Des échanges « constructifs et de qualité » a salué le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin à l’issue d’une semaine de discussion entre le gouvernement et les indépendantistes d’un côté et les loyalistes de l’autre. Car si le dialogue a été renoué entre le Gouvernement et les Indépendantistes qui ont accepté de venir à Paris rencontrer la Première ministre (Ils avaient refusé une invitation en octobre dernier), il n’y a pas pour autant eu de dialogue tripartite. Ce n’était visiblement pas le moment ni le lieu pour les Indépendantistes qui ont encore du mal à digérer et à accepter le résultat des trois référendums (2018, 2020, 2021) qui ont tous dit « non » à l’indépendance. Admettant avoir eu en face de lui un gouvernement « très ouvert », le chef de file de la délégation indépendantiste, le Kanak Victor Tutugoro a temporisé sur un futur dialogue avec les loyalistes : « A ce stade, nous avons besoin de contribuer à peaufiner les questions évoquées ici avec les ministres. Les choses sont sur la table, on va prendre le temps d’en discuter. La question trilatérale se posera en son temps ». Une attitude dénoncée par les non-indépendantistes qui déclarent dans un courrier adressé à Gérald Darmanin « regretter » l’absence de dialogue. Ils y voient là « un manque de respect, voire une forme de sectarisme », et dénoncent même leur « mauvaise volonté ». « La Calédonie ne peut plus attendre. Il n’est pas normal que les indépendantistes refusent de parler avec nous » s’est vivement agacée Virginie Ruffenach, la présidente du groupe l’Avenir en Confiance au congrès de la NC. Pour le député Renaissance de Nouvelle-Calédonie, Nicolas Metzdorf, le bilan de cette semaine est « mitigé ». « Il y a du positif et du négatif » reconnaît-il en se félicitant que les indépendantistes soient venus à Paris, même s’ils ont « refusé jusqu’au bout de discuter ». « On s’est beaucoup parlé en Nouvelle-Calédonie, et on se parle tous les jours. On est élus au Congrès ensemble, on est au gouvernement collégial ensemble. On n’est pas toujours d’accord, loin de là mais on se parle. Finalement, il n’y a que sur l’avenir de la Nouvelle-Calédonie qu’on ne se parle pas. C’est bien triste » soupire le député.
Reste qu’aujourd’hui, on a du mal à voir quel dialogue pourrait être ouvert tant les visions de l’avenir du territoire sont éloignées : les indépendantistes ne parlent que d’une « accession à la pleine et entière souveraineté en 2025 » tandis que les loyalistes évoquent « une ligne d’horizon fixée sur le droit à l’autodétermination » avec une Nouvelle-Calédonie française. Mais c’est bien la délicate question du collège électoral en vue des élections régionales de 2024 qui pose d’abord souci entre les différents protagonistes (il avait été restreint avant d’être gelé en vue des référendums). Aujourd’hui, les indépendantistes veulent geler le corps électoral tandis que les loyalistes souhaitent donner le droit de vote à davantage de Calédoniens. En son temps, le ministre de l’Intérieur avait demandé que la question soit mise de côté avant de changer son fusil d’épaule sous la contrainte notamment des indépendantistes.
Gérald Darmanin a prévu de se rendre en Nouvelle-Calédonie en juin. Il espère arriver à mettre autour de la table les loyalistes et les indépendantistes pour aboutir à un accord a minima sur le collège électoral élargi et le droit à l’autodétermination. Le ministre de l’Intérieur a également prévu de s’arrêter juste avant à New-York pour évoquer « la situation de l’archipel devant le comité spécial de la décolonisation des Nations-Unies ». Pour l’ONU, la Nouvelle-Calédonie est l’un des dix-sept territoires du monde qui reste encore à décoloniser… ■
Par Nicolas Metzdorf, Député de la 2ème circonscription de la Nouvelle-Calédonie
Nouvelle-Calédonie : “Les enjeux sont majeurs et les défis immenses”
À 17 000 kilomètres de Paris, entre Australie et la Nouvelle-Zélande, se trouve la Nouvelle-Calédonie, terre de France dans le Pacifique.
Depuis le milieu des années 70, le débat politique calédonien est focalisé sur la question de l’indépendance. Après la période trouble et violente dite des « Evènements », la Nouvelle-Calédonie a retrouvé la voie de la paix et du développement grâce aux accords, ceux de Matignon en 1988 et de Nouméa dix ans plus tard. Toutefois, la revendication d’indépendance demeure.
Au sortir de trois référendums successifs qui ont légitimé la volonté des Calédoniens à demeurer dans la France, les indépendantistes ont choisi de ne pas participer aux discussions entre les partenaires des accords, ne voulant parler qu’à l’Etat et uniquement de l’accession à la pleine souveraineté. Une stratégie d’évitement et de blocage alors même que l’avenir de la Nouvelle-Calédonie ne pourra se décider qu’entre toutes les parties. La réponse ne peut être que collective et c’est le travail qu’a engagé le ministre de l’Intérieur et des Outre-mer, Gérald Darmanin.
Les enjeux sont majeurs et les défis immenses. Ils le sont d’autant plus que le peuple calédonien a tranché, la Calédonie est et restera française. Résonne encore dans nos cœurs, la phrase du Chef de l’Etat au soir du 3ème référendum le 12 décembre 2021 : « ce soir, la France est plus belle car la Nouvelle Calédonie a décidé d’y rester ». Désormais, la question est de savoir dans quel cadre : plus d’autonomie ? Moins de compétences partagées ? Quel corps électoral ? Quel redécoupage institutionnel ? C’est à toutes ces questions qu’il nous revient de répondre. Il nous faut d’abord acter que le gel du corps électoral, qui a conduit à exclure du vote aux élections locales, 45 000 citoyens français, doit être reformulé. Il nous faut également adopter une position quant au droit constitutionnel à l’autodétermination et définir les conditions de son application, notamment dans le temps.
Il nous faut aussi et surtout nous extirper du débat dans lequel nous sommes enferrés depuis trop de décennies entre l’indépendance et la France. Qui aurait pu croire il y a 25 ans lors de la signature de l’accord de Nouméa, que nous en serions parvenus à cette étape finale quasiment irréelle, de devoir « examiner la situation ainsi créée » ? Le débat qui nous anime depuis deux générations, pollue de nuages sales le ciel calédonien. Ne fondant pas de perspective, le débat indépendance versus la France bouche notre horizon parce qu’il n’est plus de notre temps. La Nouvelle-Calédonie n’a de futur qu’en investissant enfin le 21ème siècle.
Les indépendantistes renâclent devant l’obstacle, sans doute par crainte de devoir reconnaitre à la face du monde, qu’il n’y a pas de majorité pour la pleine souveraineté. Mais si pour l’heure nous n’avançons pas, nous ne devons pas pour autant verser dans le pessimisme le plus noir. L’action déterminée du gouvernement d’Elisabeth Bone, en faveur de la recherche du plus large consensus et de la constante du dialogue, est source d’optimisme.
Mais au-delà du devoir qui est le nôtre de définir un futur statut dans la France, il nous revient de dessiner le nouveau visage de la Nouvelle-Calédonie, dans ses composantes économiques et sociales. Les discussions d’avenir ne peuvent obérer l’amélioration des conditions de vie des Calédoniens, le développement et le progrès, le soutien au pouvoir d’achat, la lutte contre la délinquance.
Les négociations entre indépendantistes et loyalistes doivent être relancées afin de trouver une solution consensuelle, durable et acceptable pour tous. Chacun avec ses espoirs, ses craintes, ses attentes et ses convictions, doit avoir le courage de finaliser le dialogue entamé il y a trente-cinq ans. Mais si le compromis est la boussole qui guide notre action, nous ne pouvons perdre notre âme à désespérer de le chercher. Alors que les indépendantistes rejettent les réunions trilatérales avec l’Etat et les Loyalistes, nous réaffirmons que, dans l’intérêt des Calédoniens, rien ne doit freiner notre marche vers un avenir dans la France.
Les ombres tutélaires de Jacques Lafleur et Jean-Marie Tjibaou, ces grandes consciences calédoniennes, nous fixe des devoirs et nous trace un chemin. A cet égard, notre responsabilité est engagée à l’égard des Calédoniens. n