C’est d’ailleurs le thème retenu pour la 61ème édition du salon de l’agriculture, qui ouvrira ses portes le 22 février. Cet évènement nous permettra de jeter les fondations de cette ambition nouvelle, en s’appuyant sur de premiers acquis solides, avec l’adoption du budget et, nous pouvons l’espérer, du projet de loi d’Orientation Agricole, très attendue des agriculteurs.
Parce qu’elles traduisent le respect de la parole donnée par l’Etat aux agriculteurs, ces mesures sont un appui robuste pour nous projeter dans l’avenir avec plus de sérénité. Cet avenir répondra à trois priorités : restituer aux agriculteurs leur pouvoir de produire ; restituer aux agriculteurs leur pouvoir de vivre de leur métier ; reconquérir notre souveraineté alimentaire.
Restituer aux agriculteurs leur pouvoir de produire
Les reformes conduites ces 20 dernières années ont enserré le métier d’agriculteur dans un enchevêtrement kafkaïen de normes et d’interdits, parfois contradictoires, qui bride la production, obère les revenus et va jusqu’à vider de son sens le métier de paysan. Libérer notre production est donc une urgence nationale parce qu’il en va de la capacité du pays à nourrir les Français.
Pour ce faire, je poursuivrai avec acharnement le travail de simplification, initié par la circulaire sur le contrôle administratif unique et les propositions des sénateurs Laurent Duplomb et Franck Menonville. Ce travail s’inscrit dans un cadre, « les rendez-vous de la simplification », que j’ai mis en place et qui a commencé à se traduire en mesures concrètes. Ils associent l’ensemble des organisations professionnelles agricoles, afin de définir les dossiers prioritaires auxquels le Gouvernement doit s’atteler, et de s’assurer que ce nettoyage soit pleinement conforme aux attentes du terrain. De nouvelles mesures importantes sont en cours de déploiement, sur la déconcentration des calendriers de travaux règlementaires ou la simplification des demandes d’aides pour n’en citer que quelques-unes.
En parallèle de ce travail de simplification, je porte une ambition forte pour sécuriser l’accès aux moyens de production. D’abord, la terre, sur la base d’un mantra simple. Il nous faut protéger la terre cultivable sans laquelle la reconquête de la souveraineté agricole restera un vœu pieux. C’est l’issue de la bataille contre la déprise agricole qui en dépend. Aussi, s’agissant du foncier, je serai vigilante à ce que les amodiations du ZAN n’entament pas la sanctuarisation des terres productives dont la loi a pour objet de protéger la valeur alimentaire.
L’accès à l’eau est par ailleurs l’enjeu du siècle. Aucune civilisation ne s’est bâtie sans maitriser cette ressource. Nous ne pouvons pas davantage nous en affranchir et nous devons convaincre pour surmonter les réticences locales. Pour ce faire, je consoliderai le fonds hydraulique, qui permet de financer des projets innovants de stockage ou de réutilisation de l’eau, et je m’investirai pleinement dans la conférence de l’eau qu’a annoncée le Premier ministre, en lien étroit avec les territoires. Chaque échelon doit en effet s’investir, à sa mesure, pour relever cet immense défi.
Enfin, l’accès aux moyens de traitement lorsqu’ils s’avèrent indispensables pour la survie de nos productions est un enjeu essentiel. Cela suppose d’abord de mener bataille contre les surtranspositions, qui placent nos agriculteurs dans des conditions de concurrences intenables et, parce nous devons poursuivre nos efforts pour réduire l’empreinte environnementale de l’agriculture, cela suppose que nous amplifions les efforts de recherche de solutions alternatives. C’est notamment ce que permettent le comité des solutions et le financement du PARSADA.
Restituer aux agriculteurs leur pouvoir de vivre de leur métier
Ces mesures libératrices permettront d’augmenter les volumes de production, qui constituent l’une des trois composantes du revenu des agriculteurs, aux côtés des charges, que le budget voté allège d’un demi-milliard, et des prix.
Sur ce dernier point, ma collègue Véronique Louwagie et moi-même souhaitons que le cadre Egalim soit remis sur le métier. De mes échanges avec les acteurs, je retire la conviction que nous devons poursuivre deux objectifs : d’une part, la consolidation du respect du principe de marche en avant ; de l’autre, la création d’un cadre Egalim européen. En effet, seule une action à l’échelle européenne permettra d’inscrire le rééquilibrage des pouvoirs de négociation dans la réalité de l’environnement concurrentiel. Nous sommes résolus à porter cette ambition avec force dans le débat européen.
Reconquérir pleinement notre souveraineté alimentaire
Libérer la production, rendre aux agriculteurs leur fierté et le pouvoir de vivre de leur métier, ces deux conditions sont au service de ce que je considère être le combat matriciel pour l’agriculture française : la reconquête de notre souveraineté alimentaire. Le projet de loi d’Orientation Agricole, en renforçant la formation, et en facilitant les transmissions, marque un premier « checkpoint » sur ce chemin.
Pour reconquérir notre souveraineté alimentaire, il est indispensable de protéger notre production des effets du changement climatique. Cela suppose de poursuivre ce qui marche, avec notamment le déploiement de plan d’adaptation dans les zones les plus à risque, comme le plan « Méditerranée ».
Cela suppose aussi d’améliorer ce qui peut l’être. Les modalités de mise en œuvre de l’assurance multirisque climatique, le recours déflationniste de la moyenne olympique et le manque de confiance que lui portent certaines filières, notamment en élevage, doivent nous conduire à en faire le bilan pour s’assurer de sa pénétration plus massive dans nos campagnes car il en va de son efficacité et donc de sa pertinence. C’est un chantier urgent que je veux mener avec la profession.
Enfin, la reconquête de notre souveraineté alimentaire doit nous conduire à nous battre avec acharnement contre les accords commerciaux déloyaux. La bataille la plus immédiate et dans laquelle je jette toutes mes forces reste celle contre la ratification de l’accord de libre-échange avec le MERCOSUR. Mais il faut désormais plus globalement contraindre la Commission européenne, lorsqu’elle négocie en notre nom, à imposer des clauses miroirs dans tous les projets d’accord avec nos partenaires.
Je ne m’oppose pas par principe aux accords commerciaux, qui peuvent être des sources de débouchés importants pour des pans entiers de notre agriculture. Mon ambition est simplement que nous changions de logiciel : le secteur agricole, singulièrement dans un monde en tension croissante, est un vecteur de puissance à l’international, et il faut donc cesser de ne l’envisager que comme un secteur à défendre. Le soutien de l’agriculture à l’export sera demain un axe central de la puissance française et européenne au plan mondial.
Voilà donc les principaux piliers qui supporteront la mobilisation générale que j’appelle de mes vœux pour notre agriculture. Nos paysans, étymologiquement les « gens du pays », sans lesquels aucune société n’est possible, ne peuvent être laissés plus longtemps sur le bord du chemin. Un nouveau pacte social doit lier la nation à ceux qui les nourrissent pour leur redonner la confiance et l’espoir qui n’auraient jamais dû les quitter. J’en appelle à toutes les forces vives de la nation pour écrire cette nouvelle page. ■