L’objectif de cet événement était de renforcer l’attractivité de la France et d’attirer les capitaux étrangers le pays. Plus de 15 milliards d’euros d’investissements répartis sur 56 projets avec la création de 10 000 emplois ont été convenus, essentiels pour dynamiser l’emploi et la réindustrialisation en France. Cependant, bien que de nombreux projets ambitieux et innovants aient été présentés et conclus, l’évaluation de l’attractivité de la France pour les investisseurs internationaux reste mitigée et varie selon les indicateurs. Chaque année, des milliards d’euros d’investissements sont annoncés, mais l’attractivité globale du pays ne semble pas toujours renforcée depuis le premier sommet Choose France en 2018. Dans le secteur industriel, les signaux sont également contrastés avec une stagnation de la production mais une augmentation de l’emploi.
Investissements etrangers : une dynamique certaine pour des resultats incertains
15 milliards d’euros d’investissements attendus. La France vise à renforcer son économie en misant sur la transition numérique et décarbonée. En tête des investissements, Microsoft prévoit de dépenser 4 milliards d’euros pour des datacenters en Île-de-France, à Marseille et près de Mulhouse, soutenant ainsi l’essor de l’intelligence artificielle en France. De son côté, Amazon investira dans le développement du cloud Amazon Web Services, créant 3 000 emplois potentiels. Sur le plan de l’économie verte, plus 1,3 milliard d’euros sont annoncés pour produire de l’engrais azoté décarboné en France d’ici 2030. En Nouvelle-Aquitaine, l’allemand Lilium investira 400 millions d’euros pour assembler l’avion électrique de demain. La production de batteries électriques et la sécurisation des métaux critiques de cette filière est également une priorité. Dans le secteur de la santé, Sanofi investit 1,1 milliard d’euros dans une nouvelle usine dans le Val-de-Marne pour développer des traitements contre les maladies cancéreuses, auto-immunes et infectieuses. Pfizer et AstraZeneca prévoient respectivement 500 et 365 millions d’euros d’investissements.
Champion d’Europe. La France se classe première destination européenne des IDE pour la cinquième année consécutive selon le baromètre EY, avec 1 194 projets d’investissements recensés en 2023 soit près de 20 % des investissements étrangers en Europe. La France est particulièrement attractive pour les investissements industriels et en innovation R&D, avec 17 projets dans l’intelligence artificielle. Cet indicateur semble donc pour sa part indiquer une hausse structurelle de l’attractivité du pays et le nombre de projets a connu une hausse notable au cours de la dernière décennie.
Une hausse d’attractivité relative. La France comble les investissements non réalisés des dernières décennies en raison d’une conjoncture économique qui était défavorable, elle bénéficie d’un marché de l’emploi dynamique grâce à des réformes structurelles, et jouit d’un avantage relatif sur le Royaume-Uni marginalisé depuis le Brexit ainsi que l’Allemagne en proie à une débâcle énergétique du fait de sa sortie du nucléaire et sa dépendance au gaz russe. Ce sont donc autant les difficultés de ses voisins que les forces de la France qui peuvent expliquer son attractivité.
L’évolution des IDE (investissements directs à l’étranger) entrants et sortants évolue en dents de scie. Les flux d’IDE connaissent de fortes variations, avec par exemple une chute des montants pendant la crise sanitaire, suivie d’un rebond, puis d’une baisse significative en 2023. Dans l’ensemble, il ne semble pas y avoir eu de hausse régulière de flux d’IDE entrants depuis une dizaine d’années. Au vu de la variation des flux d’IDE, il semblerait que l’attractivité du pays ait globalement stagné en dépit des sommets répétitifs. Selon les Conseillers du Commerce extérieur et leur sondage mondial, l’insécurité en France jouerait un rôle dans la dynamique incertaine des IDE en France (émeutes urbaines, attentats islamistes et agressions de touristes asiatiques par exemple).
Industrie : hausse de l’emploi mais pas de la production ni des exportations
Le volume de production industrielle en France est globalement stable. L’attraction d’investissements étrangers viserait notamment à soutenir la réindustrialisation du pays, objectif affiché par le gouvernement. Cependant, en mars 2024, le volume de production industrielle était identique à ce qu’il était en janvier 2010. L’attractivité du pays, attestée par certains indicateurs comme les décisions d’implantations (baromètre EY) n’a pas eu à ce stade d’effets positifs notables sur la production industrielle. L’une des raisons est que les effets des investissements d’avenir se manifestent à moyen et long terme, et ils n’amélioreront significativement la situation industrielle qu’à cet horizon. Il est possible que seule une politique industrielle volontariste et agressive, similaire à celle des Etats-Unis de Joe Biden ou de la Chine de Xi Jinping dans les secteurs manufacturiers, des panneaux solaires et de l’automobile, permettrait à la France de retrouver ses capacités industrielles et de gagner en compétitivité à l’international.
L’emploi industriel en France est en hausse depuis 2017. En sept ans, plus de 100 000 emplois industriels ont été créés en France. Cela pourrait indiquer un certain succès de la politique d’attractivité du pays pour les activités industrielles. Cependant, couplé à un volume de production stagnant, cela signifie que la productivité moyenne des emplois industriels diminue, ce qui peut être un signe inquiétant quant au niveau de gamme de l’industrie française si la tendance s’avérait durable. Avec une politique de réduction du coût du travail pour les bas salaires, notamment via une baisse des cotisations patronales et le CICE (crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi), l’industrie française doit monter en gamme et améliorer sa productivité. Cela passe par une meilleure compétitivité hors-prix (qualité, marque, design), soutenue par des politiques de formation et des investissements en R&D, notamment dans les hautes technologies, comme prévu par le sommet Choose France.
Faiblesse des exportations françaises. La dynamique des exportations de biens et services en France s’est considérablement réduite depuis les années 2000, et l’industrie a été gravement touchée par chaque choc conjoncturel, notamment la crise financière de 2008 et la crise sanitaire de 2020. Selon le CEPII1, cela s’explique par la tendance des entreprises françaises à se délocaliser davantage que leurs homologues européennes. Cette stratégie, bien qu’elle génère des revenus d’investissements nets, limite la production domestique et les exportations du secteur industriel en France. La forte présence des multinationales françaises à l’étranger accentue cette dynamique, avec des activités de R&D localisées en France mais une production industrielle délocalisée. L’attractivité de la France, mise en avant lors du sommet « Choose France », est cruciale pour remédier à cette situation en attirant de grandes entreprises étrangères à s’implanter dans le pays. ■
https://www.lesechos.fr/economie-france/conjoncture/investissements-etrangers-la-france-reste-la-plus - attractive-dans-une-europe-en-perte-de-vitesse-2092473