On en trouve partout et sont surnommés « les polluants éternels ». Les per - et polyfluoroalkylées (PFAS) sont présents dans nos poêles, nos vêtements, nos cosmétiques… Les fabricants en sont friands parce qu’ils sont notamment hautement résistants à la chaleur mais aussi imperméables, antitaches, déperlants et ont des propriétés antiadhésives appréciées. Des propriétés qui font certes leur force mais aussi notre faiblesse : ils sont quasiment indestructibles et se répandent sournoisement dans l’environnement et nos organismes. Au mépris de notre santé avec une nocivité prouvée. Plusieurs études scientifiques ont d’ailleurs mis en évidence qu’une trop forte concentration dans le corps humain et une trop longue exposition pouvaient avoir des conséquences irrémédiables (cancers, diabète, obésité, risque sur la fertilité, perturbation endocrinienne…).
Face au danger, des scientifiques se sont lancés dans une course de longue haleine pour tenter de dépolluer nos sols et nos eaux mais aussi nos organismes. Dans une enquête publiée le 14 janvier dernier qui fait suite à une enquête précédente de 2023 qui avait mis en évidence « au moins 23 000 sites pollués » sur le sol européen, Le Monde révèle le montant de la facture pour éliminer ces « polluants éternels » à l’échelle de l’Union européenne. Des chiffres qui font frémir tant cette « élimination » paraît coûteuse et hors de portée. La cinquantaine de journalistes de seize pays différents qui ont travaillé en collaboration avec des chercheurs (« Forever Lobbying Project ») sont arrivés à la somme de 100 milliards d’euros par an que l’Union européenne devrait débourser pendant vingt ans pour se débarrasser des PFAS en Europe, soit plus de la moitié de son budget annuel. Ce chiffre a pu être difficilement établi à partir de « rares informations scientifiques et économiques disponibles » et aussi grâce à « des données locales collectées auprès de pionniers de la dépollution ». Reste que cette somme astronomique qui, bien que présentée comme « la fourchette haute » de leur estimation est, selon eux, « fort probablement » la plus réaliste. Ils expliquent cela notamment par le développement de nouveaux PFAS qui viennent s’ajouter aux PFAS « historiques ». Ces nouveaux PFAS « à chaîne ultracourte » sont bien plus performants et souvent bien plus petits donc encore plus difficiles à discriminer et donc (chers) à éliminer. « S’attaquer au TFA (dit le « PFAS ultime », Ndlr) et aux autres PFAS émergents (...) nécessiterait pour l’Europe le déploiement de moyens de décontamination bien plus importants que ceux qui ont déjà été envisagés pour les PFAS dits “historiques” », écrit Le Monde. Le quotidien ajoute que ce coût « n’inclut ni l’impact des PFAS sur nos systèmes de santé, ni une myriade d’externalités négatives trop difficiles à quantifier ». La fourchette basse - 4,8 milliards d’euros par an – est perçue comme « un scénario irréaliste » avec des hypothèses « ultra-optimistes ».
Aujourd’hui certaines méthodes de dépollution existent comme le traitement au charbon actif ou le procédé d’« osmose inverse basse pression ». Mais ces méthodes sont coûteuses et sont souvent très énergivores et gourmandes en eau tout en produisant des déchets importants. Quant à détruire les PFAS avec les ordures ménagères, cela nécessite des températures très élevées (1 050 ou 1 100 degrés) que les incinérateurs classiques ont du mal à atteindre. Bref, comme le résume Le Monde « la décontamination pose un immense défi technologique et logistique ». Au-delà de ça, le quotidien s’inquiète aussi des campagnes menées par les industriels pour « édulcorer, voire tuer » la mise en œuvre d’une politique européenne d’interdiction des PFAS. A l’heure actuelle, la commission européenne envisagerait une interdiction des PFAS pour les produits de consommation courante, mais assortie de larges exceptions, notamment dans le domaine médical. En février 2023, quatre Etats membres (Allemagne, Danemark, Pays-Bas, Suède) et la Norvège avaient porté une mesure visant à interdire la production, l’utilisation, l’importation et la mise sur le marché de quelques 10 000 composants perfluorés (PFC) et polyfluoroalkylés (PFAS) dans l’UE comme dans l’Espace économique européen.
La conclusion revient à un chercheur cité par Le Monde : « Il nous reviendra toujours moins cher de cesser d’émettre des PFAS que de décontaminer ». ■