“Trop d’entre nous sommes confrontés à des pénuries dans nos pharmacies. Que ce soit pour des médicaments courants et bien connus, comme pour des traitements vitaux, les délais sont parfois trop longs et l’accès, trop difficile. C’est inacceptable et nous déployons chaque jour des solutions pour résoudre ces difficultés” twittait le Chef de l’Etat à l’occasion d’un déplacement en Ardèche sur le site du laboratoire pharmaceutique Aguettant le 13 juin dernier. Il était accompagné du ministre du travail, Olivier Dussopt, du ministre de l’industrie, Roland Lescure et du ministre de la santé de l’époque, François Braun.
Face aux pénuries de médicaments liées à notre dépendance de l’étranger*. L’exécutif a donc décidé de passer à la vitesse supérieure en relocalisant la production d’une cinquantaine de médicaments jugés « critiques » « dans les prochaines années » et pour la moitié d’entre eux dans « dans les prochaines semaines » annonçait alors le président de la République. Et le président d’évoquer tout particulièrement la morphine, l’amoxicilline pédiatrique et six anti-cancéreux. Pour atteindre cet objectif, Emmanuel Macron a annoncé le lancement de huit projets de relocalisations et des investissements publics et privés de 160 millions d’euros.
Cette liste de médicaments n’est que provisoire. L’exécutif a en effet identifié pas moins de 450 médicaments « essentiels » et sur lesquels « on n’a pas le droit d’avoir de faiblesse » a insisté Emmanuel Macron. « Dans les mois et les années qui viennent on doit absolument sécuriser les chaînes de production de ces 450 médicaments essentiels, soit en relocalisant totalement soit en diversifiant et en continuant d’innover » a-t-il détaillé. Pour le chef de l’Etat, la volonté de relocaliser les chaînes de production n’est pas nouvelle. Il avait évoqué le sujet à la sortie de la crise sanitaire lors de la présentation du « plan France 2030 ». A cette occasion, il avait alors assuré que le paracétamol serait produit en France courant 2023. Cette date n’a plus été évoquée lors de son déplacement en Ardèche. Peut-être parce qu’il faut attendre que l’usine prévue à cet effet sur la plateforme chimique des roches à Roussillon (Isère) soit achevée ; or les travaux ont débuté il y a peu. Ironie de l’histoire, la toute nouvelle usine est localisée à quelques kilomètres seulement du dernier site de production de paracétamol qui avait fermé ses portes en 2008.
Pour atteindre son objectif, le président a annoncé la création prochaine d’un guichet unique consacré à la relocalisation des médicaments essentiels saluant « une nouvelle donne partenariale entre l’Etat et l’industrie pharmaceutique ». Avec ce guichet unique, l’idée est « d’aller beaucoup plus vite » dans le développement de projets industriels. Une enveloppe de 50 millions d’euros a été promise pour sa mise en oeuvre. « C’est le coût à payer pour redevenir indépendant, c’est la cohérence de notre politique » a jugé Emmanuel Macron.
Dans les cas les plus critiques de pénurie, un « plan blanc du médicament » est annoncé avec des essais cliniques simplifiés pour « aller beaucoup plus vite » dans le développement des médicaments.
Au-delà de la France, le chef de l’Etat a une vision très européenne. La France portera « l’ambition de la relocalisation et du renforcement de nos capacités de production » à l’échelle de l’Union. Des « objectifs chiffrés pour conjuguer les efforts des Etats membres » seront fixés prochainement.
Enfin, plus que le recours aux médicaments, l’Etat veut sensibiliser les Français à « une utilisation plus raisonnable » de ces produits en insistant sur la « prévention ».
Mais si la machine relocalisation est lancée, le chef de l’Etat a tenu à prévenir que « l’on aura encore des situations d’urgence dans les prochains mois et les prochaines années ». « Ça va encore être compliqué l’hiver prochain mais croyez bien que je suis entièrement mobilisé là-dessus » a confirmé le lendemain sur les ondes de RTL, le ministre de la santé François Braun. En 2022, plus de 3500 molécules ont été signalées en rupture ou en risque de rupture de stock l’an dernier. ■
* La France dépend à près de 60 % à 80 % des importations, notamment de la Chine, pour la production de médicaments dits matures (antibiotiques, produits d’anesthésie…), et 95 % pour les biomédicaments.
37 % des Français ont été confrontés à des pénuries en pharmacie (mars 2023).
© France Assos Santé
La liste des médicaments essentiels
Le chef de l’Etat a ciblé 450 médicaments « essentiels », 50 devraient être produits en France dont 25 « dans les prochaines semaines ».
Après les pénuries de médicaments de cet hiver, le ministre de la santé et de la prévention, François Braun, et le ministre délégué chargé de l’industrie, Roland Lescure lançaient le 2 février dernier un comité de pilotage chargé de travailler à une nouvelle stratégie de prévention et de gestion des pénuries. La première étape de ce travail a été de constituer une liste, « évolutive », des médicaments essentiels. Publiée le 13 juin, dans la foulée du discours présidentiel, « elle doit servir de base de travail pour l’élaboration d’une feuille de route de gestion des pénuries » indique le ministère.
« On doit absolument continuer à relocaliser la matière première ou le produit fini, et parfois les deux, pour sécuriser l’approvisionnement en stocks du territoire » a indiqué Emmanuel Macron avant de préciser qu’« au sein de ces 450, il y a une liste cœur » de médicaments, pour lesquels « diversifier » ou « doublonner nos chaînes d’approvisionnement ne suffit pas ». Pour le chef de l’Etat, il n’y a pas d’autres solutions que de « relocaliser ».
Dans la « liste cœur » des médicaments essentiels, on compte l’amoxicilline, un antibiotique prescrit pour des infections bactériennes (angine, infections rénales, pulmonaires, articulaires, cardiaques, dentaires...), la ciprofloxacine pour le traitement d’infections urinaires, intestinales et pulmonaires mais aussi le paracétamol et la morphine. La liste compte également un certain nombre d’autres médicaments utilisés en réanimation et en urgence comme le fentanyl, un analgésique utilisé dans la prise en charge de douleurs chroniques intenses (cancers), en post-opératoire et lors d’anesthésies, le propofol (anesthésie générale ou sédation lors d’hospitalisations), le midazolam, utilisé dans la prise en charge de convulsions chez l’enfant et dans la prise en charge de l’anesthésie et de sédations. Il y a encore le diazépam (convulsion des enfants), le clonazépam (épilepsie et syndrome de Lennox-Gastaut). Sont aussi présents trois curares que l’on utilise en soins intensifs (rocuronium, cisatracurium et suxamethonium). L’adrénaline (réanimation) et la noradrénaline (collapsus et hémorragies digestives) sont dans la liste tout comme cinq médicaments « utilisés dans la prise en charge d’affections chroniques touchant une large population » : le méthylprednisolone, un antiinflammatoire, l’esoméprazole (affections gastriques), le furosémide (hypertension, insuffisances rénales, ou œdèmes), le clopidogrel (accidents thrombolytiques) ainsi que le salbutamol (pneumologie et gynécologie).
Enfin dans la liste, on trouve six anti-cancéreux : le topotecan (cancers pulmonaires et de l’appareil génital féminin), le melphalan (cancers du sang et cancers féminins), le busulfan (leucémies), la fludarabine (cancers du sang), le paclitaxel (cancers du sein et des ovaires, et certains cancers pulmonaires) et l’oxaliplatine (cancers colorectaux).