“Plusieurs tendances décennales qui avaient été interrompues en 2017 sont de nouveau bien présentes” écrivent en préambule de leur étude les auteurs de l’IPP. Après examen en détail des parcours professionnels des députés de cette mandature, il apparait en effet que le changement profond qu’a connu l’Assemblée en 2017 avec la vague de néodéputés macronistes ayant notamment fait campagne contre « la professionnalisation de la politique » a vécu. En 2017, l’Assemblée était alors composée de 72 % de primo-députés. Un renouvellement inédit sous la Vème République. En 2022, c’est une autre musique.
Si les classes supérieures sont toujours dominantes (50 % en 2022 contre 55 % en 2017), la note de l’IPP met en lumière le retour d’élus issus des classes populaires quasiment absentes lors des précédentes législatures. En 2022, on dénombre 8 ouvriers et 26 employés alors qu’en 2017, il n’y avait aucun ouvrier et seulement 6 employés. Une hausse certes significative mais bien loin encore de refléter la population active : les députés des classes dites populaires représentent 6 % des élus contre 45 % de la population active dans son ensemble. Ce sont la France insoumise et le Rassemblement national qui ont permis cette intrusion. LFI est composée de 23 % d’élus de classes populaires et le RN de 16 %. Si l’on ajoute aux ouvriers et employés, les professions intermédiaires, LFI est le principal parti des classes populaires et moyennes (42 % des élus du groupe), suivi par le Parti communiste (36 %, uniquement des professions intermédiaires), puis le RN (27 %). Viennent ensuite « loin derrière » le parti socialiste, LR et le MoDem. Au-delà de cette particularité portée par ces deux partis, « les autres groupes parlementaires conservent une composition socio-démographique assez classique, principalement constituée de classes supérieures ». LFI, RN et PC mis à part, les proportions de cadres sont assez élevées, entre 57 % et 70 %. Mais en vue d’affiner son analyse et repérer les élus entrés en politique après un long passage dans une position de collaborateur (élu, ministre, permanent de parti), l’IPP a choisi de créer une catégorie à part nommée « auxiliaires politiques » de métier. En ajoutant ces « auxiliaires » aux cadres, il ressort qu’à EELV, 92 % des élus sont cadres ou auxiliaires politiques et 73 % chez LR.
La fin des novices, le retour des collaborateurs d’élus
Quelle est la proportion de députés issus du secteur public ? « Elle est, comme souvent sous les législatures passées, bien plus prononcées à gauche qu’à droite » répond l’IPP qui ajoute : « les élus de la NUPES sont majoritairement du secteur public, alors que plus de la moitié est issue du secteur privé pour la plupart des autres groupes parlementaires ». La gauche ne compte que très peu d’indépendants (aucun artisan, commerçant ou chef d’entreprise à EELV ou au PS, 4 % à LFI) et beaucoup de cadres du secteur public (principalement professeurs ou universitaires).
L’IPP pointe également « la dynamique » qui tend à rendre Renaissance « plus similaire dans sa composition aux partis de droite LR et Horizons ». « La part de professions intermédiaires au sein du groupe est faible et en diminution (9 % en 2022 contre 14 % en 2017), alors que le nombre d’auxiliaires politiques double (17 % contre 8,5 %) » précise l’Institut. « Ainsi, la transformation du parti présidentiel participe activement d’un retour aux carrières politiques typiques » constate-t-il.
Le RN évolue aussi. On a vu son rôle dans l’arrivée d’élus des classes populaires à l’Assemblée mais il compte aussi dans ses rangs de nombreux élus des classes supérieures (35 % de cadres, 9 % de commerçants et d’artisans), ce qui n’en fait pas vraiment un parti à l’image de la France comme il aime à le dire. Il ne faut pas non plus oublier d’ajouter les auxiliaires politiques en nombre au RN (24 %, soit le double de LFI et seulement 5 points de moins que LR). La part des professions libérales (essentiellement des avocats) y est aussi très importante (15 %). Conclusion de l’IPP : « le RN attire des profils qui rejoignaient plutôt les rangs de la droite traditionnelle jusque-là, signe que le stigmate que représentait l’engagement dans le parti d’extrême droite s’estompe de plus en plus ».
« Par rapport à 2017, la situation a bien changé, les novices politiques ont disparu – en tout cas sur les bancs de la majorité » poursuit l’étude qui s’est intéressée aux expériences politiques des députés. En 2017, les « novices » étaient près d’une centaine, contre une poignée habituellement, à rentrer au Palais Bourbon, sans jamais avoir eu d’engagement rémunéré en politique (28 %). La « société civile » intégrait l’Assemblée nationale par la grande porte. En 2022, ils ne sont plus que 15 % à ne pas avoir eu d’expérience politique avant leur élection. Chez Renaissance, ils ne sont que 9 % (44 % en 2017). Une évolution qui s’explique notamment parce que le parti a choisi de réinvestir « massivement » les sortants et d’investir très peu de « novices ». C’est au RN et chez la France insoumise que l’on trouve le plus de députés issus de la société civile. A signaler encore le « retour en force » des anciens collaborateurs d’élus parmi les députés de 2022 : « Ces habitués des coulisses de la politique étaient passés d’un tiers des parlementaires en 2012 à un quart en 2017. En 2022, on a retrouvé le niveau de 2012 (31 % des élus) ».
La parité en demi-teinte
La proportion de femmes élues est en léger recul en 2022 avec désormais 37 % de femmes à l’Assemblée. Des chiffres qui pourraient laisser entendre que les hommes ont plus de chance d’être investis dans des circonscriptions gagnables. « La parité à l’Assemblée demeure donc un vœu pieu » assènent les auteurs de la note. C’est dans les partis de gauche que l’on trouve le plus de femmes : 57 % chez EELV et 43 % chez LFI. Elle est inférieure à la moyenne au PS (35 %) et surtout au PC (18 %). La majorité gouvernementale est tout juste au-dessus de la moyenne du Parlement avec 41 % de femmes au MoDem et 40 % chez Renaissance. La féminisation n’est pas le fort des LR (29 %) et d’Horizons (30 %). Le RN est dans la moyenne de l’Assemblée.
Pour la première fois, les femmes sont un peu plus âgées que les hommes (49,4 ans contre 48,6 ans). Les députées ont aussi moins fréquenté les IEP (10 % contre 17 % des hommes) et aucune n’est issue de l’ENA (sur les 13 parlementaires énarques) même si elles présentent des niveaux de diplômes comparables à leurs homologues (63 % sont diplômées à bac + 5 contre 66 % des hommes). Enfin, 26 % des femmes contre 35 % des hommes ont été auxiliaires politiques. Elles ont aussi passées un peu moins de temps en politique (10 ans contre 12 ans pour les hommes). ■
*« La fin du renouvellement ? Portrait social et politique des députés de la XVIème législature » Sébastien Michon, Louis Casenave dit Milhet, Etienne Ollion, Gaston Vermersch - A retrouver sur https://www.ipp.eu