Les mobilisations agricoles ont montré qu’il était indispensable d’aller encore plus loin et d’apporter de manière urgente des réponses à une accumulation de difficultés profondes et anciennes, ainsi que de redonner un sens, pour mettre un terme à l’empilement de contraintes administratives et d’injonctions contradictoires, en particulier sur le plan des transitions écologiques et climatiques à mener.
Le 1er février dernier, le Gouvernement a, dans le cadre d’un dialogue approfondi avec les Organisations Professionnelles Agricoles, ouvert un vaste chantier pour répondre à ces attentes, et pris 62 engagements.
Depuis plusieurs semaines, et en fait plusieurs mois pour certains, je suis pleinement mobilisé pour les mettre en œuvre et faire en sorte qu’ils produisent le plus rapidement possible des effets concrets dans les cours de fermes. Avec une ambition principale : agir vite pour soutenir l’activité, conforter l’attractivité et simplifier l’exercice d’une vocation dont nous avons un besoin vital.
Dans cette perspective, nous avons tout d’abord apporté un soutien massif à nos filières en difficulté, avec notamment 90 millions d’euros supplémentaires pour l’agriculture biologique, et 230 millions d’euros pour la viticulture. Je pense également au soutien de la trésorerie de nos exploitations agricoles touchées par des épisodes climatiques ou sanitaires, avec les aides payées en un temps record sur la Maladie Hémorragique Epizootique ou suite aux tempêtes Ciaran et Domingos. Je pense encore à la suppression de la hausse de la taxation sur le Gazole Non Routier décidée dans le cadre de la loi de finances 2024, ou au paiement, au 15 mars comme nous nous y étions engagés, des aides de la Politique Agricole Commune ayant fait l’objet d’avances en octobre dernier.
Plus encore, nous continuons de tout mettre en œuvre pour garantir le revenu agricole, qui est une préoccupation constante depuis 2017 et les lois dites EGAlim. Le doublement des contrôles pour en assurer la pleine et entière application, ainsi que le travail mené en ce moment même par les députés Anne-Laure Babault et Alexis Izard dans le cadre de la mission parlementaire qui leur a été confiée, permettront d’améliorer encore le cadre de protection du revenu agricole. Cela passera notamment par une meilleure prise en compte des coûts de production, des prix-planchers, ou bien encore par l’encadrement des centrales d’achat européennes. Ce chantier sera aussi ouvert au niveau européen, comme l’a indiqué le président de la République.
Nous avons également enclenché un levier absolument essentiel de la compétitivité de notre agriculture : celui de la simplification, que ce soit au niveau européen, au niveau national ou au niveau territorial. Plus de 3 000 propositions ont été exprimées par le terrain, à la suite des mobilisations agricoles, et nous travaillons à traduire ces demandes, en activant tous les leviers nécessaires. Cet exercice passe par des simplifications très concrètes pour réduire le nombre de formulaires et de renseignement demandés aux agriculteurs, diminuer l’envoi papier de documents qui pourraient être dématérialisés, simplifier les procédures. Mais cela passe également par une simplification de la réglementation, au plan national et européen.
Au niveau national, certaines simplifications règlementaires sont d’ores et déjà engagées, comme celles attendues sur le curage des fossés ou l’accélération des contentieux sur les projets agricoles, et elles seront poursuivies. C’est aussi dans cet optique, j’ai ouvert, au niveau européen, un chantier d’une ampleur historique : j’ai porté des demandes concrètes d’amélioration des modalités de calcul de ratios de surface agricole en prairies permanentes (BCAE 1) et obtenu un assouplissement de ce calcul. J’ai également obtenu des avancées sur les 4 % de jachère et d’infrastructures agroécologiques (BCAE 8), les prairies sensibles (BCAE 9) et la rotation de cultures (BCAE 7), afin d’améliorer la conditionnalité et recentrer les obligations requises au titre de ces normes, en les simplifiant, afin qu’elles servent mieux encore l’impératif de souveraineté alimentaire, mais aussi de transition agroécologique.
J’ai enfin voulu que cette crise agricole permette d’affirmer avec force le modèle agricole que nous voulons pour l’avenir, à travers plusieurs mesures fortes. Je pense en particulier au plan de souveraineté en faveur de l’élevage, qui prévoit notamment un avantage fiscal et social de 150 millions d’euros pour l’élevage bovin, un alignement des seuils d’évaluation environnementale pour les bâtiments d’élevage sur les seuils européens ou le déploiement de 400 millions d’euros de prêts garantis par l’Etat pour faciliter les nouvelles installations. Et parce que notre agriculture est la plus vertueuse au monde et que nous voulons l’accompagner face au dérèglement climatique, j’œuvrerai aussi pour la protéger contre la concurrence déloyale. Il s’agit par exemple du sens de notre opposition ferme à un accord avec le MERCOSUR.
Ce sont toutes ces ambitions qui irriguent le contenu du projet de loi d’orientation pour la souveraineté agricole et le renouvellement des générations en agriculture, qui vient d’être présenté en Conseil des ministres et qui sera examiné à partir du 13 mai prochain à l’Assemblée nationale.
Ce projet de loi affirme avec force la priorité donnée à notre agriculture, déclarée d’intérêt général majeur, et à la souveraineté alimentaire qui est un intérêt fondamental de la Nation.
Il mobilise tout d’abord le levier de l’orientation et de la formation, à travers le lancement d’un programme national d’orientation et de découverte des métiers, qui participera à retisser le lien entre la société et le monde agricole, en permettant aux jeunes de découvrir la réalité de ces activités. Nous consolidons également la dynamique de l’enseignement agricole, avec notamment la création d’un « Bachelor Agro » qui permettra d’accompagner la montée en compétences des métiers du vivant.
Deuxièmement, la politique d’installation et de transmission sera refondée, au regard des enjeux de renouvellement des générations. Cela passera par la mise en place de « France Services Agriculture » qui permettra, à travers la mise en place d’un guichet unique et d’un réseau de structures offrant un accompagnement et des formations adaptées à chaque projet, de simplifier les parcours, de travailler sur la viabilité économique et écologique et la viabilité des projets d’installations, et de favoriser les transmissions. Les mesures de ce projet de loi seront soutenues par le déploiement de moyens supplémentaires inscrits dans le projet de loi de finances pour 2025, en particulier sur la fiscalité des transmissions.
Enfin, des mesures législatives de simplifications et de mise en place d’un cadre cohérent et lisible pour l’activité agricole sont prévues par le projet de loi, avec notamment l’adaptation des sanctions en matière d’atteinte à l’environnement, l’unification des réglementations applicables à la haie ou encore l’accélération du contentieux portant sur les projets de stockage d’eau et de bâtiments d’élevage.
Le débat autour de ce projet de loi sera donc un débat essentiel pour définir les leviers permettant d’assurer le renouvellement des générations, condition sine qua non d’une souveraineté alimentaire reconquise. Je sais que le Parlement s’en saisira pour l’enrichir et qu’ensemble, nous parviendrons à des mesures ambitieuses et concrètes au service des femmes et des hommes qui nous nourrissent. ■