Ce n’est que dans seize mois et pourtant la présidentielle 2022 est déjà dans toutes les têtes. Les partis se mettent en ordre de marche et les actes de candidatures se font jour, plus ou moins ouvertement. A droite, depuis la retraite en rase campagne de François Baroin, aucun candidat légitime et naturel ne semble émerger. Aussi pour aider à clarifier le choix du candidat le plus à même de représenter Les Républicains en 2022, le député Julien Aubert à la tête de son mouvement « Oser la France » a lancé une vaste enquête intitulée « Quel visage à droite pour la présidentielle de 2022 ? » Adressé par mail à 37 000 personnes, plus de 16 000 ont répondu au questionnaire entre les 18 et 23 octobre. N’ont été finalement retenues que les réponses de 9 949 adhérents LR à jour de cotisation. Mais l’initiative n’a pas été au goût du président LR Christian Jacob.
La première question posée dans le questionnaire est celle du candidat. Le répondant avait le choix entre six personnalités politiques ayant fait acte de candidature ou d’intérêt, soit pour une primaire (Bruno Retailleau), soit pour la présidentielle (Xavier Bertrand). Il avait aussi la possibilité d’en proposer lui-même d’autres. 30,9 % des répondants ont choisi de ne cocher qu’une seule case (choix certain) et 25,9 % plusieurs noms parmi ceux proposés. Près de 43 % des répondants ont quant à eux choisi d’utiliser la septième case d’expression libre, soit pour compléter l’offre proposée, soit pour s’en affranchir totalement.
Pour les adhérents ne soutenant qu’un seul candidat, Bruno Retailleau (LR, Vendée), le président des sénateurs LR au Sénat fait course en tête avec 45 % en sa faveur. Il est suivi par Xavier Bertrand, président de la Région Hauts de France mais qui, rappelons-le, n’est plus membre des Républicains depuis 2017 (33 %), Valérie Pécresse (21 %), elle aussi démissionnaire des LR depuis juin 2019, Rachida Dati, ex-candidate à la mairie de Paris (17 %). Suivent ensuite le vice-président des LR, Guillaume Peltier (17 %) et le chef des urgences de l’hôpital Georges Pompidou, Philippe Juvin (7 %).
A ce stade, la réflexion se focalise surtout entre Bruno Retailleau et Xavier Bertrand qui apparaissent dans le choix unique ou multiple de 70,8 % des adhérents et dans une moindre mesure avec Valérie Pécresse. Reste toutefois que « pour le moment, si aucun des candidats n’a la majorité absolue à 50 %, Bruno Retailleau dispose d’une avance sur son principal challenger » révèle le questionnaire.
Pour ce qui est des candidats « hors liste », Nicolas Sarkozy qui a déclaré à plusieurs reprises s’être retiré de la politique politicienne, sans vraiment convaincre, est plébiscité par les adhérents : 1110 ont porté leur choix sur l’ancien président. Pourtant hors course, François Baroin compte encore 602 partisans et Laurent Wauquiez, le président de la Région Auvergne-Rhône-Alpes revient en force avec 562 réponses en sa faveur. Le général Pierre de Villiers en pleine promotion de son dernier livre recueille pour sa part 357 citations. Sans doute par modestie, Julien Aubert ne s’était pas fait figurer dans les premiers choix. Il est toutefois désigné par 421 adhérents LR à jour de cotisation.
L’autre grand sujet est celui du mode de désignation du candidat. Si la cacophonie règne au sein des instances des Républicains entre un Bruno Retailleau qui milite pour une primaire inscrite dans les statuts du parti et un Christian Jacob, président de LR fermement opposé à la primaire qui préfère parler de « processus de départage » pas encore imaginé, les militants ont une vision assez claire de ce qu’ils veulent et surtout ne veulent pas. Avec encore en tête le traumatisme de la primaire de 2016, les adhérents LR sont unanimes pour rejeter ce système (seuls 5,4 % des adhérents optent encore pour cette option). Par contre, le flou demeure pour le mode de partage alternatif. Ils se prononcent toutefois à 50,2 % pour une désignation ouverte et à seulement 19,4 % pour une désignation par les instances. Ils sont aussi 24,2 % à vouloir une primaire fermée réservée aux seuls adhérents LR et 11,6 % pour une primaire semi-ouverte c’est-à-dire réservée aux adhérents LR et aux militants des mouvements de droite.
Enfin, pour ce qui est de la stratégie électorale que la droite devrait adopter en vue de la présidentielle, les adhérents sont clairement opposés à toute idée d’alliance avec LREM ou le MoDem (3 % la veulent). Au-delà, on voit émerger les partisans d’une alliance au centre et les partisans d’une alliance plus à droite. 37,8 % des répondants se prononcent en faveur d’une Alliance avec LC ou l’UDI, 23,9 % avec « Debout la République » de Nicolas Dupont-Aignan sans le Rassemblement National et 13,4 % avec le RN. Ils sont 21,9 % à ne vouloir aucune alliance particulière. ■
Un choix repoussé
Au bureau politique des Républicains du 16 décembre dernier, le choix a été fait de ne rien faire. Il a été décidé d’attendre l’été prochain, après les élections régionales, pour décider du mode de désignation du candidat LR à la présidentielle. Un satisfecit pour Christian Jacob qui plaidait pour laisser du temps au temps et permettre ainsi à un candidat naturel d’émerger, « la solution idéale » selon Christian Jacob. « Le débat sur la présidentielle, aujourd’hui, chez nous, n’a aucun sens » s’agaçait alors le président LR face à un Bruno Retailleau, favorable à la primaire, prévue dans les statuts du parti (Dans une note de six pages adressée aux dirigeants LR, il proposait une primaire ouverte à un tour et réclamait un congrès dès le printemps). « Qui peut dire dans quelle situation on sera dans six mois ? C’est totalement hors sujet. Faisons preuve d’humilité et de modestie. Aujourd’hui, les Français ne sont pas du tout dans la présidentielle ; ils sont surtout préoccupés par la crise ! » tançait finalement Christian Jacob. « Le prochain objectif, c’est l’étape des départementales et des régionales. Ensuite viendra le choix des personnes ! » Dont acte pour le « patron » des sénateurs LR, qui loin d’être isolé au sein de son parti, estime avoir lui aussi remporté une petite victoire. « Nous avons obtenu qu’on parle des primaires » a-t-il expliqué à l’issue du Bureau politique. « Dans l’hypothèse où il n’y aurait pas de candidat naturel, il y aura un système de départage. Ce que je voulais, en tout cas, c’est que l’on ne désigne pas un candidat dans l’entre-soi » a lancé Bruno Retailleau, visant à demi-mot Xavier Bertrand.
Il a toutefois été décidé que le parti se mettrait d’ores et déjà à réfléchir à la question du mode de départage pour éviter d’être pris au dépourvu après l’été. La mission a été confiée à Gérard Larcher, le président du Sénat qui y réfléchissait depuis un moment déjà. Les militants devraient voter sur la solution proposée au Congrès de cet automne.