“La seule chose que je veux pour Paris, c’est qu’un électeur puisse avoir les mêmes droits et compter autant qu’à Amiens, Besançon ou ailleurs, et donc que le gouvernement puisse décider d’une réforme en profondeur de la loi Paris-Lyon-Marseille pour revenir au droit commun” a déclaré Emmanuel Macron lors de sa conférence de presse du 16 janvier dernier alors qu’il était interrogé sur les élections municipales de 2026. Voilà qui donne le ton et le cap pour les députés.
Mais la bénédiction présidentielle donnée officiellement en conférence de presse n’a pas été attendue. Depuis plusieurs mois déjà, la majorité présidentielle planche sur la réforme de cette loi PLM. Son abrogation avait même fait l’objet d’une proposition de loi en 2020 par Eric Ciotti.
« Il faut que le mode de scrutin dans ces trois villes soit le même qu’ailleurs car cela coupe celles-ci en deux. Leurs maires ne s’occupent pas de la totalité de la ville mais uniquement des arrondissements qui correspondent à leur électorat » estimait déjà l’an dernier Sylvain Maillard, député de Paris et président du groupe Renaissance à l’Assemblée avant qu’il ne confie à David Amiel le soin de réfléchir à une réforme de la loi PLM (Paris, Lyon, Marseille). La proposition de loi qui devait être déposée en décembre pour une discussion en début d’année, soit deux ans et demi avant les prochaines municipales prévues en mars 2026 ne le sera finalement peut être que début 2024. Mais le temps presse. Il est en effet traditionnellement interdit au pouvoir de modifier les règles électorales dans l’année précédant l’élection concernée. Si l’on veut qu’il soit applicable pour les municipales de 2026, le projet de loi devra être est impérativement discuté d’ici l’automne 2024 pour une adoption définitive avant mars 2025.
« Des discussions sont en cours avec des élus locaux et des parlementaires de tous bords » assure le député qui souhaite avoir le plus de soutiens possibles qui veut ainsi s’assurer que la loi sera bien votée en 2024. « Contrairement aux textes présentés sur le même sujet par le passé, nous ne voulons pas déposer le nôtre brutalement et mettre les autres forces politiques au pied du mur. Nous voulons discuter en amont » précisait David Amiel au Monde en fin d’année dernière.
Aujourd’hui l’élection du maire de ces trois grandes villes se fait au suffrage universel indirect. Une exception de plus en plus décriée mais qui est le fruit de cette Loi PLM adoptée le 31 décembre 1982. Elle avait été voulue par Gaston Defferre, à l’époque ministre de l’Intérieur de François Mitterrand et maire de Marseille. En 1982, la France était alors engagée dans un vaste processus de décentralisation avec la volonté de rapprocher le pouvoir des citoyens aux échelons qui convenaient le mieux, en accordant plus d’attributions aux collectivités locales. Le texte prévoit que dans ces trois communes, le maire est élu par un collège électoral restreint, déterminé par les conseillers de secteurs et d’arrondissements. Mais cette loi qui n’était pas dénuée d’arrière-pensées politiques – François Mitterrand souhaitait affaiblir son opposant politique Jacques Chirac tandis que Gaston Defferre n’était pas assuré de sa réélection à Marseille -, a toujours fait l’objet de critiques. La principale étant que cette loi permet l’élection d’un maire qui n’a pas forcément obtenu la majorité des suffrages exprimés en sa faveur au niveau de la ville, comme cela a été plusieurs fois le cas. David Amiel, juge même que cette loi à « trois effets pervers : une défiance croissante des citoyens envers le suffrage, une polarisation qui ne cesse de grandir sur le terrain, la possibilité qu’un maire minoritaire en nombre de voix sur la ville soit élu ». A l’avenir, la proposition de loi que le groupe Renaissance qualifie de « progrès démocratique » s’inspirerait du mode de scrutin appliqué dans les villes de plus de 1 000 habitants avec deux scrutins, deux urnes : un vote pour élire le conseil municipal (celui de la ville), la mairie « centrale ».et un pour les conseils de secteur (ou d’arrondissement). Le texte prévoit également de modifier la « prime majoritaire ». Si aujourd’hui, la liste en tête au conseil municipal remporte automatiquement 50 % des sièges, le nouveau texte ramènerait cette prime à 25 %. Les 75 % restants seraient répartis à la proportionnelle entre toutes les listes. Pour le conseil d’arrondissement, la prime majoritaire à 50 % est maintenue. La liste en tête remporte la moitié des sièges et l’autre moitié est répartie à la proportionnelle entre toutes les listes y compris la première.
Si la proposition de loi était donc votée d’ici mars 2025, elle s’appliquerait aux prochaines municipales de mars 2026. Mais bien évidemment, ce texte n’est pas totalement dénué de toutes arrière-pensées politiques même si les députés Renaissances assurent le contraire. A Paris, notamment, les oppositions politiques ne rêvent que d’une chose déboulonner Anne Hidalgo. Une élection au suffrage universel direct pourrait faciliter l’opération. Rachida Dati, la toute nouvelle ministre de la culture du gouvernement Attal. La maire du 7ème arrondissement de Paris, et ancienne présidente LR du groupe Changer Paris au Conseil de Paris s’est toujours dite favorable à l’abrogation de la loi PLM. « Afin de répondre à un enjeu démocratique, les Parisiens doivent choisir directement leur maire » avait-elle écrit sur X avant sa nomination au gouvernement. Dans l’entourage d’Anne Hidalgo, on ironise « Ce n’est pas un problème démocratique. Chaque Parisien qui vote sait parfaitement pour quel maire il met son bulletin dans l’urne ». A Paris encore, la sénatrice LR Agnès Evren est « archi pour » une révision de la loi PLM. Le scrutin actuel est selon elle « une usine à gaz ; les gens n’y comprennent rien ».
A Marseille, dans un entretien au Figaro, le maire Benoît Payan souhaite également une élection au « suffrage universel direct ». « Il est tout à fait légitime que les trois plus grandes villes de France entrent dans le droit commun. Il n’y pas de raison qu’il en soit autrement » a-t-il ainsi déclaré (Le maire de Marseille sollicité par la Revue parlementaire, après avoir répondu favorablement à notre demande de tribune n’a par la suite plus donné de nouvelles, ni son service de presse, ni son cabinet). Mais si l’on joue officiellement cette carte, à la mairie de Marseille on s’inquiète surtout du tremplin que cela pourrait offrir au Rassemblement national. A Lyon, interrogé par le Figaro, le cabinet du maire Grégory Doucet, on se déclare « ouvert au débat, tout en pointant du doigt l’objectif poursuivi ». Sans être opposé à une révision de la loi PLM, le député La France insoumise du Rhône Gabriel Amard se dit opposé à une élection au suffrage universel direct du maire.
Bref, dans les états-majors, à droite comme à gauche, chacun réfléchit à ce qu’il y gagnerait et à ce qu’il y perdrait. La complexité d’une telle révision n’incitant pas à une décision rapide.
Mais au-delà de l’élection du maire se pose aussi la question des maires d’arrondissements et de leur pouvoir. « Comme la loi électorale et la loi de répartition des compétences font partie d’un même bloc, si on touche à l’un, il faut se poser la question de réactualiser l’autre. Si parallèlement à l’élection d’un maire sur une circonscription unique à l’échelle de la commune, on ne renforce pas les pouvoirs des maires d’arrondissements, très rapidement, je crains que l’on arrive à des dérives et que la mairie centrale soit beaucoup moins réceptive qu’elle ne peut l’être aujourd’hui » a ainsi expliqué à « Made in Marseille » (L’info en ligne de la région marseillaise), Lionel Royer-Perreaut, député Renaissance des Bouches-du-Rhône qui se déclare « totalement contre l’idée de supprimer les mairies d’arrondissements ». « Cela ne doit pas conduire à une recentralisation des pouvoirs politiques et administratifs » s’inquiète auprès de nos confrères du Monde Geoffroy Boulard, maire LR du 17ème arrondissement. « Sur le papier, c’est une bonne idée. A condition que ce ne soit pas bricolé ». « Les compétences des maires de secteur, élus de proximité, doivent être clarifiées avec un transfert de compétences réelles » entre le niveau central et le secteur insiste-t-il.
Pour Eric Lejoindre, maire socialiste du 18ème arrondissement, également interrogé par Le Monde, le vrai sujet c’est « le lien entre la ville et les arrondissements ». « Il n’y a pas de problème démocratique avec le scrutin actuel » estime le socialiste qui rappelle que le mode d’élection actuel « n’a jamais empêché l’alternance dans les trois villes concernées. Ça fonctionne très bien comme ça ».
Finalement la question de la répartition des compétences pourrait être un sujet traité séparément. En novembre dernier, le député de l’Oise, Eric Woerth s’est justement vu confier par le chef de l’Etat une mission sur la décentralisation.
Reste que les interrogations sont encore nombreuses quant au périmètre de cette nouvelle loi dont les conséquences pour une ville pourraient être bien différentes pour une autre. « Est-ce qu’il y aura une loi identique pour tous, trois lois différentes ? » questionne notamment le président de Région, Renaud Muselier (Renaissance) un brin dubitatif.
Le texte pourrait finalement proposer plusieurs options sur lesquelles, les élus des villes concernées pourraient alors débattre.
Selon une étude du Figaro réalisée à partir des scores de 2020, les vainqueurs aux municipales n’auraient pas changé avec une révision du mode de scrutin. « Ils auraient même bénéficié de majorités plus larges » laisse entendre l’étude. ■