L’exercice est difficile : parler d’avenir alors même que le présent est compliqué pour les populations européennes confrontées à la pandémie. Consciente des enjeux, la présidente de la Commission européenne, l’Allemande Ursula von der Leyen a choisi d’en appeler d’abord à la solidarité européenne en demandant à ’ensemble des pays de l’Union européenne d’agir collectivement. « Unis, nous serons plus forts » aurait pu être le slogan du jour. Ursula von der Leyen a aussi demandé à ses partenaires européens de se retrousser les manches : « Il est désormais temps de nous mettre au travail » a-t-elle lancé avant de dresser une liste non exhaustive de ses futures ambitions, au premier rang desquelles on trouve « le renforcement des éléments constitutifs du Pacte vert pour l’Europe et une augmentation de ses ambitions » avec un objectif : « faire de l’Europe le premier continent climatiquement neutre d’ici à 2050 ».
Renforcer les éléments constitutifs du Pacte vert pour l’Europe
Sur cette base, la Commission européenne propose de porter l’objectif de réduction des émissions pour 2030 à au moins 55 % par rapport au niveau de 1990 – l’objectif est aujourd’hui de 40 %. Si « cette augmentation de 40 % à 55 % est trop importante pour certains et insuffisante pour d’autres explique Ursula von der Leyen, notre analyse d’impact montre clairement que notre économie et notre industrie peuvent y faire face » croit-elle pouvoir affirmer. Et d’ajouter que « La réalisation de ce nouvel objectif permettra de réduire notre dépendance à l’égard des importations d’énergie, de créer des millions d’emplois supplémentaires et de réduire de plus de moitié la pollution atmosphérique ». Avec cet objectif, « Il s’agit d’un plan pour une vraie reprise. C’est un plan d’investissement pour l’Europe » poursuit la présidente de la Commission européenne. Devant les députés européens, Ursula von der Leyen précise alors que le plan de relance européen post-covid – NextGenerationEU – adopté par les Etats membres en juillet dernier de 750 milliards d’euros sera financé à 30 % par des obligations vertes. « Nous sommes les leaders mondiaux de la finance verte et le plus grand émetteur d’obligations vertes dans le monde. Nous faisons œuvre de pionnier en élaborant une norme de l’UE solide en matière d’obligations vertes ». Elle fixe également comme objectif à NextGenerationEU « d’investir dans des projets européens phares ayant le plus grand impact : l’hydrogène, la rénovation et la création d’1 million de bornes de recharge électrique » mais aussi d’investir dans des bâtiments (40 % de nos émissions) « plus économes, moins coûteux et plus durables ».
Création d’un « cloud » européen
Le numérique est aussi à l’honneur dans le discours de la présidente. Qui interpelle les députés : « Imaginez-vous un instant vivre cette pandémie sans le numérique » avant de leur annoncer que « Nous devons faire de la décennie qui s’ouvre la « décennie numérique » de l’Europe » en se concentrant plus particulièrement sur les données avec la création d’un « cloud » européen, fondé sur Gaia X, la technologie et en particulier celle de l’intelligence artificielle, et l’infrastructure avec l’annonce d’un investissement de 8 milliards d’euros dans la prochaine génération de superordinateurs – une technologie de pointe « made in Europe ». « Nous avons besoin d’un plan commun pour l’Europe numérique, avec des objectifs clairement définis pour 2030, notamment en matière de connectivité, de compétences et de services publics numériques. Nous devons aussi nous doter de principes clairs : le droit au respect de la vie privée et à la connectivité, la liberté d’expression, la libre circulation des données et la cybersécurité » précise-t-elle.
« L’UE pour la Santé »
Alors que les pays européens ont souvent œuvré isolement contre la pandémie, la présidente de la Commission européenne appelle de ses vœux une « Union européenne de la Santé ». « Nous devons faire en sorte que notre nouveau programme ’’L’UE pour la Santé’’ résiste à l’épreuve du temps (...) Nous créerons une agence de recherche et de développement biomédicaux avancés au niveau européen, comme cela existe aux États-Unis » a-t-elle précisé. Dans la lutte contre la Covid-19, pour Ursula von der Leyen, le salut passe par le vaccin tout en mettant en garde contre « Le nationalisme vaccinal |qui] met des vies en danger » alors que « la coopération en matière de vaccins les sauve ». « Au début de la pandémie, il n’y avait pas de financement, pas de cadre mondial pour le développement d’un vaccin contre le coronavirus, juste une course pour être le premier à se le procurer » jusqu’à ce que l’Europe organise une réponse mondiale a t-elle tenu à rappeler. « Avec la société civile, le G20, l’OMS et d’autres partenaires, nous avons réuni plus de 40 pays pour lever 16 milliards d’euros pour financer la recherche sur des vaccins, des tests et des traitements pour le monde entier, démontrant ainsi le pouvoir mobilisateur inégalé de l’UE ».
Sur la question des relations internationales, la présidente de la Commission a tapé du poing sur la table affirmant solennellement que l’Union européenne était notamment du côté du peuple biélorusse, pointant du doigt l’ingérence russe. La Turquie n’a pas été épargnée : « Oui, la Turquie se situe dans une région qui connaît des troubles. Et oui, elle reçoit des millions de réfugiés, pour l’accueil desquels nous versons une aide financière considérable. Mais rien de tout cela ne justifie les tentatives d’intimidation de ses voisins ». « Nos États-membres, Chypre et la Grèce, pourront toujours compter sur une solidarité totale de l’Europe pour protéger leurs droits légitimes en matière de souveraineté ».
Brexit : Un accord ne peut être modifié unilatéralement
Quant au Brexit, faisant allusion aux intentions de Boris Johnson de revenir sur un certain nombre de points de l’accord signé en janvier entre l’UE et le Royaume-Uni, Ursula von der Leyen s’est montrée intransigeante rappelant que cet accord ne pouvait pas être modifié unilatéralement. « C’est une question de droit, de confiance et de bonne foi ».
« La migration constitue un défi européen et c’est l’ensemble de l’Europe qui doit faire sa part » a enchaîné Ursula von der Leyen appelant « tous les États-membres de l’UE » à « intensifier leurs efforts » sur la question migratoire. Dans son nouveau plan sur la migration, la Commission propose d’adopter « une approche axée sur l’humain et empreinte d’humanité » « Le sauvetage des vies humaines en mer n’est pas optionnel ». Ce plan prévoit également « un lien plus étroit entre l’asile et le retour ». « Nous devons établir une distinction claire entre les personnes qui ont le droit de rester et celles qui ne jouissent pas de ce droit ». Enfin, des mesures fortes seront prises « pour lutter contre les passeurs, pour renforcer les frontières extérieures, pour approfondir les partenariats extérieurs et pour créer des voies légales d’accès » assure-t-elle. Enfin, « nous veillerons à ce que les personnes qui ont le droit de rester soient intégrées et se sentent les bienvenues ».
Un plan d’action contre le racisme
La présidente de la Commission européenne a annoncé qu’« un plan d’action » contre le racisme et les « crimes de haine, qu’ils se fondent sur la race, la religion, le genre ou la sexualité » serait rapidement présenté. Dans le cadre de la défense des minorités, Ursula von der Leyen a indiqué que la Commission proposerait prochainement une stratégie visant à renforcer les droits des LGBTQI (personnes lesbiennes, gays, bisexuelles, trans, queers, intersexes) : « La Commission proposera bientôt. Je plaiderai en faveur de la reconnaissance mutuelle des relations familiales dans l’UE : si vous êtes parent dans un pays, vous êtes parent dans tous les pays ». ■
Ursula von der Leyen entend « faire de l’Europe le premier continent climatiquement neutre d’ici à 2050 »