comme elle l’a rarement été » a enchaîné Olivier Dussopt, le ministre délégué auprès du ministre de l’Économie, des Finances et de la Relance, chargé des Comptes publics lors de la conférence de presse qui a voulu rappeler et présenter quelques mesures. Si le retour à l’équilibre du Régime général et du Fonds de solidarité était attendu à l’horizon 2023-2024, la crise sanitaire a mis ce bel objectif à terre, avec un déficit en 2020 estimé à 44 milliards d’euros puis 27 milliards en 2021. Pour de nombreuses années encore le déficit des comptes de la Sécurité sociale risque donc d’être élevé, au-dessus des 20 milliards. Aussi, explique le dossier de presse du ministère « afin d’isoler les anciens déficits et ceux générés à court terme par la crise sanitaire, le gouvernement a proposé une loi organique au Parlement, qui l’a adoptée, qui permet le transfert progressif de dettes à hauteur de 136 milliards d’euros vers la CADES, qui nécessite sa prolongation jusqu’en 2033. De fait, les Français vont devoir payer la CRDS pendant 10 ans supplémentaires ». Par ailleurs, la reprise de la dette sociale est prévue et organisée à hauteur de 136 Mde, soit 31 Mde au titre des déficits passés, 13 Mde de reprise de dette hospitalière et 92 Mde au titre des déficits prévisionnels 2020-2023. S’il est déjà prévu de transférer 20 Mde de dette de l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS) vers la CADES en 2020, « les transferts se poursuivront en 2021 et les années suivantes » précise le gouvernement. L’amortissement de la dette sociale a vocation à s’inscrire dans une trajectoire de retour à l’équilibre des comptes sociaux.
« Nous avons pris nos responsabilités à chaque instant depuis le début de cette crise, mais prendre ses responsabilités c’est aussi préparer l’avenir sereinement en ne repoussant pas sur les générations futures les déséquilibres d’aujourd’hui » a conclu Olivier Véran. Le ministre a insisté sur ce retour à l’équilibre qui « implique des choix de long terme qui ne peuvent se faire sans concertations, lesquelles prendront du temps. L’objectif : « aboutir sur de nouvelles règles et de nouveaux financements » pour notre système social ». ■