La motion de censure n’a pas été adoptée ce 5 février. On s’en doutait après les annonces du Parti socialiste et du Rassemblement national de ne pas la voter. La France insoumise n’a ainsi pas obtenu le nombre de voix nécessaires (289 suffrages) pour voter leur motion de censure et faire tomber le gouvernement. Le projet de loi de finances pour 2025 a donc été adopté après une longue série d’atermoiements et de rebondissements. Il était temps même si beaucoup, voir quasiment tous trouvent à y redire. Mais comme l’a dit Thibault Bazin (DR, Meurthe-et-Moselle), rapporteur général de la commission des affaires sociales invité de l’Association des Journalistes parlementaires, « En politique il faut parfois choisir le chemin le moins pire. Aujourd’hui nous sommes dans une situation inédite où l’on n’a pas de budget. Peut-on raisonnablement vivre sans budget ? En politique il faut savoir faire preuve de pragmatisme et de réalisme en consentant parfois à des mesures que l’on ne soutient peut-être pas toutes mais il vaut mieux un budget imparfait que pas de budget du tout ».
Que contient ce budget 2025 ? Hors amendements techniques, le texte adopté reprend la version obtenue après un compromis trouvé par les quatorze députés et sénateurs de la CMP du 31 janvier dernier. Le texte final a retenu certaines mesures et retiré les plus épidermiques, pour une partie des élus, du projet de loi de finances 2025 tel que présenté il y a quatre mois.
La commission mixte paritaire a choisi de conserver la contribution des plus hauts revenus ou l’indexation du barème de l’impôt tel que l’avait quasiment adopté le Sénat le23 janvier. Cette contribution doit imposer à hauteur de 20 % minimum les contribuables dont le revenu fiscal de référence dépasse les 250.000 euros, multipliés par deux pour un couple. Elle doit rapporter pas moins de deux milliards d’euros. Les socialistes souhaitaient la voir pérenniser au-delà de 2025 mais ils n’ont pas obtenu cette concession du premier ministre.
L’indexation du barème de l’impôt sur le revenu sur l’inflation a été également conservée. Elle doit permettre d’éviter une hausse d’impôt pour 18 millions de foyers. Le barème est revalorisé de 1,8 % pour tenir compte de l’augmentation des prix à la consommation en 2024.
Côté recettes, le malus renforcé sur l’achat de voitures thermiques (pouvant atteindre jusqu’à 70 000 euros pour les plus polluantes) a été maintenu par la CMP tout comme une fiscalité augmentée sur le rachat d’actions et sur les chaudières à gaz. Dans un courrier adressé aux socialistes, François Bayrou s’était engagé à conserver la hausse de la taxe sur les transactions financières de 0,3 % à 0,4 % telle que votée par les sénateurs. C’est dans le texte final.
Si le débat a fait rage et suscité des remous, les grandes entreprises sont bien mises à contribution avec une taxe exceptionnelle dont le montant s’élèvera à 20,6 % du montant de l’impôt sur les bénéfices de 2024 pour celles ayant généré entre 1 et 3 milliards d’euros de chiffre d’affaires. Quant aux entreprises dont le chiffre d’affaires dépasse les 3 milliards d’euros, la contribution monte à 41,2 %. Cette taxe exceptionnelle limitée à un exercice concernera 400 grandes entreprises et doit rapporter 7,84 milliards d’euros.
La commission mixte paritaire s’est aussi prononcée en faveur de la hausse de la taxe de solidarité sur les billets d’avion qui est passée de 2,63 euros à 7,30 euros (9,50 euros dans le texte initial) pour un billet en classe économique vers une destination française ou européenne. La taxe devrait s’élever à 15 euros pour des destinations intermédiaires et à 40 euros pour des destinations lointaines (au-delà d’une distance de 5 500 kilomètres par rapport à Roissy-Charles-de-Gaulle ou aux aéroports ultramarins). Cela devrait rapporter entre 800 à 850 millions d’euros à l’Etat.
Si la fonction publique évite l’allongement du délai de carence des arrêts maladie de 1 à 3 jours, le taux d’indemnisation est ramené de 100 à 90 %.
Les collectivités territoriales n’échapperont pas à l’effort budgétaire. Le texte de la CMP retient le montant de la contribution votée par le Sénat de 2,2 milliards d’euros contre 5 milliards dans le projet de loi de départ.
Le budget de l’AME a été réduit de 111 millions d’euros par la CMP, la majorité sénatoriale de droite avait acté une baisse de 200 millions d’euros. Cette baisse de 111 millions sur un budget total de 1,3 milliard d’euros n’a pas été du goût de la gauche qui l’a fermement dénoncée et pourtant ce montant permet de maintenir les crédits alloués à l’AME à leur niveau de 2024. Les modifications d’accès à l’AME introduites par le Sénat ont été supprimées en CMP (prise en charge des prestations « non urgentes » conditionnées à un « accord préalable » de l’Assurance Maladie).
Le Service national universel dont le coût et l’inefficacité sont pointés du doigt échappe à sa disparition pleine et entière mais il voit ses ressources amputées.
L’Agence Bio sauve aussi sa peau. Ses crédits ont été sauvegardés comme l’avait promis le gouvernement.
Plusieurs ministères voient leur budget réduit de plusieurs millions (Aide au développement, Culture, Agriculture, Recherche, Enseignement supérieur). Pour permettre de maintenir et soutenir le Fonds vert qui finance les communes dans leur transition écologique, le budget de l’Écologie a été relevé de 300 millions d’euros. Grâce au soutien du monde sportif, le budget des sports qui devait être revu à la baisse est sauvegardé à son niveau (déjà réduit) de l’automne 2024.
Enfin, la commission mixte paritaire est revenue sur la suppression de 4 000 postes d’enseignants initialement prévue dans le projet de loi. Ce retour en arrière scelle l’accord entre le premier ministre et les socialistes. Ce maintien se fera à budget constant : les 50 millions d’euros nécessaires seront prélevés ailleurs dans le budget de l’Education nationale.
Enfin, les sénateurs et députés de la CMP n’ont pas retenu l’amendement de la sénatrice Nathalie Goulet visant à supprimer les avantages des anciens présidents et premiers ministres. ■
L’Assemblée nationale a examiné, le 5 février dernier, deux motions de censure déposées par La France insoumise (LFI) après l’engagement de la responsabilité du gouvernement par François Bayrou sur le projet de loi de finances de l’Etat (PLF) et sur le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS). Le Parti socialiste et le Rassemblement national ayant choisi de ne pas joindre leurs voix à celles des Insoumis, Ecologistes et Communistes, c’est donc sans surprise que les deux motions de censure ont été rejetées. Pour être adoptée, une motion de censure doit recueillir 289 voix. La motion de censure sur le PLF a recueilli 128 voix. « La majorité requise n’étant pas atteinte, la motion de censure n’est pas adoptée » a indiqué la présidente de l’Assemblée, Yaël Braun-Pivet. A noter que six députés du groupe Socialistes et apparentés (sur 66) ont tout de même voté la motion défendue par LFI (Paul Christophe, Pierrick Courbon, Philippe Naillet, Mélanie Thomin, Peio Dufau (apparenté) et Christian Baptiste (apparenté)). Le budget de l’Etat issu de la Commission mixte paritaire est donc adopté et vient remplacer celui voté en fin d’année avec la loi spéciale. La motion de censure sur le PLFSS n’a rassemblé que 122 voix – le premier volet du PLFSS est lui aussi adopté.