Les élections aux Chambres d’agriculture, établissements publics placés sous la tutelle de l’Etat, ont lieu tous les 6 ans. Elles visent à renouveler les exécutifs des Chambres d’agriculture départementales et interdépartementales. Pour le monde agricole, les agriculteurs et les syndicats, l’enjeu est de taille. Les nouveaux élus auront la responsabilité de représenter et de défendre les intérêts des acteurs du monde agricole, « dans un contexte où l’agriculture française est souvent attaquée et fait l’objet de beaucoup d’injonctions ». Ce scrutin confère aux Chambres d’agriculture la légitimité nécessaire pour peser sur les décisions publiques, représenter l’agriculture, incarner la proximité et la diversité du secteur. Aujourd’hui encore plus qu’hier. Face aux attentes de la société, à la concurrence internationale, à la multiplication des réglementations, à l’impact du changement climatique, « le monde agricole a besoin de cette représentation et du rôle de médiation que jouent les Chambres d’agriculture entre les agriculteurs et leur environnement économique, politique et social » rappelle Sébastien Windsor, le Président de Chambres d’agriculture France.
Près de 2 millions d’électeurs – 455 000 paysans actifs, mais aussi 985 000 retraités – étaient appelés à voter (en ligne ou par voie postale) entre le 7 et 30 janvier 2025 pour une proclamation des résultats entre le 6 et 8 février. Les électeurs, chefs d’exploitation ou salariés agricoles, ont ainsi voté pour renouveler les exécutifs des 88 Chambres départementales et interdépartementales d’agriculture dont 5 Chambres d’agriculture départementales d’Outre-mer, soit 3200 élus. Ces chambres d’agriculture emploient 8400 salariés dont 6700 techniciens ingénieurs. Une chambre départementale comprend en moyenne 78 salariés dont 81 % sont cadres et techniciens. Le budget de ces établissements publics est de 750 millions d’euros (données 2022-2023)*.
Les missions des chambres d’agriculture sont au nombre de quatre issues du Code rural et modifiées par Loi d’avenir de l’agriculture du 13 octobre 2014 : améliorer la performance économique, sociale et environnementale des exploitations agricoles et de leurs filières ; accompagner la démarche entrepreneuriale et responsable des agriculteurs ainsi que la création d’entreprises et le développement de l’emploi ; assurer la représentation des agriculteurs auprès des pouvoirs publics et des collectivités territoriales ; contribuer au développement durable, à la préservation des ressources naturelles, à la réduction des produits phytosanitaires, à la lutte contre le changement climatique…
A l’échelon départemental ou interdépartemental, les 88 Chambres d’agriculture départementales ou interdépartementales accompagnent quotidiennement les agriculteurs, salariés agricoles et forestiers, notamment par l’information réglementaire, le conseil en expertise et/ou solutions, la formation… « Elles jouent également un rôle de représentation de la profession au niveau territorial ». A l’échelon régional, les 11 Chambres régionales ou de région orientent, structurent et coordonnent les actions des Chambres départementales et définissent la stratégie régionale dans le respect des orientations nationales. Elles représentent également les intérêts agricoles de la région auprès des pouvoirs publics et des organes consultatifs. Quant à la Chambre *d’agriculture France qui est l’échelon national du réseau, elle coordonne le réseau des Chambres et leur fournit l’appui technique, juridique, économique et financier dont elles ont besoin pour fonctionner. « Par la remise de ses avis d’expertise indépendants, elle contribue par ailleurs à la définition des orientations et la mise en œuvre des politiques agricoles, du développement rural et de l’environnement. Investie d’une mission de service public, elle accompagne et coordonne également la mise en œuvre des politiques publiques confiées par l’Etat ou les collectivités » explique Sébastien Windsor. « Défendre, accompagner et être aux côtés des agriculteurs, les Chambres d’agriculture sont un acteur clé du développement agricole au service des agriculteurs et des territoires » insiste-t-il. Toutes ont pour mission de veiller, non sans mal, à l’application sur le terrain des orientations de politiques agricoles et forestières décidées à Paris et aussi à Bruxelles.
Néanmoins, plusieurs critiques visent les chambres d’agriculture. Au-delà de la lourdeur administrative de ces établissements publics, le mode de scrutin est également pointé du doigt. Mélange de scrutin majoritaire et proportionnel, ce mode d’élection en donnant d’office la moitié des sièges à la liste arrivée en tête et le restant réparti à la proportionnelle, est critiqué par les syndicats minoritaires qui se sentent lésés. Ce mode de scrutin a aussi des conséquences sur le financement des syndicats. Sur une enveloppe de 14 millions d’euros destinés au financement des syndicats, près des deux tiers de cette somme ont été empochés par les tandem FNSEA-JA qui n’ont pourtant obtenu lors des précédentes élections en 2019 qu’un peu plus de la moitié des suffrages. Le reliquat de l’enveloppe a été réparti pour moitié entre la Coordination rurale (20 % des voix) et la Confédération paysanne (Conf), troisième syndicat, avec 17 % des voix en 2019 et la fin de l’enveloppe au Modef (1,3 % des voix). Pour les syndicats, ces élections professionnelles représentent entre 25 et 80 % de leur budget annuel.
Fin 2024 dans le cadre de l’examen d’un projet de loi sur la démocratisation agricole, il avait été rédigé « un rapport sur la proportionnelle intégrale » rappelle Aurélie Trouvé, ingénieur agronome, députée LFI et présidente de la commission des affaires économiques. « Ce mode de scrutin permettrait un état des lieux plus réaliste de l’état des forces entre les syndicats et une répartition plus équitable de leur financement » indique l’élue. ■
*Répartition de la ressource (données 2022-2023) : taxe additionnelle à la taxe sur le foncier non bâti (TATFNB) appelée auprès des propriétaires (38 %) ; Prestations assurées auprès des agriculteurs, des entreprises agroalimentaires, des collectivités, etc. (34 %) ; Contrats et conventions (État, collectivités territoriales, Union européenne, etc.) 35 % et autres sources (3 %).
Adoption de la proposition de loi visant à adapter les instances de gouvernance des chambres d’agriculture et de la MSA
L’Assemblée nationale a adopté le 22 janvier dernier la proposition de loi portant diverses mesures pour adapter le fonctionnement des instances de gouvernance des chambres d’agriculture et de la Mutualité sociale agricole (MSA). Présentée par Mme Nicole Le Peih, députée du Morbihan et rapporteure de la commission des affaires économiques, cette loi vise à garantir le bon déroulement des élections agricoles à venir.
Les nouvelles mesures permettront aux présidents de coopératives et aux agriculteurs gérants des entreprises de travaux agricoles d’intégrer les bureaux exécutifs des chambres d’agriculture, même s’ils sont liés à des activités de vente ou de distribution de produits phytopharmaceutiques. Cette disposition est encadrée par des règles de transparence et de prévention des conflits d’intérêts. « Elle vise à sécuriser et stabiliser le fonctionnement de ces instances essentielles » explique Nicole Le Peih qui estime que ces acteurs « disposent d’une riche expertise dont il serait dommage de se priver ». Elle a également insisté sur l’importance d’un amendement renforçant la transparence des travaux des chambres, un gage essentiel pour restaurer et renforcer la confiance des agriculteurs envers leurs institutions.
Concernant la Mutualité sociale agricole (MSA), le texte apporte des réponses aux problématiques administratives et juridiques urgentes, notamment en rétablissant la légalité des élections dans les cantons de la métropole de Lyon et en harmonisant le calendrier des scrutins pour l’ensemble des caisses locales. Elle modernise également les élections de la MSA en élargissant le droit de vote aux adhérents non à jour de leurs cotisations sociales. Désormais, les débiteurs de cotisations sociales peuvent se porter candidats aux instances de gouvernance (disposition adoptée à l’unanimité par les groupes à l’Assemblée nationale). Par ailleurs, à partir de 2030, l’introduction de listes paritaires dans le collège des salariés renforcera l’égalité femmes-hommes dans la gouvernance agricole.
Enfin, face aux conséquences dramatiques de l’ouragan Chido à Mayotte, la proposition de loi permet le report d’un an des élections des chambres d’agriculture sur l’île. Cette mesure garantit leur organisation dans des conditions apaisées et adaptées à la situation locale.