L’hiver 2020-2021 est placé « sous vigilance particulière » indique RTE. Le gestionnaire du réseau justifie cela principalement « à cause de la crise sanitaire » et à ses conséquences sur la maintenance du parc nucléaire. Pour RTE, le risque de rupture ne se situe pas en décembre mais plutôt en février et début mars en cas de grand froid. Ce qui pose en effet problème, ce sont les 13 réacteurs qui en février seront à l’arrêt à la suite du report des programmes de maintenance des réacteurs nucléaires depuis le début de la crise sanitaire. « Avec des températures comprises entre 2° et 7° en-dessous des normales de saison sur plusieurs jours consécutifs, la France pourrait connaître des difficultés d’approvisionnement en électricité » ajoute le gestionnaire. Mais pas d’inquiétude, « il n’y aura pas de black-out en France. Tout cela est très bien géré » a tenu a rassurer le jour même de l’annonce de RTE, la ministre de la Transition écologique, Barbara Pompili. RTE aussi se veut rassurant, en cas de production insuffisante, il disposerait de plusieurs leviers pour faire diminuer la consommation d’électricité. D’abord par l’importation d’électricité provenant de pays voisins, mais pas seulement. Il pourrait être demandé « aux gros consommateurs d’électricité » d’arrêter leur consommation. RTE peut aussi baisser légèrement la tension sur le réseau de distribution. Et enfin, « en tout dernier recours », « l’organisation de coupures d’électricité temporaires, anticipées, localisées et tournantes, préservant les consommateurs sensibles » pourrait être envisagée. « En cas extrême » tient à préciser la ministre.
Une situation préoccupante qui est pourtant loin d’être une surprise. Dès novembre, le Comité social et économique (CSE) d’EDF avait mis en garde : « La continuité de l’approvisionnement en électricité pour les mois de décembre 2020, janvier et février 2021 n’est pas sécurisée et dépendra uniquement des conditions climatiques (...) Il sera impossible en cas de période de froid (simplement comparable aux hivers 2018 et 2012) d’assurer l’équilibre du réseau électrique ». En ligne de mire du CSE, la réduction « des moyens de production d’électricité pilotables », à savoir la réduction de la part du nucléaire dans la production d’électricité, avec la fermeture des deux réacteurs nucléaires de Fessenheim. A l’annonce du risque de coupures d’électricité cet hiver par RTE, Raphaël Schellenberger, le député LR du Haut-Rhin a vivement réagi : « Cette situation n’est pas banale. Elle est grave. La responsabilité du gouvernement est immense ». « En fermant Fessenheim par idéologie, ajoute-t-il, En Marche a exposé notre pays à des coupures d’électricité ». Le député reproche au gouvernement de se réfugier derrière la crise sanitaire pour justifier les risques de coupures. Raphaël Schellenberger estime alors que si l’on avait opté pour la prolongation d’activité du 2ème réacteur de Fessenheim, comme l’avait proposé EDF en juin dernier, on aurait pu éviter cette situation. « Il existe aujourd’hui à l’évidence, un manque sur notre réseau électrique lié à la perte non compensée de 1800 MW d’électricité propre » écrit le député du Haut-Rhin. Il explique encore avoir déjà alerté en 2019 des « conséquences dangereuses » d’une fermeture de la centrale de Fessenheim dans un contexte de tension sur les réseaux électriques français et européens.
Mais il n’est pas le seul à s’agacer de la situation. Julien Aubert (LR, Vaucluse) indique dans un communiqué avoir lui aussi alerté le gouvernement depuis 5 ans déjà, et en particulier en 2019 au moment de la présentation du rapport de la commission d’enquête sur la transition énergétique dont il était le président. Il pointait notamment les risques que fait peser l’accroissement de la part des énergies intermittentes (éolien et solaire) dans notre mix énergétique national. Ensuite, Pour la fermeture de Fessenheim cet été, avant même le démarrage de l’EPR de Flamanville, a constitué, selon lui, « un non-sens aggravant les contraintes pesant sur la stabilité du réseau ». Il dénonce également la légèreté de RTE qui a longtemps tenu un discours rassurant au sujet de l’approvisionnement en électricité « avant de, plus récemment, s’apercevoir qu’il a sous-estimé le risque de ses études, envisageant même de possibles coupures de courant ». « Le discours du Gouvernement consistant à prendre appui sur les scénarios de négaWatt en promouvant une politique de 100 % d’énergies renouvelables montre aujourd’hui ses limites mettant ainsi en danger l’approvisionnement en électricité de notre pays. Il s’agit d’un sujet extrêmement sérieux à l’approche de l’hiver » conclut le député du Vaucluse.
Finalement, c’est encore aux Français que l’on demande de faire attention, « en effectuant des éco-gestes pour maîtriser leur consommation » comme l’indique le communiqué de RTE. ■
Raisonner le développement de l’éolien
Présenté en commission le 25 novembre dernier, la proposition de loi de Julien Aubert (LR, Vaucluse) cosignée par 47 députés visant à raisonner le développement de l’énergie éolienne a été discutée en séance publique le 3 décembre dernier. Sans être adoptée.
Pourtant le député du Vaucluse n’a pas ménagé sa peine. « Il y a un développement anarchique de l’éolien qui crée un effet de saturation dans certaines zones » qui s’explique par le projet de programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) qui veut porter la part de l’éolien de 5,1 % à 15 % de la production électrique française. Or, le respect de cet objectif suppose de porter le nombre d’éoliennes terrestres d’environ 8 000 en 2018 à un nombre compris entre 14 200 et 15 500 en 2028, ainsi qu’à accroître sensiblement le nombre de parcs éoliens en mer s’étrangle le député. Mais alors que « l’État mène à marche forcée le développement de l’éolien », les oppositions à l’éolien se font chaque jour plus nombreuses (7 projets sur 10 font l’objet de recours devant les juridictions administratives). « Nuisances sonores, paysages dévisagés, effets stroboscopiques, voire démarchage agressif de la part de certains promoteurs sont autant de raison de contester ce déploiement massif » confirme le député. Sans compter, poursuit-il que « tout cela coûte très cher ». « Le coût du soutien à l’éolien varie entre 73 et 90 Mds d’e (...) en comparaison, le parc nucléaire c’est 80 Mds d’e en 2019 qui produisent 5 fois plus d’électricité » explique-t-il. Cette proposition de loi qui voulait faire cesser ce qui relève aujourd’hui, selon ses auteurs, « d’un développement à marche forcée, imposé contre les citoyens », en le raisonnant. Elle proposait notamment d’« allonger les distances d’éloignement des éoliennes par rapport aux habitations, de mieux prendre en compte les avis des maires de communes durant les enquêtes publiques qui permettent de délivrer les autorisations d’implantation mais aussi de renforcer le volet sanitaire des études d’impact ». Peine perdue.