Celle-ci va permettre la création d’emplois, l’émergence de filières d’avenir et, dans le même temps, la réindustrialisation, en fournissant une énergie massive et décarbonée. C’est tout le sens de notre stratégie de décarbonation du mix énergétique français, qui devra se faire avec la population et qui tient en trois mots : « sobriété, nucléaire, renouvelables ». Ce triptyque est indispensable pour sortir de notre dépendance aux énergies fossiles et atteindre la neutralité carbone en 2050, conformément à nos engagements européens.
En matière d’énergies renouvelables, le constat est simple : la France est en retard sur ses objectifs. Nous devions atteindre les 23 % d’énergies renouvelables (EnR) dans la consommation finale brute d’énergie en 2020 : nous étions à 19,3 % seulement en 2021. Les raisons sont multiples : complexité de nos procédures administratives par rapport à nos partenaires européens, insuffisance du foncier facilement mobilisable et conciliable avec les enjeux environnementaux, manque de visibilité sur la planification, problème d’acceptabilité et d’attractivité des projets d’EnR. Il nous faut rattraper ce retard en divisant par deux les délais entre la décision et la mise en service des installations de production d’EnR. Concrètement, cela veut dire déployer un parc éolien en mer en 5 ans contre plus de 10 aujourd’hui, installer un projet photovoltaïque en moins de 3 ans au lieu de 6.
L’objectif fixé par le Président de la République pour 2050 est de multiplier par dix la capacité de production d’énergie solaire pour dépasser les 100 GW et de déployer 50 parcs éoliens en mer pour atteindre 40GW. Pour l’atteindre, nous devons dès maintenant changer d’échelle dans le déploiement des EnR : c’est tout le sens du projet de loi pour “l’accélération de la production d’énergies renouvelables”, pour lequel j’ai l’honneur d’être rapporteur.
Ce texte, porté par la ministre de la Transition énergétique Agnès Pannier-Runacher, entend répondre au double défi d’acceptabilité locale et territoriale d’une part, et d’accélération et de simplification d’autre part. Trois éléments clés du projet de loi vont en ce sens : la simplification, la libération du foncier, le partage de la valeur. La simplification d’abord, indispensable pour réduire les délais de contentieux, les délais d’enquête publique et d’autorisation environnementale pour in fine atteindre les mêmes calendriers que nos voisins européens. La libéralisation du foncier ensuite, pour installer plus de panneaux solaires en identifiant tous les espaces qui s’y prêtent (parkings, proximité des autoroutes, friches littorales). Dans ce contexte, la question de l’agrivoltaïsme apparaît centrale pour conjuguer les productions agricole et énergétique. Le partage de la valeur des EnR à l’échelon local enfin, pour améliorer l’acceptabilité territoriale des projets en liant souveraineté énergétique et externalités positives locales.
Le projet de loi, qui est examiné en commission la semaine du 21 novembre et en séance publique à partir du 5 décembre, a été considérablement enrichi par son passage au Sénat : il est passé d’une vingtaine d’articles à plus de 90. Je salue par ailleurs la qualité du travail accompli par nos collègues sénateurs : certaines des mesures ajoutées vont dans le sens du texte, comme la simplification des procédures ou la volonté de couvrir un maximum d’énergies renouvelables dans les dispositifs proposés. D’autres en revanche ne nous satisfont pas en l’état, par conséquent nous proposerons des évolutions. Notre boussole demeure l’atteinte de 40 % d’EnR dans la consommation finale d’énergie de notre pays en 2030, en adéquation avec le paquet européen Fit for 55, porté par la France durant la présidence du Conseil de l’Union européenne au premier semestre 2022.
J’ai l’honneur de rapporter 36 articles de ce texte, parmi les 46 qui relèvent de la compétence de la Commission des Affaires économiques de l’Assemblée nationale, l’autre partie étant rapportée par mon collègue Henri Alfandari. Les autres articles relèvent de la compétence de la Commission du Développement Durable et de l’Aménagement du Territoire. Le fil rouge de ces 36 articles est de mobiliser tous les leviers d’accélération disponibles, que ce soit au travers des procédures simplifiées, de nouveaux sites d’implantation ou de nouveaux leviers financiers. Sur ces sujets, nous avons mené de nombreuses auditions pour éclairer le débat et nous forger une vision argumentée avec des acteurs aux positions variées, allant de la FNSEA à Enedis, en passant par Sea Shepherd et les Jeunes Agriculteurs.
S’agissant des mesures permettant de libérer du foncier, les articles 9 et 10 ouvrent des dérogations au principe d’implantation en continuité urbaine dans les zones littorales et de montagne. Les dispositifs seront encadrés tout en permettant à ces territoires de s’inscrire activement dans la transition énergétique, ce qui est notre souhait. L’article 16 facilite également l’implantation d’ouvrages de transport d’électricité en zone littorale, tout en préservant les espaces les plus fragiles, avec des autorisations au cas par cas.
Sur la question de l’agrivoltaïsme à l’article 11 decies, le Sénat a posé le débat en intégrant au texte une proposition de loi en faveur du développement raisonné de l’agrivoltaïsme, adoptée par la chambre haute en octobre 2022. La définition proposée semble toutefois perfectible. Le dialogue avec mes collègues est ouvert, et nous aurons sans doute à retravailler pour la séance. Une définition claire apparaît indispensable pour que nos agriculteurs puissent se saisir de ce nouvel outil qu’est l’agrivoltaïsme, au service de l’agriculture, sans que les panneaux ne remplacent les troupeaux, et que la production d’électricité ne vienne mettre la pression sur la production ou l’emploi agricole. J’y serai particulièrement attentif.
Un autre point clé et complexe du texte se situe à l’article 18 : le partage de la valeur. Afin d’améliorer l’acceptabilité des installations d’EnR, indispensables à notre souveraineté et notre pouvoir d’achat, nous souhaitons qu’un lien soit créé entre les installations et le bénéfice qu’elles procurent. Le Gouvernement a proposé une modalité de partage avec les riverains et les communes, qui prend la forme d’un rabais sur la facture. Le Sénat a souhaité recentrer le bénéfice de ce partage de la valeur sur les collectivités territoriales. Ma volonté sur ce point est de créer un mécanisme opérationnel, qui ne crée pas d’effets de seuil ou de ruptures d’égalité entre les citoyens. Je ne doute pas que les travaux de la Commission des Affaires économiques permettront de trouver un chemin et de bâtir un compromis avec plusieurs groupes parlementaires, avec qui les échanges sont constructifs.
Certains pourtant abordent ce texte riche à reculons, au motif que les éoliennes et les panneaux solaires sont peu esthétiques, que la biodiversité diminuerait drastiquement après l’installation d’EnR, qu’il vaut mieux privilégier le tout-nucléaire. Ces arguments sont biaisés et sont le reflet de postures de principe que je déplore. Il est au contraire possible et souhaitable de concilier EnR et acceptabilité locale, EnR et biodiversité, EnR et nucléaire, en même temps. C’est notre volonté et nous y travaillerons avec tous les esprits constructifs.
Je me réjouis des débats à venir, qui nous permettront sans nul doute de dépasser les positions de principe pour tendre vers un objectif partagé : déployer davantage d’énergies renouvelables, plus vite et dans le respect de nos territoires. Car il nous faut croire et agir pour des choses qui ont des chances de se réaliser, affronter ensemble les problèmes et se mettre d’accord sur les modalités, pour reprendre les mots de Jean-Marc Jancovici. Je suis convaincu que cette méthode de dialogue et l’esprit de compromis à l’œuvre au Sénat sauront également prévaloir à l’Assemblée nationale. ■