Une part importante de ces maladies est liée au mode de vie (tabac, alcool…). Un diagnostic précoce est susceptible d’améliorer les chances de guérison des patients. Aussi, les techniques de prévention et de diagnostic (biomarqueurs, génomique, volatolomique…) constituent des maillons essentiels de la lutte contre le cancer et doivent faire l’objet de recherches et de politiques publiques ambitieuses. La prise en charge oncologique des tumeurs solides repose sur la chirurgie, sur la chimiothérapie et la radiothérapie. Si de nouvelles thérapies basées sur des approches moléculaires complètent cet arsenal thérapeutique, les traitements historiques restent centraux. Les développements de la cœlioscopie, de la thoracoscopie, l’utilisation de marqueurs tumoraux fluorescents et l’assistance par des robots permettent de réaliser des interventions chirurgicales moins invasives. L’amélioration de la précision de l’irradiation et les progrès en matière de dosimétrie perfectionnent les traitements de radiothérapie. La protonthérapie et la curiethérapie contribuent à mieux éliminer les tissus tumoraux en préservant les tissus sains.
La meilleure compréhension des cancers au niveau moléculaire a permis l’émergence d’une « médecine de précision » fondée sur la personnalisation des traitements. Cette nouvelle approche s’est traduite par un changement de paradigme : la pathologie n’est plus caractérisée par la localisation de la tumeur mais par ses caractéristiques moléculaires. Des tests diagnostiques réalisés à partir de biopsies tumorales ou de cellules tumorales circulantes s’avèrent dès lors nécessaires pour identifier les altérations moléculaires et orienter la prescription. Des thérapies ciblées ont été développées afin de bloquer la croissance et la propagation de la tumeur en agissant à l’origine de son développement ou de sa dissémination. Les différences entre cellules saines et cellules tumorales permettent de cibler spécifiquement ces dernières et minimiser les effets secondaires. De petites molécules inhibitrices liant des protéines spécifiques pour modifier leur fonction et inhiber la progression tumorale peuvent être utilisées. C’est le cas des inhibiteurs de tyrosine kinases qui bloquent la prolifération de certaines lignées cellulaires cancéreuses. Il est aussi possible d’utiliser des anticorps qui reconnaissent des antigènes spécifiques des cellules tumorales et bloquent les mécanismes impliqués dans leur multiplication ou entrainent leur lyse par cytotoxicité. De même, Ils peuvent être utilisés « armés », liés à un ou plusieurs produits cytotoxiques qu’ils dirigent sélectivement vers les cellules cancéreuses. Bien que de nombreux travaux soient en cours, leurs résultats restent parcellaires. La majorité des cancers ne peuvent faire l’objet d’une thérapie ciblée efficace, faute d’une anomalie moléculaire qui pourrait constituer une cible thérapeutique. Si ces traitements sont efficaces, seule une fraction d’entre eux permet d’améliorer le taux de survie globale des patients, en raison d’apparition de phénomènes de résistance. Enfin, l’hétérogénéité des tumeurs constitue un obstacle important : les cellules tumorales ne sont pas toutes identiques et peuvent présenter des réponses différentes au traitement.
Pour former une tumeur, les cellules cancéreuses échappent aux défenses du système immunitaire. Les traitements d’immunothérapie ont pour objectif de restaurer l’efficacité du système immunitaire pour reconnaître et détruire ces cellules. Cette approche permet de prolonger la survie de patients à long terme. Les immunothérapies sont indéniablement la voie de recherche la plus dynamique et la plus prometteuse en oncologie, avec plus de 6 000 essais cliniques en cours. Si les anticorps peuvent être utilisés comme thérapies ciblées, ils peuvent également être utilisés comme immunothérapies, en tant qu’activateurs du système immunitaire. C’est en tant qu’inhibiteurs de points de contrôle immunitaire que les anticorps ont constitué une révolution thérapeutique. Les points de contrôle immunitaire sont des protéines situées à la surface des lymphocytes T qui empêchent le système immunitaire d’attaquer les cellules. Or, les cellules cancéreuses détournent ce mécanisme de contrôle pour se rendre invisibles aux défenses de l’organisme. Elles produisent des molécules susceptibles de se lier aux points de contrôle immunitaire des lymphocytes et inhibent la réponse du système immunitaire. Les inhibiteurs de points de contrôle immunitaire ont pour objectif de bloquer ce mécanisme et permettent aux lymphocytes T de détruire les cellules tumorales.
Si environ 30 % des patients répondent à ces traitements, la réponse est de longue durée et conduit à des guérisons au stade métastatique. Les anticorps anti-PD1/PDL1 sont aujourd’hui utilisés pour plus d’une vingtaine d’indications et continuent de faire l’objet de nombreuses recherches. D’autres travaux tentent d’identifier de nouveaux récepteurs susceptibles d’être ciblés. Un autre type d’immunothérapie repose sur l’utilisation d’anticorps multispécifiques, c’est-à-dire d’anticorps possédant plusieurs sites de liaison. Ils peuvent ainsi se lier simultanément à des cellules du système immunitaire et à des cellules cancéreuses pour les détruire. La thérapie par lymphocytes T à récepteur antigénique chimérique (CAR-T) consiste à prélever, modifier et utiliser les lymphocytes T d’un patient pour traiter son propre cancer. Les lymphocytes sont génétiquement modifiés pour produire des récepteurs reconnaissant des antigènes de cellules cancéreuses puis réinjectés au patient. Cette stratégie est efficace pour traiter les cancers liquides (leucémie, lymphome, myélome). Ce traitement autologue pâtit de coûts importants et de capacités de production limitées. Plusieurs travaux sont en cours afin d’améliorer le processus de production. La solution idéale reposerait sur le développement d’un traitement allogénique. Cet objectif demeure une perspective de long terme, les cellules allogéniques étant éliminées rapidement par l’organisme. L’utilisation de cette approche pour des tumeurs solides fait face à une absence de marqueur tumoral idéal et à l’hétérogénéité de ces tumeurs. La thérapie par lymphocytes infiltrant la tumeur peut permettre d’obtenir des résultats en injectant, après multiplication, des lymphocytes capables de détecter naturellement les mutations spécifiques de la tumeur obtenus à partir d’une biopsie.
La réponse immunitaire peut être stimulée et dirigée envers les cellules cancéreuses au travers de vaccins curatifs, administrant des antigènes tumoraux ou de molécules codant pour ceux-ci tels les ARNs messagers, approche issue du prix Nobel de médecine 2023. Ceci portant sur des antigènes « privés » (propres à la tumeur de chaque patient) montrent des résultats prometteurs. A plus longue échéance, de récentes découvertes permettent d’envisager une vaccination plus universelle. Dans les cellules cancéreuses, des transposons (ou « gènes sauteurs »), se trouvent réactivés et induisent la production de protéines aberrantes.
Les antigènes ainsi exprimés, absents des cellules saines et communs à diverses formes de cancer, pourraient constituer des cibles idéales pour un vaccin pan-cancer. Entre 2015 et 2019, la France se plaçait au 7ème rang mondial du point de vue du nombre de publications en recherche oncologique. En participant à environ 10 % des études interventionnelles portant sur le cancer au niveau mondial en 2019, elle se plaçait au 3ème rang sur ce critère. Comme pour le reste de la recherche française en biologie-santé, l’effort entrepris par la loi de programmation de la recherche doit être poursuivi, amplifié. ■
*Auteur avec la sénatrice Laure Darcos de la note n°809 de l’OPECST sur les avancées thérapeutiques en cancérologie.