Après le marché unique européen, place au marché numérique commun. C’est dans cette optique que la Commission européenne réunie à Bruxelles s’est penché sur le l’accessibilité du consommateur vers les produits et services du numérique. Pourtant trop d'obstacles gênent encore ces derniers ainsi que les entreprises désireux de profiter pleinement des opportunités offertes par l’Internet. Malgré tout, le consommateur européens n’a pas toujours pleinement confiance en la sécurité des transactions pouvant également rencontrer des limitations sur leurs moyens de paiement en ligne. La Commission a présenté ce mercredi son projet de marché unique du numérique.
Un vaste chantier, concernant des domaines aussi variés que le e-commerce, la protection des données ou la livraison des colis.
Doubler la part du commerce électronique
Par ailleurs, c’est le manque de transparence des paiements comme les livraisons souvent trop onéreuses qui sont pointés du doigt par la Commission. « Pour couronner le tout, on trouve encore trop de contenus et produits illégaux ou contrefaits et les consommateurs sont inquiets du respect de leurs droits, notamment lorsqu'un problème survient » indique l’institution européenne.
C'est pourquoi la Commission a adopté aujourd'hui la "Communication sur le commerce électronique et les services en ligne" qui vise à doubler la part du commerce électronique dans les ventes de détail actuellement de 3,4% et de la filière Internet dans le PIB européen, qui représente aujourd'hui moins de 3%, d'ici à 2015.
Dynamiser le marché numérique
Pour Andrus Ansip, Vice-président pour le marché unique numérique, le problème est avant tout économique, « Il faut se demander pourquoi nos start-up et les talents européens partent à l’étranger et pourquoi nous ne sommes pas capables de créer les conditions qui leur permettent de rester ». Dans la lignée de l'Acte pour le Marché unique et de la Stratégie numérique pour l'Europe, cette communication propose une série d'actions, pour dynamiser et compléter le marché numérique européen, qui pourraient créer à terme prés de 30 000 emplois nouveaux en Europe chaque année et représenter plus de 20% de la croissance et les créations nettes d'emploi dans certains Etats-Membres dont la France, l'Allemagne, le Royaume-Uni et la Suède. Deux études du groupe McKinsey publiées en mars et en mai 2011 viennent d’ailleurs confirmer ces estimations.
Elles proposent des initiatives telles que l'information des consommateurs et des marchands sur les droits et devoirs en ligne, un livre vert sur les paiements transfrontaliers, une initiative sur la procédure de traitement des informations illégales en ligne pour remédier à terme aux problèmes de paiement, de livraison, de règlement des litiges, de protection et d'information des consommateurs.
« La communication sur le commerce électronique et les services en ligne contribuera donc à un Internet plus sûr et respectueux des droits et libertés fondamentales ». C’est ce qu’entend faire prévaloir la Commission européenne dans cette lutte pour une meilleure visibilité et encadrement des pratiques numériques au sein de son espace économique, par l'intermédiaire d'initiatives visant à faciliter le traitement des contenus illégaux. C’est un vaste chantier qui est ici lancé et qui devrait durer pendant deux ans, dont l’enjeu n’est autre que la création d’un véritable marché unique du numérique. Un sujet ô combien sensible, tant les Etats membres défendent avec ardeur leurs propres intérêts. Des décisions aux lourdes conséquences pour les consommateurs européens. Car, le sujet qui repose sur trois piliers propose une large révision de la législation communautaire du droit d’auteur. Un sujet sur lequel s’est exprimée la ministre de la Culture Fleur Pellerin qui assure de "la mobilisation de nos partenaires européens à nos côtés montre bien qu'il ne s'agit pas d'une position chauvine" alors que cette réforme qui met vend debout les auteurs, notamment en France. Une situation qui a amené les sénateurs français à auditionner le 2 avril dernier, l’eurodéputée allemande Julia Reda, membre du parti Pirate, auteure d’un rapport controversé sur les pistes de réformes du droit d’auteur.
Ouvrir le marché du commerce numérique
Le commerce en ligne est également sur le tapis. Des infrastructures réseaux, jusqu’à la livraison de coli, la Commission européenne entend ouvrir réellement le marché du commerce en ligne. Et mettre fin au « blocage géographique ». Cette pratique fréquemment utilisée par les acteurs du e-commerce pour empêcher l’accès à un site de vente en ligne en fonction de la localisation du consommateur s’illustre pour l’utilisateur par la mention « Ce contenu n’est pas accessible dans votre pays ». Elle permet de mettre en place des tarifs différents en fonction d’un pays donné. Une pratique que l’Union européenne entend combattre. Le tout dans l’optique d’harmoniser les contrats de vente en ligne et les règles de protection des consommateurs dans l’optique de rééquilibrer le marché en s’attaquant de front aux pratiques anticoncurrentielles. Une enquête vient d’ailleurs d’être lancée sur le sujet.
La question des droits d’auteurs
Profiter de son catalogue de VOD (Vidéos à la demande) dans toute l’Europe. C’est l’un des points les plus sensibles du projet mais aussi une ambition pour Bruxelles. Longtemps, les ayants droit se sont levés contre la réforme du droit d’auteur. Ils craignaient alors la remise en cause du principe de territorialité, qui leur permet de commercialiser leurs droits pays par pays. Les commissaires ont souhaité « élargir l’accès en ligne aux oeuvres dans l’ensemble de l’Union européenne » comme l’indique Günther Oettinger, commissaire en charge de l’économie et de la société numérique.
Bruxelles aimerait concrètement que les usagers du Web européen puissent pouvoir profiter et bénéficier des films et musiques ou des séries achetées que d’une plateforme dédiée au sein de tous les pays membres. Il en va de même pour les abonnements à un bouquet de chaines télévisées, comme Canal+ par exemple, inaccessible depuis l’étranger. L’épineux dossier du numérique c’est avant tout la protection des données. Une question sur laquelle les Etats membres nourrissent de sérieuses divergences sur sa mise en place. D’un côté la France et l’Allemagne souhaiteraient que les géants du Net dont Facebook, Google, Amazon, Apple, etc, ne soient plus considérés comme de simples hébergeurs mais comme de véritables éditeurs les rendant responsables des contenus hébergés sur leurs sites. Tandis que l’Irlande et les Pays-Bas n’ont pas forcément intérêt à ce que la législation change. Ils accueillent en effet bien volontiers ces firmes, moyennant une fiscalité aménagée et avantageuse.