En France, il n’est pas possible d’implanter et de développer une activité de jeux d’argent n’importe où. Le principe est celui de la prohibition avec toutefois des dérogations limitatives et encadrées. Les textes aujourd’hui en vigueur limitent l’ouverture des casinos aux seules stations thermales, balnéaires ou climatiques, ainsi qu’aux villes principales d’agglomérations de plus de 500 000 habitants ayant des activités touristiques et culturelles spécifiques, avec une particularité pour la ville de Paris puisqu’il est interdit d’y exploiter un casino à moins de 100 kilomètres, exception faite pour la commune d’Enghien-les-Bains.
Si pour les sénateurs LR Catherine Deroche, Stéphane Piednoir et Claude Nougein, à l’initiative d’une proposition de loi visant à élargir les conditions d’implantation d’un casino, « ces textes ont l’avantage de poser des limites à une activité qui se doit d’être strictement encadrée », ils ont aussi « pour effet de concentrer les casinos dans certaines zones géographiques, et notamment les bords de mer ou les départements les plus urbanisés, en privant d’autres zones, moins dynamiques, de cette activité pourtant susceptible de les aider à développer une économie locale ». « La législation actuelle sur l’implantation des casinos est donc à l’origine d’inégalités territoriales non justifiées » ont-ils alors jugé avant de déposer leur texte.
La proposition de loi qui a été modifiée en commission tient compte de ces inégalités et entend les corriger en permettant à certaines communes rurales du centre de la France disposant souvent d’une activité équestre ancienne de leur donner la possibilité d’ouvrir un établissement de jeux d’argent. D’abord cantonnée à deux communes par le biais de mesures restrictives - Saumur et Arnac-Pompadour -, la commission a ensuite choisi d’étendre le champ de la proposition de loi aux communes qui accueillent le site historique du Cadre noir ou un haras national « où ont été organisés au moins dix événements équestres au rayonnement national ou international par an entre le 1er janvier 2018 et le 1er janvier 2023 », soit 13 communes. Une bénédiction pour ces villes. « Les revenus dégagés par l’arrivée d’un casino permettraient d’assurer la sauvegarde de l’attraction touristique équestre compte tenu du désengagement financier de l’Etat dans ce domaine » s’est félicité le maire d’Arnac-Pompadour. Dans l’Orne, siège du Haras du Pin, le président Christophe du Balorre se frotte déjà les mains. « Excellente nouvelle pour l’Orne et pour le haras du Pin s’est-il réjoui. Une telle dérogation permettrait d’accroître le rayonnement de notre Versailles du cheval, site le plus visité de l’Orne ». Très enthousiaste, le président du département reconnaît avoir même déjà lancé un appel aux porteurs de projet : « Je les assure que tout sera mis en œuvre pour faciliter une telle implantation chez nous » a-t-il déclaré. Un ajout en séance publique autorise également l’ouverture d’un casino par département frontalier, dans une ville classée commune touristique, membre d’une intercommunalité à fiscalité propre de plus de 100 000 habitants.
Pour ces communes, l’enjeu est clairement financier. Une fois les critères légaux permettant l’implantation d’un casino satisfaits, le conseil municipal doit encore donner son approbation. La délibération du conseil municipal doit aussi prévoir « le contrat administratif, qui prend la forme d’une délégation de service public, liant la société commerciale souhaitant exploiter le casino et la commune. Ce contrat doit comprendre un cahier des charges reprenant les obligations qui seront imposées au futur casinotier ». Cette délégation de service public, qui ne peut excéder une durée de 20 ans, donne la possibilité à la commune de prélever plusieurs redevances opérées sur le produit brut des jeux (1) des casinos qu’elles accueillent. La commune perçoit d’une part un revenu fiscal direct représentant entre 0 et 15 % du PBJ, « ce taux étant négocié et fixé par le cahier des charges qui accompagne le contrat de délégation de service public ». Elle perçoit d’autre part, un reversement de 10 % du prélèvement opéré par l’Etat sur le PBJ. Pour ces communes, l’ouverture d’un casino est également source importante d’emplois. Incontestablement, elle contribue au développement économique, touristique et culturel du territoire, participant à son attractivité. « Les casinos sont souvent parmi les premiers contributeurs du budget des communes qui les accueillent » reconnaissent les sénateurs. Les auditions des maires des communes de Saumur et Arnac-Pompadour menées par le rapporteur François Bonhomme, ont mis en exergue de manière concrète les retombées de l’implantation d’un casino dans leur territoire. Saumur espère, par exemple, voir arriver entre 1,5 à 1,6 million de touristes par an d’ici 2026 (contre 1,3 million actuellement). Cette commune table également sur la création de 100 emplois directs ou 50 indirects – « soit 0,6 point de chômage en moins pour Saumur » précise le maire Jackie Goulet -, et des recettes fiscales annuelles de l’ordre de 1 à 1,5 million d’euros. Dans un rapport de 2021, la Cour des comptes expliquait que cette ressource qualifiée de « rente de situation » est « déterminante pour le budget communal ».
Du côté des opposants au texte, les associations de lutte contre les addictions sont inquiètes. « Plus on offre la possibilité de jouer, plus on augmente le nombre de joueurs problématiques » soupire Bernard Basset, président de France Addictions interrogé par le Figaro. « Le texte met en avant une exception pour les centres équestres, mais c’est toujours comme ça qu’on procède pour détricoter une loi... On trouvera toujours des exceptions, c’est une spirale sans fin visant à déréglementer l’ouverture des casinos » se désole Bernard Basset qui estime qu’« avec les voix des élus Les Républicains et de la majorité, la loi devrait passer, sans compter la promesse du président » (En mars 2019, à Angers, Emmanuel Macron a promis de soutenir l’implantation d’un casino à Saumur).
Au sénat, en séance publique, le gouvernement ne s’est pas opposé, au texte sans pour autant se dire favorable en donnant un simple « avis de sagesse ». ■
1. Le produit brut des jeux (PBJ) se définit comme la différence entre le montant des mises initiales des joueurs et les gains versés par le casino sur leurs différents jeux. Ce montant représente à la fois ce qui reste aux opérateurs après redistribution des gains et la somme que les joueurs ont effectivement dépensé, c’est-à-dire perdue. En d’autres termes, il s’agit du chiffre d’affaires du casino.
203 casinos
196 communes d’implantations
7 Clubs de jeux à Paris
Les Français férus de jeux de hasard
Dans son dernier bilan annuel l’Autorité nationale des jeux (ANJ) annonce Une année record pour les opérateurs sous monopoles (FDJ et PMU) et les casinos et clubs de jeux. Avec un produit brut des jeux (PBJ) atteignant 8,2 milliards d’euros, l’activité de jeux d’argent et de hasard proposée par les opérateurs titulaires de droits exclusifs (La Française des Jeux et le Pari Mutuel Urbain pour les paris hippiques en points de vente) constituent le premier pilier du marché français (64 % du PBJ), soit une croissance de 8 % par rapport à 2021. Cette croissance est principalement tirée par la vigueur de l’offre de loterie, dont le PBJ s’élève à 5,6 milliards d’euros en 2022 (+10,2 %).
L’activité de pari hippique en réseau physique repart à la hausse après des exercices 2020 et 2021 fortement impactés par les effets de la crise sanitaire. Le PBJ de l’activité sous droits exclusifs du PMU a augmenté de près de 10 % par rapport à 2021, notamment grâce au retour des parieurs en points de vente lors du premier semestre 2022.
L’activité des casinos connait une forte croissance en 2022 (+130 % de croissance du PBJ en 2022), qui s’explique en très grande partie par la réouverture totale des casinos après deux années d’activité réduite en raison de la pandémie. Le PBJ des casinos s’élève à 2,5 Mde en 2022, contre 1,08 Mde en 2021 et 2,4 Mde en 2019.
Après avoir connu une forte croissance entre 2017 et 2021 avec un taux de croissance annuel moyen du PBJ de 18 %, la progression du marché des jeux d’argent et de hasard en ligne s’est stabilisée à un niveau similaire à celui de 2021 en 2022, avec un PBJ de 2,18 Mde (+0,8 % de croissance). Le chiffre d’affaires du secteur en ligne se répartit entre le pari sportif (64 %) le pari hippique (16 %) et le poker en ligne (20 %). Le nombre de joueurs uniques atteint 4 millions en 2022, soit une hausse de 6 %.
+130 % de croissance du PBJ des casinos en 2022
Le PBJ des casinos s’élève à 2,5 Mde
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