En juillet 2014, dans son discours sur les orientations politiques, le président Juncker déclarait : « Nous avons besoin d'une plus grande équité sur notre marché intérieur. Tout en reconnaissant la compétence des États membres pour ce qui est de leurs systèmes fiscaux, nous devrions intensifier nos efforts pour lutter contre l'évasion et la fraude fiscales, afin que chacun apporte sa juste contribution ». Pour passer de la parole aux actes, la Commission européenne a, dans un premier temps, proposé en mars dernier un ensemble de mesures sur la transparence fiscale « afin de créer un climat plus ouvert et plus coopératif entre les États membres en ce qui concerne la fiscalité des entreprises ». Une des mesures clés prévues dans ce cadre était une proposition relative à l’échange automatique d’informations sur les décisions fiscales. Cette proposition a reçu un soutien politique unanime des ministres des finances lors de la réunion informelle du Conseil ECOFIN qui s’est tenue au mois d’avril. Les aspects techniques de cette proposition sont actuellement examinés par les États membres en vue de parvenir à un accord avant la fin de l’année.
La deuxième étape « plus globale » de la Commission dévoilée mi-juin prévoit la mise en oeuvre d’un plan d'action visant à réformer la fiscalité des entreprises dans l'Union. « Nous avons établi un plan ambitieux mais réaliste pour parvenir à une fiscalité plus juste et plus propice à la croissance au sein de l'Union. Ce plan repose sur le principe fondamental selon lequel toutes les entreprises, qu'elles soient grandes ou petites, locales ou mondiales, doivent acquitter une juste part de l'impôt au lieu où elles exercent une activité économique réelle et où elles réalisent effectivement leurs bénéfices » s’est alors félicité Valdis Dombrovskis, vice-président de la Commission européenne pour l'euro et le dialogue social. « La fiscalité des entreprises au sein de l'Union doit faire l'objet d'une réforme radicale. Dans l'intérêt de la croissance, de la compétitivité et de l'équité, les États membres doivent oeuvrer de concert et chacun doit payer sa juste part. La Commission a jeté aujourd'hui les bases d'une nouvelle approche de la fiscalité des entreprises au sein de l'Union. Aux États membres d'en tirer parti à présent!» a enchéri Pierre Moscovici, Commissaire pour les affaires économiques et financières, la fiscalité et les douanes.
Pour la Commission, le constat est sans appel : « les règles régissant la fiscalité des entreprises dans l'Union sont aujourd’hui en décalage avec l'économie moderne. Des mesures nationales non coordonnées sont exploitées par certaines entreprises pour échapper à l'impôt au sein de l'Union, ce qui se traduit par d'importantes pertes de recettes pour les États membres, un alourdissement de la charge fiscale qui pèse sur les citoyens et des distorsions de concurrence pour les entreprises qui paient leur part de l'impôt ». Pour remédier à cette situation, le plan d'action présenté par la Commission « définit une nouvelle approche au niveau de l'Union pour une fiscalité des entreprises juste et efficace ». Des mesures définies dans le plan d'action qui font également écho aux travaux de l'OCDE visant à limiter l'érosion de la base d'imposition et le transfert de bénéfices.
Ce plan d’action instaure une série d’actions clés parmi lesquelles figurent une stratégie visant à relancer l'assiette commune consolidée pour l'impôt sur les sociétés (ACCIS) et un cadre permettant d'assurer une imposition effective là où les bénéfices sont réalisés.
Relance de l'assiette commune consolidée pour l’impôt sur les sociétés (ACCIS)
La Commission va relancer sa proposition relative à une assiette commune consolidée pour l’impôt sur les sociétés (ACCIS), en tant que solution globale à la réforme de la fiscalité des entreprises.
Selon, la Commission, « l'ACCIS permettrait d'obtenir des résultats sur tous les fronts, en améliorant considérablement le marché unique pour les entreprises, tout en éliminant les possibilités d'évasion fiscale de ces dernières ». « Si les négociations concernant la proposition de la Commission de 2011 relative à l'ACCIS sont actuellement au point mort, reconnaissent les commissaires, un consensus général se dégage sur la nécessité de relancer ces négociations, compte tenu des avantages considérables que présente l'ACCIS ». Il est ainsi prévu de lancer des travaux pour élaborer une nouvelle proposition visant à instaurer une ACCIS obligatoire par étapes. Les États membres pourront ainsi, dans un premier temps, progresser plus rapidement sur la mise en place de l'assiette commune pour l'impôt. La consolidation ne sera introduite quant à elle que dans un second temps, étant donné que cet élément a été jusqu'ici la pierre d'achoppement des négociations. La Commission présentera cette nouvelle proposition dès que possible en 2016.
Garantir une imposition effective
Le plan d'action définit la voie à suivre pour parvenir à une imposition effective dans l'Union, qui repose sur le principe selon lequel les entreprises devraient payer une juste part de l'impôt dans le pays où elles réalisent leurs bénéfices. Il existe plusieurs moyens pour atteindre cet objectif sans harmoniser le taux de l'impôt sur les sociétés dans l'ensemble de l'Union explique la commission qui propose par exemple, des mesures visant à combler les lacunes législatives, à améliorer le système des prix de transfert et à appliquer des règles plus strictes aux régimes fiscaux préférentiels, entre autres. Ces initiatives devraient également permettre de faire avancer le débat en cours entre les États membres en vue de définir et d'adopter une approche commune au niveau de l'Union en matière d'imposition effective.
Renforcer la transparence
Le plan d'action définit les prochaines étapes pour renforcer la transparence fiscale au sein de l'Union et à l'égard des pays tiers. Il se fonde sur les mesures déjà envisagées dans le paquet de mesures sur la transparence fiscale, adopté en mars. Pour lancer une approche de l'Union plus ouverte et plus uniforme vis-à-vis des juridictions fiscales non coopératives, la Commission a publié une liste paneuropéenne des pays tiers et territoires inscrits sur liste noire par les États membres. « Cette liste peut être utilisée pour passer au crible les juridictions fiscales non coopératives et mettre au point une stratégie commune au niveau de l'Union à l'égard de celles-ci. À ce titre, elle renforcera le système de défense collective des États membres contre les menaces extérieures qui touchent leurs recettes » expliquent les commissaires.
La Commission a également décidé de lancer une consultation publique afin de recueillir des contributions sur la question de savoir si les entreprises devraient être tenues de rendre publiques certaines informations fiscales, notamment sous la forme d'informations pays par pays (IPPP). « La consultation et les travaux d'analyse d'impact de la Commission permettront d'orienter les décisions stratégiques à venir en la matière » nous apprend le communiqué de presse de la Commission.