Selon le dernier bilan de GRTgaz, la consommation française de gaz a baissé de 20 % en deux ans entre 2021 et 2023. En 2023, la consommation française a ainsi baissé de 11,4 % par rapport à 2022, avec un total de 381 TWh consommés (430 TWh en 2022). Une baisse significative que l’on n’avait pas vu depuis les années 90 – le pic de consommation remonte à 2010 avec 547 TWh de gaz consommé - indique le gestionnaire du réseau de transport gazier en France. Une baisse qui intervient malgré une stabilisation des prix du gaz en Europe et un retour à leurs niveaux d’avant-guerre en Ukraine (prix moyen TTF2 de 43 e/MWh en 2023 vs 121 e/MWh en 2022 ; 22 e/MWh à date) précise le communiqué. Plus précisément, la consommation des distributions publiques (ménages, tertiaire, petite industrie) a baissé de 6,5 % en 2023 par rapport à 2022, à 253 TWh, en données corrigées du climat. Un recul similaire à celui observé entre 2021 et 2022 (-6,2 %).
La consommation des clients industriels raccordés au réseau de GRTgaz recule quant à elle de 7,4 % à 103,8 TWh (-18,2 % depuis 2021). Dans chaque secteur, l’évolution de la consommation des industriels est la résultante de 3 effets principaux : évolution de l’activité industrielle, efforts d’efficacité énergétique et substitution entre énergies comme l’électricité.
Pour autant, faut-il s’en réjouir ? Cette baisse de la consommation reflète aussi de nombreuses difficultés pour les entreprises qui ont dû renégocier leurs contrats de fourniture d’énergie au pire moment, celui où les prix étaient au plus haut. Le prix du gaz qui était compris entre 15 et 25 euros du mégawattheure dans les années 2010 est passé à 45 euros du MWH en moyenne en 2021, 100 euros en 2022 et même 300 euros en août 2022. Très dépendantes du gaz, les verriers Duralex et Arc ont même été contraintes d’arrêter plusieurs mois leur production. Il a fallu une aide de l’Etat pour qu’ils puissent relancer leur activité. Si depuis, les prix sont redescendus à 39 euros du MWh faisant de la France, le pays le moins cher d’Europe, une partie de la production n’a pas pour autant redémarré semble-t-il.
Plus globalement, GRTgaz estime que cette baisse s’explique par les effets cumulés d’un climat plus doux (2023 est la deuxième année la plus chaude après 2022), des changements de comportements liés à la transition énergétique et du plan national de sobriété soutenu par le dispositif Ecogaz de GRTgaz.
Après une année 2022 lors de laquelle les centrales gaz ont représenté 10 % du mix électrique français pour compenser l’indisponibilité importante de centrales nucléaires et une faible production hydraulique, la consommation de gaz des centrales électriques en 2023 revient au niveau de 2021 à 36 TWh, en baisse de plus de 40 %. Le système gaz continue de jouer son rôle assurantiel de l’équilibre électrique grâce à sa flexibilité qui permet de compenser les aléas d’autres sources de production électrique.
Le bilan de GRTgaz confirme également une inversion des flux de gaz en Europe, « historiquement orientés d’Est en Ouest et aujourd’hui d’Ouest en Est du fait de la guerre en Ukraine ». Face à ce conflit, les infrastructures gazières européennes ont su s’adapter avec notamment la mise en service de 6 terminaux méthaniers flottants en Europe. En Europe, encore, « les approvisionnements en gaz ont baissé de 14 % en 2023 en lien avec la réduction de la demande et un moindre besoin d’injection dans les stockages » souligne le gestionnaire du réseau de transport de gaz. La part du GNL représente 41 % des approvisionnements européens. Avec 5 terminaux dont le port méthanier flottant installé en 2023 au Havre, la France confirme sa place de point d’entrée majeur du GNL en Europe, représentant 22 % des importations européennes. Bien que le volume de gaz français transporté en 2023 soit en baisse de 10 % à 680 TWh (vs 760 en 2022), la France maintient un haut niveau de transit vers ses voisins européens : 112 TWh de gaz ont été transportés vers les pays adjacents, majoritairement vers l’Italie via la Suisse, la Belgique et l’Allemagne.
L’étude évoque également la montée en puissance du biométhane « qui occupe désormais une place significative dans le bouquet des énergies renouvelables ». 652 sites de méthanisation injectent dans les réseaux à fin 2023 (+ 138 sites), dont 80 sites raccordés au réseau GRTgaz (+17 sites). Ils représentent une capacité annuelle de production de 11,8 TWh/an, + 2,8 TWh/an en 2023, « soit l’équivalent de 2 réacteurs nucléaires ou de 7 parcs éoliens offshore ». Et 14,8 TWh de projets de méthanisation sont en développement. « Dans ces conditions, l’ambition nationale de 44 TWh de gaz renouvelables injectés dans les réseaux français pourra être atteinte en 2030 » se félicite GRTgaz qui attire toutefois l’attention sur la nécessité « d’accélérer sur les Certificats de Production Biométhane et de lancer rapidement l’appel à projet pyrogazéification (production de gaz ENR à partir de déchets solides) ». ■
Toujours plus de GNL russe
La Russie est le deuxième fournisseur de GNL de la France, derrière les Etats-Unis et devant le Qatar.
Depuis le début de la guerre en Ukraine, l’Union européenne a choisi de tout faire par se passer des hydrocarbures russes d’ici 2027. Un objectif ambitieux sur le papier mais plus difficile dans les faits tant elle en est dépendante. Reste que « le tableau général est celui d’une baisse spectaculaire des importations d’énergie russe en Europe, y compris des importations de gaz » se félicite la Commission européenne qui tient à souligner que la part russe dans les importations gazières de l’UE, tous modes confondus (gazoducs et par mer) est passée de 45 % en 2021 à 24 % en 2022, puis à 15 % en 2023, derrière la Norvège et les Etats-Unis. Une Inflexion qu’il faut cependant nuancer et qu’il faut surtout attribuer à la Russie qui d’elle-même a réduit ses exportations. Trop dépendante, pour pallier à cette baisse drastique, l’UE n’a donc eu d’autres choix que de s’orienter vers le gaz naturel liquéfié russe acheminé par bateau. « Quasiment nuls avant l’invasion de l’Ukraine, les achats de GNL russe représentent aujourd’hui près de la moitié des achats de gaz russe par l’UE » indique le spécialiste français de l’énergie Thierry Bros, cité par Le Figaro. Entre 2021 et 2023, les livraisons de GNL russe à l’Europe ont augmenté de 11 %. Et la France est en Europe le deuxième importateur de GNL russe même si ses importations ont chuté de 35 % sur l’année écoulée.
Pour autant, le bond de consommation européen de GNL profite surtout aux Etats-Unis qui en exporte sur le vieux continent pour 75,15 milliards d’euros avant la Russie (23,84 milliards d’euros) et le Qatar (23,80 milliards d’euros).